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Les voies empruntées par l’Europe pour la neutralité du web sont dangereuses, selon Tim Berners-Lee

Le Parlement européen vient d’adopter au final et sans aucune modification le texte controversé sur la réglementation des télécommunications. Plutôt favorable sur le principe l’assemblée n’a visiblement pas souhaité affiné le texte initial en adoptant les nombreux amendements qui lui étaient également soumis.

Le Parlement européen vient d’adopter au final et sans aucune modification le texte controversé sur la réglementation des télécommunications. Plutôt favorable sur le principe, l’assemblée n’a visiblement pas souhaité affiner le texte initial en adoptant les nombreux amendements qui lui étaient également soumis.

Plus tôt cette semaine, l’inventeur du web – Tim Berners-Lee - s’était pourtant alarmé, estimant qu’en l’état des amendements importants étaient nécessaires pour limiter de nombreux biais inquiétants.

Dans un texte publié sur le site de la Web Foundation, Berners-Lee rappelle qu’il a conçu le web comme une plateforme ouverte susceptible de “favoriser la collaboration et l’innovation” et que seuls les principes de neutralité du web lui ont permis de devenir la plateforme puissante que nous connaissons.

Il indique que pour renforcer et clarifier le corpus réglementaire proposé par l’Europe – et dans la foulée de ce qu’ont fait récemment les Etats-Unis - les parlementaires auraient dû se pencher sur 4 amendements clés.

Le texte tel qu’il a été adopté permet aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) de créer – sous forme de « services spécialisés » - des voies rapides destinées aux sociétés qui paient pour voir leurs contenus délivrés plus rapidement. Cette possibilité doit être fermée le plus rapidement possible selon Berners-Lee.

Le deuxième point problématique concerne les pratiques dites de « détaxation » qui permettent aux FAI d’exclure certaines applications de la bande passante maximum dévolue chaque mois aux utilisateurs. Pour Berners-Lee, cette pratique pourrait permettre aux fournisseurs de pratiquer des formes de discriminations économiques. Il souhaite que ce niveau de régulation puisse être ramené à l’échelon local, chaque pays membre de l’UE pouvant choisir de réguler ou de bannir ce type de pratique, indépendamment de Bruxelles.

Le troisième biais à contrecarrer concerne la désignation et la classification des différents services Internet. Las, le texte voté autorise les FAI à utiliser leurs propres définitions pour décider des catégories de niveau – faible ou fort – de trafic. Pour Berners-Lee, il s’agit d’un frein à la concurrence loyale, mais également d’un risque pour les services d’encryptage qui pourraient se trouver littéralement « étranglés » par les FAI. Là encore, il appelait à un amendement des parlementaires afin de bannir les possibilités de discrimination par classe de services.

Enfin, le quatrième point d’inquiétude porte sur la capacité large donnée aux FAI de prévenir les problèmes de congestion jugés « imminents », ce qui signifie de pouvoir de ralentir telle ou telle partie du trafic à tout moment au motif qu’une congestion pourrait survenir. Cette capacité aurait encore dû être retirée selon Berners-Lee.

Au final l’inventeur du web estime que les nouvelles règles soumises au vote « constituent telles qu’elles sont rédigées des menaces pour l’innovation, la confidentialité des données et la liberté d’expression et compromettent les capacités de l’Europe dans l’économie numérique ».

Une alarme qui n’aura au final pas pesé, y compris pour des députés qui entendent les inquiétudes de Berners-Lee mais ne se sentaient pas de repousser l’adoption d’un texte travaillé de longue date. A charge pour eux de veiller à la manière dont il sera appliqué afin de rassurer les tenants d’une ligne plus protectrice de la neutralité.

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