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Restriction de l’IA dans le monde : Washington s’explique dans une fiche

En à peine quelques heures, les USA ont déjà promulgué un nouveau cadre juridique qui impose des quotas de GPU et de LLM au reste du monde. À une semaine du changement de présidence. Les industriels des semiconducteurs demandent le retrait du texte.

Ça n’a pas traîné. Le texte finalisé qui restreint les exportations des technologies d’IA américaines dans le monde aura finalement juste eu le temps d’un week-end pour être discuté. Washington a promulgué la loi Export Control Framework for Artificial Intelligence Diffusion, hier, lundi 13 janvier. L’intégralité du texte sera officiellement publiée mercredi 15 janvier.

En attendant, il est possible de consulter sa version dans un format non officiel, de 170 pages, sur le site du registre fédéral. La Maison-Blanche vient aussi de publier sur son site une fiche d’information qui résume les principaux points de cette loi – plus exactement un cadre juridique, dans la nomenclature américaine – dans le but d’éviter les interprétations malveillantes.

En l’occurrence, l’Export Control Framework for Artificial Intelligence Diffusion, promulguée par l’Administration Biden en urgence, une semaine à peine avant le changement de président aux USA, courrouce tout particulièrement les fournisseurs américains de technologies d’IA, qu’ils fabriquent des GPU ou développent des LLM.

L’industrie de la Tech américaine appelle au retrait du texte

Nvidia, principale victime de cette décision qui lui impose des quotas par pays, ne décolère pas, d’autant moins que le cours de son action en bourse dévisse depuis une semaine. Date où la rumeur de cette loi-surprise a commencé à se propager.

À son secours, mais aussi au nom d’AMD, Intel, Broadcom et tous les autres fabricants de puces qui intègrent des accélérations liées à l’IA dans leurs circuits, la Semiconductor Industry Association (SIA) a vigoureusement appelé à retirer le texte : « Nous sommes profondément déçus qu’un changement de politique de cette ampleur et de cet impact soit précipité quelques jours avant une transition présidentielle. Et, ce, sans aucune contribution significative de l’industrie », écrit le PDG du puissant lobby des semiconducteurs américains dans un manifeste.

« La nouvelle règle risque de causer des dommages inattendus et durables à l’économie américaine (…). Les enjeux sont importants et le moment est mal choisi. Nous sommes prêts à travailler avec les dirigeants à Washington pour tracer une voie qui protège la sécurité nationale tout en nous permettant de faire ce que l’Amérique fait le mieux : être compétitive et gagner au niveau mondial », ajoute-t-il.

En Chine, principale bête noire de l’économie mondiale pour les USA, le ministre du Commerce dénonce bien évidemment une loi « abusive » qui serait « moins faite pour protéger la sécurité étatsunienne que pour prendre le contrôle total du commerce de l’IA », rapporte le tabloïd chinois Global Times.

Précisons que l’Export Control Framework for Artificial Intelligence Diffusion n’est pas présenté au sens propre du terme comme une loi, mais comme une évolution du cadre juridique qui régulait l’export des technologies d’IA vers la Chine depuis octobre 2022, déjà révisé en octobre 2023. Cette forme juridique permet de se passer d’un vote.

Les USA segmentent le monde en trois : les pays interdits, avec licence, ou avec quotas

La fiche publiée par la Maison-Blanche a le mérite de résumer en quelques paragraphes un document qui doit atteindre 200 pages dans sa version finale.

En substance, les pays sont classés en trois catégories : les ennemis qui n’auront droit à rien (principalement Chine, Russie, Iran, Corée du Nord), les alliés qui auront droit à tout, mais sous contrôle de Washington (dix-huit pays occidentaux dont la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, le Benelux, les pays scandinaves, le Canada, ainsi que Taiwan, la Corée du Sud et le Japon) et tous les autres, parmi lesquels le Portugal, l’Autriche ou encore Israël, qui seront soumis à des quotas.

Bloomberg publie sur son site une mappemonde qui indique d’une couleur à quelle catégorie appartient chaque pays.

Pour autant, les contrôles et les quotas ne s’appliqueront pas à des États, mais à des « entités ». Les entités basées dans les pays alliés pourront acheter autant de « capacité de calcul IA » qu’elles le souhaitent pour les utiliser à domicile. Elles pourront faire une demande auprès de Washington d’une licence Universal Verified End User (UVEU) qui les autorisera à exporter vers des pays non ennemis 7 % de la capacité IA qu’elles auront achetée.

On pense aux acteurs économiques de la Tech et aux industriels qui voudront exporter leurs produits basés sur une technologie américaine. On ignore si cela sera suffisant pour satisfaire les marchés mondiaux d’OVHcloud ou Thalès, par exemple.

Le quota : la puissance de 50 000 GPU d’aujourd’hui, par pays, tous les deux ans

Dans les pays ni alliés ni ennemis, l’ensemble des entités devront se partager un pool commun de 50 000 GPU « d’aujourd’hui » par pays, tous les deux ans. Le « d’aujourd’hui » signifie a priori ici qu’il s’agit plus de la puissance totale que du nombre de puces. Si les prochaines puces sont deux fois plus puissantes, alors le pool commun pourrait tomber à 25 000 unités tous les deux ans. L’évaluation de la puissance des puces par le gouvernement américain n’est, à ce stade, pas très claire.

Toutefois, les entités gouvernementales de ces pays pourront faire une demande auprès de Washington pour obtenir une licence National Verified End User (NVUE), qui leur donnera le droit d’importer jusqu’à 320 000 GPUs « d’aujourd’hui » tous les deux ans, pour un usage exclusif à l’intérieur de leurs frontières.

Enfin, dans sa fiche, l’Administration Biden veut battre en brèche l’argument de ses opposants qui consiste à dire que cette loi empêcherait les nations de progresser en médecine et en recherche universitaire où l’IA joue un rôle clé : « les commandes inférieures à 1 700 GPU ne seront pas comptabilisées dans les quotas » dit la fiche, en avançant que cette quantité serait supérieure à ce que commandent généralement les institutions médicales et les universités.

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