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Démocratisation des données : un écart de perception flagrant entre directions et métiers (étude)

L’observatoire 2024 de la démocratisation des données dans les entreprises françaises d’Opendatasoft met en lumière l’écart de perception important entre les dirigeants et les métiers. L’étude menée par l’institut Odoxa souligne que le partage des données est apprécié, mais peu structuré, car leur gestion demeure un enjeu de pouvoir.

Dans la troisième édition de son observatoire de la démocratisation des données en France, l’éditeur Opendatasoft a fait appel à Odoxa pour prendre le pouls de 431 cadres dirigeants d’organisations publiques et privées de plus de 500 collaborateurs, issus d’un échantillon de 6 679 salariés.

L’exploitation des données de plus en plus importante pour les directions

Le rapport atteste que les entreprises ont compris l’intérêt de traiter leurs données. Environ 90 % des décideurs consultés estiment que leur utilisation est importante, contre 85 % en 2022. Pour 44 % des sondés, le sujet est prioritaire. En 2022, 39 % des participants du panel partageaient la même opinion.

Les membres des directions les plus concernées par l’exploitation des données (innovation, marketing, responsable RSE, etc.) sont du même avis. Près de la moitié des personnes interrogées (46 %), elles, envisagent qu’elle est importante, mais pas prioritaire.

La majorité des cadres dirigeants (79 %) utilise des données partagées au quotidien. Toutefois, l’étude d’Odoxa ne s’intéresse pas avec précision aux habitudes de consommation de ces responsables.

Pour autant, approximativement 68 % de ces dirigeants considèrent que ces données facilitent une meilleure prise de décision et 69 % « jugent qu’elles sont incontournables pour mener à bien leurs missions », écrivent les auteurs du rapport.

À l’assertion « la culture d’entreprise favorise l’accès et le partage des données », 59 % des sondés répondent oui, 15 % non et 25 % ne se sentent pas concernés.

Dans la même veine, 57 % estiment que les besoins des collaborateurs sont bien pris en compte au moment d’utiliser les données. Environ 14 % considèrent que non, et 28 % ne se sentent pas concernés. 

Des salariés encore peu convaincus

Pour autant, les dirigeants affirmant que leur entreprise est en avance, dans ce domaine, demeurent minoritaires (44 %), malgré une augmentation de 8 points de pourcentage par comparaison à 2022. Quelque 34 % des sondés évaluent que leur entreprise est dans la moyenne, « ni en avance ni en retard ». Ce sentiment contraste avec les déclarations des salariés qui sont seulement 13 % à penser que leur société est en avance – un taux en baisse de 20 % par rapport à 2022 –, et 64 % affirment que leur employeur est dans ce ventre mou en matière d’exploitation et de partage des données.

« Moins de 4 décideurs sur 10 (37 %) estiment que toutes les données utiles aux collaborations sont disponibles et réutilisables. »
Analystes Institut OdoxaÉtude

Les directions sont conscientes de ce phénomène.

« Moins de 4 décideurs sur 10 (37 %) estiment que toutes les données utiles aux collaborations sont disponibles et réutilisables », remarquent les analystes d’Odoxa. Pour 63 % des sondés, l’accès aux données est limité, soit à un certain nombre d’actifs (37 %), soit à une population experte, les data scientists et data analysts (16 %).

En reflet de cette segmentation, les cadres dirigeants semblent affirmer une chose et son contraire. Pour 66 % d’entre eux, l’accès aux données est simple et rapide, mais 50 % croient que cela demande des compétences qu’ils n’ont pas, ou de manipuler des outils pour lesquels ils n’ont pas été formés. Près de 48 % pensent d’ailleurs que cet accès suppose forcément de passer par un analyste expert.

Dans un même temps, 32 % des décideurs témoignent que les données sont envoyées par des collègues dans des fichiers ou des mails. Près de 27 % des sondés consultent les données lorsqu’elles sont présentées lors de réunions d’entreprise. Seuls 8 % des dirigeants affirment utiliser un portail de données interne, quand 14 % d’entre eux passent par leurs outils métier (CRM, ERP, BI, etc.) et 19 % d’entre eux doivent encore demander les données aux responsables ou aux experts.

L’accès aux données, un enjeu de pouvoir et un défi pour les CDO

Pour les auteurs du rapport, l’accès aux données demeure un enjeu de pouvoir au sein des entreprises et empêche « une véritable démocratisation » des usages des données.

Les Chief Data Officer interrogés par Odoxa pour le compte d’Opendatasoft font trois constats :

  • Certains départements ou responsables souhaitent conserver leurs influences, craignant de perdre leur utilité si d’autres peuvent accéder à leurs silos de données sans faire appel à eux. Si les portails et autres outils pour constituer un référentiel de données commun sont jugés pertinents, ils sont aussi chers et longs à déployer, juge Matthieu Blanc, Chief Data officer de la Caisse des Dépôts.
  • D’autant plus que « la relation entre la DSI et les dirigeants peut être complexe », indique le responsable auprès d’Odoxa et d’Opendatasoft. « Le sujet de la Data est fortement intriqué et la DSI et le CDO ont un rôle à y jouer, de la gouvernance des données, leur mise en qualité jusqu’à l’outillage. Il est absolument nécessaire de travailler de concert pour y arriver. Il faut être très aligné avec la DSI pour s’entraider dans ces missions », poursuit-il.
  • Aussi, les dirigeants sont mal informés sur le rôle du Chief Data Officer. Si 85 % des cadres dirigeants affirment que leur entreprise dispose d’un CDO, un sur deux (49 %) seulement considère bien connaître ses missions et sa fonction. « Du côté des dirigeants, on n’a pas toujours bien compris ce qu’était le rôle du CDO et l’importance de la gouvernance des données, ce qui reste encore quelque chose d’abstrait », témoigne Florent Verrière, Chief Data Officer chez EDF.

Néanmoins, 63 % des dirigeants estiment que l’amélioration de l’exploitation des données doit être une priorité pour mieux gérer leurs missions ou pour faire évoluer la stratégie interne (59 %).

Pour l’heure, près d’un décideur sur deux (48 %) reconnaît qu’il y a un décalage entre les ambitions de leur société et la réalité quotidienne.

Ils se disent toutefois majoritairement confiants (59 %) pour mettre en place une stratégie « Data » qui favorise la mise en place d’une gouvernance et d’un partage de données à l’échelle de l’entreprise.

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