Les 6 leviers pour bien piloter l’innovation numérique

Les PDG veulent de plus en plus que leurs DSI et Chief Digital Officer mènent une réflexion stratégique sur la transformation des produits et des services. Voici des points clefs à ne pas oublier pour relever ce défi.

Les DSI et les Chief Digital Officers font face à un double défi. Ils doivent à la fois mener la transformation technologique et accompagner la transformation culturelle de leurs organisations.

C’était une des principales conclusions de la table ronde « Digital Leadership : Collaboration between CIOs, CDOs and CEOs » lors du MIT Sloan CIO Symposium de l’année passée.

Cette discussion a également listé six leviers à activer pour relever ces défis.

1. Comprendre les besoins métier

À l’heure où les PDG comptent plus que jamais sur la technologie pour créer de nouveaux produits et services et se démarquer de leurs concurrents, le bon alignement des besoins métier et IT revêt une importance capitale.

« Dans la plupart des secteurs, les entreprises prennent conscience du rôle moteur de la technologie », constate James McGlennon, DSI chez Liberty Mutual Insurance Group, compagnie d’assurance internationale implantée à Boston. « [Mais], il ne faut pas pour autant négliger les processus métier. »

La confiance que les entreprises accordent à la technologie a fait passer bon nombre de responsables informatiques de l’ombre à la lumière.

D’après Marina Bellini, ancienne directrice de l’informatique et du numérique chez British American Tobacco, important producteur de tabac et de cigarettes implanté à Londres, le nombre de points portés à la connaissance du PDG par les DSI ou CDO a considérablement augmenté.

Alors que jadis la réduction des coûts était au cœur de toutes les conversations entre le PDG et la direction informatique, les responsables IT parlent désormais d’innovation, de hausse de revenus et de nouveaux modèles économiques, poursuit Marina Bellini.

Les responsables informatiques doivent pouvoir déceler et résoudre les problèmes métier, tout en communiquant en langage clair avec les équipes opérationnelles.

« Cette étroite relation qu’entretiennent le PDG, le DSI et les CDO/CDIO, quel que soit leur titre exact dans une entreprise, exige de la part des responsables IT de nouveaux moyens de communication qui soient sans équivoque pour les parties prenantes externes », précise-t-elle.

2. Considérer le leadership numérique de l’IT dans sa globalité

Il incombe aujourd’hui aux responsables IT plusieurs rôles qu’ils doivent pouvoir tenir simultanément.

« D’où un énorme changement qui pousse [le directeur du numérique] à prendre la posture d’un transformateur en chef », avance George Corbin, membre du conseil d’administration chez Edgewell Personal Care et COO chez Onriva, place de marché des voyages pilotée par l’IA. « Vous devez être à la fois le commandant et le chef mécanicien du navire ».

D’après George Corbin, les DSI et CDO doivent aborder la transformation et l’innovation numériques sous trois angles, à savoir :

  • Technologie et données : domaines traditionnellement dévolus à l’informatique (infrastructure et données).
  • Modèle économique : stratégie produit, distribution et mise sur le marché.
  • RH : culture d’entreprise et organisation du personnel.

« 70 % des transformations se soldent par un échec. Échecs qui ne sont généralement pas dus à la technologie », avertit George Corbin qui insiste sur l’importance des facteurs humains.

3. Faire de la conduite du changement un super pouvoir

La réussite d’un projet de transformation passe par l’humain, ses émotions plus ou moins contradictoires, sa résistance au changement et ses intérêts particuliers. C’est pourquoi les responsables IT se doivent en priorité d’améliorer leurs compétences en RH, de faire preuve d’empathie et de susciter l’intérêt pour de nouveaux modes de travail.

Marina Bellini considère par exemple que la cause première de l’échec des projets informatiques est le manque d’adhésion. Encourager les collaborateurs à s’investir émotionnellement, en reconnaissant que cela demande du temps, limite le risque qu’un projet technologique n’aboutisse pas et que des coupables soient désignés – comme c’est souvent le cas – lorsque les équipes ont l’impression que le changement leur est imposé.

« Il faut [faire pencher] les émotions du bon côté », insiste-t-elle. « Même si c’est le projet du siècle, vous devez prendre du recul et chercher à déterminer qui risque de perdre quelque chose », renchérit George Corbin. « Il faut absolument s’intéresser au volet immatériel pour éviter de voir sombrer la plus brillante des initiatives technologiques. »

4. Créer une culture de l’agilité

L’innovation ne se fait pas non plus en vase clos. Il faut donc mettre en place une culture capable de la stimuler, quitte à aller jusqu’à s’éloigner radicalement du statu quo pour trouver une façon innovante de diriger les équipes.

« Nous devons être beaucoup plus ouverts à l’expérimentation que ce qu’ont été les services informatiques traditionnels. »
Marina BelliniMarina Bellini, British American Tobacco

En règle générale, hors IT, toutes les initiatives ne sont pas couronnées de succès. Marina Bellini explique par exemple que les nouveaux produits n’atteignent pas toujours le seuil minimum fixé. Et les entreprises le savent. Pour que l’IT soit source d’innovation, il faut qu’elle soit logée à la même enseigne et avoir le droit de se tromper. Les leaders numériques doivent, eux aussi, en avoir bien conscience et faire évoluer cet état d’esprit.

« Nous devons être beaucoup plus ouverts à l’expérimentation que ce qu’ont été les services informatiques traditionnels », recommande Marina Bellini.

Dans cette ère nouvelle où les PDG demandent aux DSI et CDO de créer des produits, de moderniser les modèles d’exploitation et d’assurer le leadership numérique, les responsables IT doivent défendre une culture qui tolère l’échec comme preuve d’agilité, insistent tous les experts. « La peur tue l’innovation », synthétise George Corbin.

Pour lui, seul un changement de culture permet de remplacer la peur par la témérité. Pour soutenir l’innovation, il faut tout repenser, du système de récompenses de l’entreprise au recrutement et à la fidélisation des talents. Mais cela implique des décisions souvent difficiles.

« Mieux vaut faire que d’attendre la perfection ; la perfection n’arrive jamais. »
George CorbinGeorge Corbin, Onriva

Liberty Mutual cherche à donner à ses collaborateurs les moyens de prendre des risques, tout en veillant à ce que les responsables ne les pénalisent pas lorsque les risques n’ont pas le succès escompté, illustre James McGlennon.

Pour créer cette culture de récompense de l’expérimentation tout en acceptant la prise de risque, l’IT doit définir des valeurs de référence, puis laisser faire, rappelle-t-il.

Le principe « d’échec rapide » joue également un rôle essentiel dans ce processus d’apprentissage.

« Chez Onriva, nous fonctionnons en essayant de déterminer les responsabilités de chacun dans un projet, par exemple avec une matrice RACI [N.D.R. : Responsible, Accountable, Consulted, Informed] pour nous concentrer attentivement sur les objectifs et obtenir les réponses appropriées pendant des sprints de deux semaines », explique George Corbin. Cette approche contraste avec celles des entreprises traditionnelles qui s’enliseraient dans le processus à force de vouloir atteindre la « perfection ».

« Mieux vaut faire que d’attendre la perfection, car la perfection n’arrive jamais », lance-t-il.

5. Insister sur l’évolutivité et la reproductibilité

Stimuler l’innovation numérique passe également par une réflexion sur les initiatives technologiques les plus à même de booster la croissance de l’entreprise.

« Nous cherchons toujours à créer une seule fois et idéalement à réutiliser partout où c’est possible. »
James McGlennonJames McGlennon, Liberty Mutual

Liberty Mutual exerce sur une multitude de marchés, dans différents pays et sur divers canaux. Mais la compagnie s’appuie toujours sur un même principe : la reproductivité pour unir ses forces, partage James McGlennon.

« Nous cherchons toujours à optimiser, à créer une seule fois et idéalement à réutiliser partout où c’est possible », ajoute-t-il. « Cette philosophie prend une réelle ampleur aujourd’hui [et] nous conduit directement vers des choses comme l’APIfication qui permet des connexions mutuelles entre différents écosystèmes. »

Selon James McGlennon, « les DSI doivent s’interroger sur le modèle opérationnel en place, les partenaires avec lesquels vous souhaitez communiquer, la façon dont ceux-ci cherchent à travailler avec vous, puis s’assurer de la réutilisation du plus grand nombre d’éléments en vue d’activités toujours plus florissantes ».

6. Comprendre les données et leurs usages métiers

Les données sont un dernier facteur essentiel de réussite. Les entreprises disposent d’imposants volumes de données, qui remontent souvent à plusieurs années et qu’il n’est pas toujours simple de préparer.

« En data science et en machine learning, nous passons autant de temps – voire plus – à préparer les données qu’à procéder à la modélisation proprement dite », constate James McGlennon. « C’est pourquoi il est si important que quelqu’un suive la chaîne de valeur des données dans son intégralité. »

Là encore, la mise en place d’une culture des données dans l’ensemble de l’entreprise a une grande importance.

La question la plus urgente en matière de données est de savoir comment construire une entreprise « intelligente » et data driven, en sélectionnant les bons chantiers. Par exemple, les équipes de marketing gagneront à rechercher les points critiques où l’entreprise perd des clients, illustre George Corbin, puis à examiner ces points de friction et à y remédier. Si l’entreprise ne le fait, un concurrent le fera à sa place et gagnera des parts de marché.

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