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L’Europe beaucoup moins bien formée à l’IA que les Etats-Unis

D’après Forrester, les salariés américains seraient mieux préparés à l’intelligence artificielle que leurs homologues européens. Une situation qui pourrait menacer la compétitivité du Vieux Continent. Mais qui a aussi ses remèdes.

Les entreprises européennes prendraient un sérieux retard par rapport à leurs concurrentes américaines en matière de compétences en intelligence artificielle (IA). C’est le constat dressé par Forrester dans une étude qui souligne des écarts de formation entre les deux continents.

Selon le cabinet d’analyse, les entreprises américaines considèrent plus l’adoption des nouvelles technologies par les utilisateurs comme une priorité absolue que leurs concurrentes européennes (43 % contre 37 % en France par exemple). Idem avec des taux de déploiements de la GenAI supérieurs aux États-Unis ( 36 % contre 32 % en Europe).                    

Conséquence, les employeurs américains seraient plus nombreux à proposer des formations régulières à l’IA à leurs collaborateurs (62 % contre 52 % des entreprises européennes).

L’écart s’expliquerait en partie par une surestimation fréquente, de la part des dirigeants européens, de l’efficacité de leurs dispositifs de formation. Quoi qu’il en soit « ce déficit de formation entrave la confiance des employés dans l’utilisation efficace de l’IA », affirme Forrester. Il en résulterait également un manque de confiance envers l’IA plus prononcée sur le Vieux Continent (59 %) à de l’IA que 48 % des employés européens se sentent confiants dans l’utilisation de l’IA contre 59 % outre-Atlantique).

Pour Indranil Bandyopadhyay, analyste principal chez Forrester et co-auteur du rapport « European employees are falling behind US workers on AI skills », le manque de compétences et de confiance à l’égard de l’IA représente un « défi majeur pour la compétitivité de l’Europe dans une économie de plus en plus pilotée par l’intelligence artificielle ».

Une confiance moindre, malgré une motivation comparable

Le rapport souligne par ailleurs une certaine méconnaissance des attentes des collaborateurs.

En Europe, 62 % des décideurs estiment que leurs employés (non techniques) seraient motivés à se former à l’IA. Mais seuls 55 % des salariés eux-mêmes confirment cette motivation. À l’inverse, aux États-Unis, cette perception est bien plus proche entre managers et employés (63 % vs 64 %).

Les salariés américains seraient aussi plus confiants dans leurs compétences : 67 % disent comprendre les bases de l’IA, contre 59 % en Europe. Et 54 % maîtrisent le concept de prompt engineering, contre seulement 36 % des salariés européens.

L’Europe peine aussi à retenir ses talents IA

Cette fracture ne s’explique pas uniquement par la formation. Elle est aussi alimentée par les écarts de rémunération : à poste équivalent, les salaires dans la tech sont bien plus élevés aux États-Unis qu’en Europe. En France, ils ne représentent que 37 % de ceux proposés outre-Atlantique, selon le rapport.

En matière d’investissement privé, le déséquilibre est tout aussi frappant : en 2023, les entreprises américaines ont investi 62,5 milliards d’euros dans l’IA, contre seulement 9 milliards pour l’ensemble de l’UE et du Royaume-Uni réunis.

Cette domination se traduit aussi dans les chiffres de la recherche : 73 % des grands modèles de langage (LLM) dans le monde ont été développés par des acteurs américains.

Six leviers pour rattraper le retard

Face à ce constat, Forrester appelle les dirigeants européens à agir vite. Le cabinet recommande notamment de :

  • Mesurer le niveau de préparation à l’IA, ou quotient IA (AIQ), de leurs équipes pour cibler les lacunes ;
  • Combiner plusieurs formes d’apprentissage, en mêlant formation classique (10 %), apprentissage entre pairs (20 %) et formation sur le terrain (70 %) ;
  • Renouveler régulièrement les formations, pour suivre l’évolution rapide des technologies ;
  • Impliquer les salariés dans la conception et le déploiement des outils de GenAI, pour renforcer leur adhésion ;
  • Mettre en place une gouvernance autour de l’IA, avec des garde-fous éthiques et réglementaires ;
  • Travailler avec des partenaires spécialisés, afin de compenser les manques internes.

Une opportunité encore à saisir

Malgré ce retard, l’Europe ne part pas de zéro. Les employés européens sont aussi nombreux que les Américains à vouloir utiliser la GenAI.

Pour Indranil Bandyopadhyay, les dirigeants doivent maintenant tout faire pour « instaurer la confiance, favoriser des usages éthiques et former massivement leurs équipes ». Sans cela, prévient-il, « l’Europe risque de perdre du terrain dans la course à l’IA – et avec elle, les gains d’innovation qui l’accompagnent ».

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