Digifilm : le rétrofuturisme de la sauvegarde

La solution Archiflix sauvegarde les données sur une pellicule similaire à celle employée dans le cinéma. L’entreprise revendique une qualité de sauvegarde bien plus longue sur un support magnétique pour un coût très inférieur.

Un ancien proverbe dit que ce sont dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. La maxime pourrait parfaitement s’appliquer à Digifilm qui propose une solution de stockage sur… pellicule.

Alors que des scientifiques se penchent sur des technologies révolutionnaires comme le stockage sur verre ou sur ADN, une société française se propose d’utiliser l’invention de George Eastman, laquelle accuse 160 ans d’âge. Mais pourquoi donc ? Les raisons sont plurielles, mais la première tient avant tout à la non-altérité de ce support dans le temps.

Songez que le premier film des frères Lumière date de 1895 et qu’il est toujours visible, certes après restauration. Ceci est à comparer aux stockages sur bandes magnétiques qui ne survivent pas plus d’une cinquantaine d’années. Par ailleurs, et ces temps troublés sont là pour le rappeler, la guerre magnétique que d’aucuns nous promettent détruirait l’ensemble de ces supports.

Recycler les bobines cinématographiques

D’où l’idée des trois fondateurs de l’entreprise, historiquement dans l’industrie du cinéma, d’utiliser les bonnes vieilles bobines pour sauvegarder des contenus à forte valeur et dont personne ne peut se permettre de perdre la trace. Il peut s’agir de données architecturales, de plans techniques, d’informations concernant la défense, la santé.

Antoine Simkine (en photo en haut de cet article) a présenté la solution lors d’un événement IT Press Tour organisé à Malte début décembre et consacré aux acteurs qui innovent dans le stockage de données. L’homme dispose d’une large expérience dans l’industrie cinématographique, notamment comme fondateur de la société Duboi ; il a participé activement à la transposition d’archives cinématographiques analogiques vers le numérique et inversement. C’est à la suite d’une rencontre avec Pierre Ollivier, aujourd’hui PDG de Digifilm, qu’ils ont eu l’idée de concevoir un appareil permettant un stockage longue durée, pérenne et économique des données les plus sensibles.

1 Million de dollars pour conserver un film 50 années

Le constat de départ est que le support magnétique repose sur un modèle physique instable, lequel nécessite de nombreuses manipulations au fil du temps. De même, la sauvegarde physique analogique dégrade par essence l’original numérique. Cela signifie qu’il convient de migrer régulièrement vers de nouveaux supports. À titre d’exemple, un studio de cinéma dépense environ 20 000 $ par an pour la conservation numérique de chaque titre, ce qui revient à 1 million de dollars par film sur 50 ans.

Le procédé d’Archiflix repose sur l’enregistrement non plus d’images, mais d’un code visuel que l’on pourra ensuite relire à l’aide d’un scanner. Ce procédé est breveté par l’entreprise qui l’a conçu. Le marché du stockage croît à minima de 15 % par an et pèse plus de 70 milliards d’euros par an. Bien évidemment, Archiflix ne s’adresse pas à l’intégralité du marché, mais M. Simkine estime qu’environ 10 % des données stockées sont sensibles, ce qui représente un marché potentiel de 7 milliards d’euros en 2025.

L’un des avantages de cette solution est que la sauvegarde effectuée est une copie parfaite de l’original, quel que soit son format, et comprenant les métadonnées qui peuvent être associées. Ce n’est en revanche pas le cas avec une sauvegarde de type microforme pour laquelle la sauvegarde est un fichier image au format TIFF.

L’archivage des fichiers à partir de la machine conçue et réalisée par Digifilm peut être réalisé à distance en mode SaaS, ou au travers d’une application intégrée sur un serveur local. Les fichiers numériques sont convertis selon la norme Archiflix Pixa, puis sont transférés de manière sécurisée vers la plateforme de stockage Archiflix Vault, louée par le client. Enfin la récupération des fichiers s’effectue par le client, soit avec la plateforme Archiflix, soit avec n’importe quel scanner 35 mm disponible sur le marché. Notons que Digifilm n’a aucune information sur ce qui est sauvegardé, pour des questions de sécurité et de confidentialité.

En termes de performances, l’objectif est d’arriver à un débit d’enregistrement de 10 Go par minute ; une bobine de 600 mètres pourrait contenir jusqu’à 200 Go). Aujourd’hui, le débit du prototype est de 200 Mo par minute, soit 5 à 10 000 documents représentant 1 Go en 5 minutes.

Comme des photocopies

Le modèle économique de Digifilm repose sur une licence d’utilisation par sauvegarde à la manière des services de photocopie, avec des tarifs dégressifs selon les volumes, en plus du coût du film et de la maintenance. L’entreprise précise qu’elle ne vend pas le matériel, mais les met à disposition des utilisateurs tout en en conservant la propriété et en effectuant des mises à jour. « Ceci permet au client de ne pas se retrouver avec une machine obsolète au bout de quelque temps », précise M. Simkine.

Jusqu’à maintenant, l’entreprise a reçu un financement de BPI France d’un montant de 200 000 € ce qui a permis de construire le premier prototype. Si les promesses semblent particulièrement intéressantes, les clients se montrent plutôt frileux pour le moment. C’est aussi la raison pour laquelle Digifilm cherche de nouveaux financements afin d’étoffer ses forces commerciales et marketing.

Pour approfondir sur Archivage