EDF/MARC CARAVEO

EDF confie sa messagerie interne à un Teams français

EDF a choisi une plateforme souveraine pour remplacer Skype et sécuriser les communications internes du groupe. C’est une PME lyonnaise – « Private Discuss » – qui s’est imposée à l’issue d’un appel d’offres face aux principaux acteurs du marché.

EDF débranche Skype. C’est un projet de migration pas comme les autres. Pour moderniser son outil vieillissant de messagerie d’équipe, l’électricien n’a choisi ni la facilité, ni la continuité, en ne passant pas à Teams. EDF a choisi au contraire de faire mentir ceux qui pensent qu’« il n’y a pas d’alternative robuste possible ». Il a arrêté son choix sur une solution à la fois locale (française), souveraine (sur l’infrastructure SecNumCloud d’Outscale) et d’une PME (alors qu’aucune PME n’apparaît dans le Top 30 des fournisseurs de l’État, d’après une analyse des attributions de marchés publics en 2023 présentée par Hexatrust au Sénat).

Un triple pari quand on est un groupe de la taille d’EDF. Car le projet prévoit un déploiement à très grande échelle : plusieurs milliers d’utilisateurs, aussi bien en France qu’à l’international.

Une alternative française aux géants du secteur

Pour faire ce choix, EDF a d’abord lancé un appel d’offres européen.

Et c’est la double dimension « sécurité + confidentialité » (là où les offres soumises au droit extraterritorial américain ne peuvent souvent assurer que la première) qui a, semble-t-il, séduit le groupe.

Private Discuss revendique en effet une indépendance technologique complète, avec un code entièrement maîtrisé, une absence de dépendance extraterritoriale (pas de Cloud Act, ni de FISA, donc), et un chiffrement de bout en bout que l’éditeur assure être conforme aux standards internationaux.

L’outil peut de surcroît être déployé sur site (ou en cloud privé).

Cette « souveraineté » n’empêcherait pas, par ailleurs, un périmètre fonctionnel équivalent (visioconférence, messagerie instantanée), ou presque, à ceux de ses concurrents. Private Discuss se positionne en tout cas lui-même clairement en alternative à Microsoft Teams, Google Meet, Zoom ou encore Slack.

La souveraineté ne l’empêche pas non plus d’explorer le territoire de l’IA. Mais avec une IA propriétaire. La première fonctionnalité infusée est, à ce jour, la traduction automatique.

Un signal pour la commande publique ?

Ce choix d’EDF est-il le signal faible d’un début de tournant dans les politiques d’achat public ? Tout comme la croissance de 300 % du CA de Private Discuss en 3 ans qui vise les 100 millions € d’ici 2030 ?

A piori non. Microsoft reste un acteur ultra-dominant dans le secteur public et semi-public.

Il n’en reste pas moins que ce contrat est vu comme une « victoire » riche de promesses pour Jean-Pierre Lach, CEO de Private Discuss et du groupe lyonnais Piman, sa maison mère.

« Elle valide le positionnement de Private Discuss : protéger le secret des affaires des clients en déployant une solution conçue pour les environnements internationaux les plus sensibles », se félicite-t-il.

EDF n’est d’ailleurs pas la première institution à choisir l’outil. La Cour des comptes, le CNES, ou encore Sodern (filiale d’ArianeGroup qui déploie par ailleurs une IA générative elle aussi entièrement souveraine) ont fait le même choix.

Un écosystème français fourni

Plus largement, ces projets s’inscrivent dans un contexte de durcissement réglementaire (directive NIS2), et d’attentes croissantes sur la maîtrise totale des données sensibles, au-delà de la seule localisation. 79 % des organisations estimeraient que la souveraineté constitue un critère de choix de plus en plus important (chiffre Exatrust).

Piman n’est pas le seul à se positionner sur ce créneau. Olvid, Oodrive, Tixeo, Citadel (Thalès) ou Rainbow (Alcatel-Lucent Entreprise) – sans oublier Tchap, pour les acteurs publics – montrent que l’écosystème français est particulièrement fourni.

Mais « fourni » ne veut pas forcément dire « acheté ». Hexatrust constate par exemple que 83 % du marché du cloud européen reste accaparé par les entreprises américaines (54 Md€/an pour la France). Quant à la commande publique, elle favoriserait systématiquement les grands intégrateurs, qui sous-traitent à des éditeurs extraeuropéens alors même que le gouvernement prône une « préférence européenne »

EDF lui, a au moins joint l’achat à la parole.

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