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Pourquoi l’iPad Pro ne chamboulera pas le marché de l’ordinateur personnel

L’iPad Pro est désormais disponible et constitue un bon complément aux Mac et PC. Mais les observateurs de l’industrie doutent de ses capacités à bousculer le marché de l’ordinateur personnel.

Si les entreprises s’intéressent à l’iPad Pro, les experts de l’industrie doutent de ses capacités à remplacer PC et Mac. La faute, avant tout, aux applications métiers.

Avec le nouvel iPad Pro – avec son écran 12,9 pouces, son stylet et son clavier détachable – Tim Cook s’est laissé aller à imaginer un monde où les utilisateurs remplaceraient leurs MacBook et leurs PC sous Windows par la toute dernière tablette d’Apple, jusqu’à estimer que ni l’un ni l’autre n’ont de pas justification.

L’iPad Pro est conçu pour remplacer les PC et les ordinateurs portables. Nombre de ses utilisateurs vont décider de ne rien utiliser d’autre, en dehors de leur smartphone. Et de la même manière que les plus grands écrans des smartphones ont supprimé le besoin pour les tablettes aux plus petits écrans, comme l’iPad Mini, l’iPad Pro est susceptible de cannibaliser certains appareils d’informatique personnelle.

Mais les observateurs de l’industrie ne s’attendent pas à ce que l’iPad Pro supplante Mac et PC : « pour que l’iPad Pro accélère réellement le déclin du PC, il doit changer le paysage et donner une raison de dire ‘je laisse tomber mon PC pour un iPad Pro à 1000 €’ », explique Michael Oh, directeur technique et fondateur de TSP Llc. Et d’ajouter : « je ne le trouve pas attractif à ce stade ».

Le premier prix de l’iPad Pro est de 799 $, ce qui n’inclut pas le clavier à 169 $ et le stylet à 99 $.

Surtout, le lancement de l’iPad Pro se fait sans application d’entreprise signée d’un spécialiste du monde professionnel, comme Adobe, par exemple. Et selon Oh, des logiciels populaires parmi les professionnels, adaptés spécifiquement à la tablette grand format, aideraient fortement à remporter leur adhésion.

Apple bénéficie bien d’un partenariat avec IBM. Mais Big Blue n’a pas encore lancé d’applications tirant pleinement profit des capacités de l’iPad Pro.

« Le suffixe Pro à la fin de son nom n’est pertinent qu’avec les applications appropriées », estime Oh. Et pour lui, « il est difficile de voir comment les applications aujourd’hui disponibles vont être soudainement transformées et améliorées par un stylet et une surface d’écran étendue ».

Dès lors, selon Oh, soit les applications professionnelles tirant véritablement profit de l’iPad Pro sortiront dans les mois à venir, soit la grande tablette d’Apple sera cantonnée à une niche.

Un complément plus qu’une alternative

L’iPad Pro bénéfice de l’écran à la plus grande résolution de tous les iPad, et de la meilleure autonomie. L’appareil profite en outre de la puissance du processeur Apple A9X et d’iOS 9, spécifiquement adapté à la tablette. Ses fonctions multitâches sont là pour permettre de profiter pleinement du grand écran.

« On en sait jamais comment l’écosystème va innover en utilisant un écran plus grand », souligne Patrick Moorhead, président et analyste principal de Moor Isnight Strategy. Pour lui, Tim Cook « parie sur la sortie d’applications auxquelles personne ne s’attendait, mais qui reçoivent un vaste succès. C’est ce que l’on a vu précédemment avec l’iPhone et l’iPad ».

Mais selon lui, le patron d’Apple ne devrait pas pousser l’idée selon laquelle l’iPad remplacerait Macs et PCs : pour lui, le groupe a fait héberger un nouveau segment de produits.

Malgré le déclin continu des ventes de PC ces dernières années, Apple a réussi à réaliser d’assez bonnes performances, par rapport aux autres constructeurs d’ordinateurs personnels. Au mois d’octobre, la firme à la pomme a ainsi annoncé avoir vendu plus de 5,7 millions d’ordinateurs au cours du troisième trimestre, soit 3 % de mieux qu’un an plus tôt… dans un marché en recul de 11 % selon IDC. Alors pour Moorhead, « stratégiquement, il est bien plus avantageux de chasser sur le marché combiné du PC et du Mac plutôt que tout autre chose ».

L’idée de Cook selon laquelle l’iPad remplacerait les ordinateurs personnels n’est exactement nouvelle. Steve Jobs l’avait exprimée en 2010 en comparant les PC à des camions : certains continuent d’en conduire alors que la plupart des gens conduisent des voitures.

Alors pour Moorhead, cette idée s’inscrit dans le long terme : « elle est centrée sur les natifs du millénaire qui grandissent avec l’habitude d’utiliser leurs iPhone plutôt que des PC et des Mac. Personne ne discute là le fait que dans les domaines traditionnels, un PC ou Mac reste nécessaire pour accomplir les tâches professionnelles ».

Depuis son lancement en avril 2010, l’iPad a été la tablette la plus populaire, commercialement, et le reste avec plus de 20 % de parts de marché, selon IDC. Mais les ventes d’iPad ont chuté pour cinq trimestres consécutifs, reflétant la situation du marché dans son ensemble.

Malgré plusieurs innovations qui ont rendu l’iPad plus fin, plus puissant et plus autonome, ou plus pratique, Apple n’a pas réussi à inverser la tendance.

« C’est un produit attractif, mais je ne pense pas que l’on observera des vagues d’achat massives », explique Eric Klein, analyste mobilité chez VDC Research : « ceux qui ont acheté un iPad en 2012 pensent qu’il leur suffit bien ». Et d’ajouter que les utilisateurs de Mac ne verront jamais l’iPad Pro comme un remplaçant : « ceux qui sont loyaux à Apple aiment leurs Mac. Je ne peux pas parler pour les utilisateurs de Mac, mais je pense qu’une large majorité d’entre eux considèrent n’importe quel iPad comme un produit complémentaire ».

Apple se tourne vers Cisco et IBM

A l’été 2014, Apple a noué un partenariat avec IBM suivant les termes duquel ce dernier s’engageait à créer une centaine d’applications iOS dédiées aux entreprises. En juillet dernier, Tim Cook a révélé que les ventes en berne d’iPad avaient motivé cet accord et qu’il voit dans le marché entreprises une opportunité de croissance pour la tablette.

IBM jusqu’ici dévoilé 55 applications figurant à son catalogue MobileFirst pour iOS, sans préciser quand serait lancé le reste.

Apple continue d’être agressif sur le marché entreprises et travaille à changer l’image de produits longtemps perçus comme très largement destinés au grand public. Récemment, Tim Cook a d’ailleurs révélé qu’Apple s’est discrètement construit une activité entreprises pesant 25 Md$ par an.

Pour Moorhead, « l’entreprise est un domaine de croissance pour Apple. Et je ne pense pas que nous ayons encore vu là toute la stratégie du groupe ».

Fin août, Apple a signé un autre partenariat majeur centré sur l’entreprise, avec Cisco. Selon les termes de celui-ci, l’équipementier va construire une « voie rapide » sur les réseaux d’entreprise pour permettre aux DSI d’accorder la priorité aux terminaux iOS.

Alors pour Moorhead, « Apple chercher à changer radicalement la manière dont chacun travaille. Le groupe change la manière dont les applications et l’infrastructure affectent l’expérience du travail ».

Adapté de l’anglais.

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