Windows Server 2003 : une migration freinée par le manque de budgets

Les dirigeants d'entreprises et les départements métiers peinent à comprendre les risques encourus par la conservation de Windows Server 2003 et les budgets pour migrer ne sont pas prioritaires.

A moins de 80 jours de la fin du support étendu de Windows Server 2003 (prévue le 14 juillet 2015), les entreprises en France ne semblent pas se ruer sur des projets de migration. En cause, un mélange d’absence de prise de conscience de la part des entreprises sur les risques encourus, et d’absence de priorité dans les budgets IT. Les dirigeants préférant toujours allouer des dépenses dans des projets IT plus coeur de métier, pour créer un élément différenciant, et moins dans l’infrastructure.

« La fin du support de Windows Server 2003 est un gros sujet pour les patrons de la production », résume pourtant Jérémie Caullet, directeur de la division Services de Microsoft (en illustration ci-dessous). Car finalement, si les entreprises ont été échaudées, pour la plupart, par la migration des postes de travail XP, cette migration là apparait bien plus complexe.

Il s’agit bien d’une opération d’abord liée au niveau de criticité des applications impactées par une éventuelle migration, mais également d’une question de volumétrie des serveurs. Pour les DSI, l’équation à résoudre est donc à plusieurs inconnues.

« Le parc applicatif encore soutenu par Windows Server 2003 est hétérogène, composé à la fois d’applications critiques, coeur de métiers et d’autres moins critiques », indique Jérémie Caullet. « La volumétrie pour une société du CAC 40 est de 10 à 20 000 serveurs. De vraies questions existent : dois-je garder tous les serveurs ou puis-je regrouper les applications différemment pour ainsi dé-commissionner certains serveurs ? Cela est évident pour les applications non stratégiques. Mais pour les applications critiques, il faut davantage faire une analyse qui est lourde et complexe », précise-t-il.

Trois scénarios pour gérer Windows Server 2003

Microsoft a la capacité d’accompagner les entreprises dans leurs procédures de migration ou de consolidation. Jérémie Caullet identifie trois possibilités pour une application sur Windows Server 2003 :

  1. la supprimer et « c’est l’occasion de faire un inventaire. Cette application est peu utilisée et donc pas critique »
  2. la déplacer techniquement d’un environnement vers un autre
  3. la ré-écrire sur des plateformes plus modernes

Le premier cas est selon lui générateur d’économies. « Les clients optent davantage pour celui-ci. Ils font des analyses de leur patrimoine applicatif pour gérer l’obsolescence ».

Dans le deuxième cas, il existe des outils qui facilite la migration vers un serveur Windows plus moderne et quitter 2003.

Quant à la ré-écriture d’applications, elle reste théorique. « Il n’y a pas de DSI, à ma connaissance, qui ait pu aller chercher les budgets auprès de sa direction générale pour cela ».

La migration : une dépense pas prioritaire

Complexe et donc coûteuse. Si l’on en croit les chiffres de Spiceworks (d’après une étude commanditée par Sandisk), le coût moyen d’une migration par entreprise serait de l’ordre de 60 000 dollars - pour ceux qui ont déjà migré, soit 15% des 1 300 entreprises sondées dans cette étude. Sans autre précision.

Un chiffre à croiser avec un autre, donné cette fois-ci chez Gartner : les entreprises, souhaitant conserver Windows Server 2003 après l’arrêt du support devront budgéter 1 500 dollars par serveur et par an la première année - les tarifs grimpant la 2e et la 3e année. Tel est le coût associé à un contrat (Customer Support Agreement), post-fin de vie noué spécifiquement avec Microsoft, explique le cabinet d’étude.

Pourtant, « les patrons de production ont du mal à calculer un ROI sur le sujet. Ils vivent davantage cela comme un contrainte et pas forcément comme un élément clé de différentiation par rapport à la concurrence », soutient Jérémie Caullet. « Il faut certes le faire, mais ils ont du mal à trouver des budgets pour des projets qu’ils sont contraints de mener ».

Les directions métier doivent être convaincues de la nécessité de migrer

Et d’ajouter : « il existe un vrai problème autour des budgets informatiques et d’allocation des dépenses vers des projets de plus en plus métier. On assiste à un déport des budgets de l’IT central vers l’IT des métiers. Et les métiers sont intéressés par d’autres projets et certainement pas par une migration de l’infrastructure ».

Les métiers sont intéressés par d’autres projets que par une migration de l’infrastructure

Jérémie Caullet, Microsoft France

Cette dimension a également été mise en avant par Gartner dans une note de recherche. La cabinet pointe du doigt la difficulté des DSI à convaincre les dirigeants des entreprises et  les directions métiers des risques pourtant très critiques d’une politique d’immobilisme.

« De nombreux responsables de l’infrastructure et des opérations sont confrontés à de la résistance lorsqu’il s’agit d’obtenir l’approbation d’une migration des workloads de Windows Server 2003 vers une plateforme plus actuelle, en dépit de la fin prochaine du support étendu de la solution. Nous pensons que de telles décisions sont liées au fait que les responsables métiers comprennent mal les risques et les conséquences qui existe à préserver un système sous Windows Server 2003 », écrit Carl Claunch, analyste chez Gartner.

Les dirigeants d’entreprises, quant à eux, peuvent être tentés de placer en priorité « d’autres projets plutôt que d’avoir à financer un projet de migration », constate encore le cabinet d’analystes.

Pire : l’incompréhension des métiers face aux risques liées à la sécurité des application, faute de mises à  jour, est grande. Du côté des utilisateurs métiers, on considère que la DSI a les ressources pour réparer et combler les vulnérabilités, rapporte le cabinet d’analystes. Mais ce n’est pas la réalité, lance Gartner.  Les bonnes informations doivent « être partagées avec les départements métiers et les décideurs afin de prendre des décisions avisées sur le sort de Windows Server 2003 après la fin du support », conclue encore le cabinet d’analyste.

Les pics de migration encore à venir en France (pour 2016 ?)

Résultat, en France, les projets ne s’enclenchent pas ou peu. Pour Vision Solutions, éditeur de la solution de migration de données DoubleTake Move et partenaires Microsoft, cette période de migration n’en est vraiment qu’à ses débuts, même si chez ses partenaires, la société explique avoir eu écho de « beaucoup de demandes pour la mise en place de programme ».

Il reste encore des environnements NT et Windows 2000

Anne-Elisabeth Caillot Vision Solutions

Mais comme l’indique Anne-Elisabeth Caillot, Solution Architect chez Vision Solutions, en dépit du degré de criticité, « cette migration va prendre du temps et le pic des programmes doit plutôt arriver l’année prochaine ». D’autant que selon elle, certaines entreprises disposent encore d’environnement NT ou Windows 2000.

Des propos qui font écho à une étude Appzero, publiée début 2015. A six mois de la date butoir, l’étude révélait que seulement 21 % des entreprises interrogées confirmaient avoir un plan de migration pour s’extirper de Windows Server 2003 (contre 24% - ! - en 2013).

Mais le plus étonnant reste certainement que 16% des sondées affirmaient encore ne pas connaître la date de fin de vie de Windows Server 2003 (contre 27% en 2013).

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