Au fin fond de l'Amazonie, EDF parle le Data Viz

L'entité SEI d'EDF a lancé des projets de visualisation de données avec Tableau pour gérer les situations de crises - suite aux catastrophes naturelles - et pour assurer sa mission sur tout le territoire français (jusqu'à ses clients les plus lointains dans la jungle guyanaise).

Un bon dessin vaut mille discours, dit l'expression. C'est aussi vrai pour la Data Visualisation (ou Data Viz). Deux projets de l'entité Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) d'EDF l'ont montré récemment.

Avec ses 3000 employés, SEI couvre cinq territoires français. Quatre îles (la Corse, la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon) - d'où son nom - et la Guyane. Soit 1,2 million de clients en tout.

Data Viz en situation de crise

En septembre 2017, l'ouragan Irma s'abat sur les îles guadeloupéennes de Saint Martin et Saint Barthelemy. Onze personnes meurent de son passage. Les dégâts sont considérables (on les estime aujourd'hui à plus de 4 milliards de dollars). 95 % des bâtiments sont détruits. Le réseau d'électricité est dévasté.

L'objectif d'EDF est de le remettre en état le plus rapidement possible. Peu importe le prix.

Le problème n'est pas financier. Pour accéder aux îles sinistrées, il ne suffit plus de réserver un billet d'avion sur une ligne commerciale. Pour envoyer des employés sur place, il faut organiser des convois comme pour les 140 tonnes de matériel acheminées par un Iliouchine 76 et un Antonov 124, deux avions très gros porteurs qui décollent quelques heures plus tard de la métropole. Ce qui implique de déterminer avec précision le nombre de personnes à envoyer, et quand, et où.

Témoignant à la Tableau Conference Europe 2019, Benoit Georges, Data Manager, explique qu'à l'époque SEI utilisait des feuilles Excel, ce qui rendait difficile la création de rapports clairs.

Benoit Georges - qui se définit lui-même comme un « Data Newbie » - lance alors un premier projet de visualisation de données avec Tableau pour unifier et rendre plus intelligible l'organisation face à cette situation de crise.

Sa première représentation analytique indiquait d'où venaient les experts de SEI (de Corse, de Guyane, etc.) via un graphique classique mais très clair (cf. ci-dessus). La deuxième résumait où ces experts de terrain étaient affectés, via une carte évoluant avec une timeline. « C'était important pour savoir si les personnes pouvaient dormir quelque part et combien de temps », resitue Benoit Georges qui rappelle que les lieux « étaient un peu comme une scène de guerre ».

En route pour le théâtre des opérations, le président d'EDF demande à ce qu'on lui fasse un résumé de la situation sur place. Là encore, Benoit Georges utilise la Data Viz pour indiquer, via des jeux de couleurs, quelles parties du réseau étaient opérationnelles, en cours de traitement, ou en attente. « On m'a dit qu'il avait apprécié », sourit humblement l'instigateur du projet de visualisation.

Cette expérience des données représentées - clairement - sur des cartes sera d'ailleurs réutilisée pour la restauration du réseau d'une autre île, la Martinique, violemment frappée la même année par un autre ouragan, Maria.

Data Viz comme Espéranto

Une des missions fondamentales d'EDF - et donc de SEI - est de fournir de l'électricité à tous les clients sur le sol français. Même ceux au fin fond de l'Amazonie.

Bien que n'étant pas une île, la Guyane fait partie du champ d'action de SEI. Elle cache en effet des régions qui sont tout aussi difficiles - voire plus difficiles - d'accès. De fait, le réseau d'électricité se concentre sur la côte, dans les zones peuplées et est inexistant dans la jungle.

« C'est la puissance de la Data Viz, un graphique et deux couleurs sont suffisants. »
Benoit GeorgesSystèmes Énergétiques Insulaires (EDF)

Inexistant, ou presque. « Nous devons fournir tout le monde, comme des villages d'une vingtaine de maisons au milieu de la forêt [à la frontière brésilienne] », confirme Benoit Georges. Dans ce cadre très particulier et très isolé (« il faut une heure d'avion dans les terres, puis 45 minutes de pirogue au milieu des piranhas pour y accéder ») l'électricité est produite par des panneaux photovoltaïques.

Mais cette production reste modeste. « Elle permet d'alimenter un réfrigérateur, quelques ampoules, une télévision le soir. Mais pas question d'avoir une machine à laver », liste le responsable données de SEI.

La consommation doit donc être contrôlée au plus près. Or dans ces terres profondes d'Amazonie, il n'est pas culturellement accepté de dire « non » directement. Il faut donc faire preuve de beaucoup de tact pour « brider » l'usage de l'électricité.

Difficulté supplémentaire, dans ces villages, on ne parle pas français. Ni anglais. Pour faire comprendre cette production limitée - le niveau de consommation à respecter et faire passer le message avec diplomatie - Benoit Georges a l'idée de faire une modélisation de ces données (via Tableau Online) dans une application mobile pour la montrer aux habitants.

Consommation électrique d'un village d'Amazonie

« C'est la puissance de la Data Viz, un graphique et deux couleurs sont suffisants », se réjouit le responsable du projet. 

Techniquement, la remontée des informations n'a pas posé de problèmes. En Guyane, ces villages sont équipés d'un compteur cousin de Linky. Quant au réseau, la zone est couverte en 3G par un opérateur étranger.

Aujourd'hui, les dashboards ne sont pas accessibles à ces clients d'EDF « très, très lointains » - pour reprendre le titre d'un des PowerPoint de Benoit Georges. Les alertes en cas de trop fortes hausses de consommation sont envoyées par SMS. Mais demain, les choses pourraient évoluer.

Depuis, les habitants ont réduit leur consommation d'énergie. Le projet devrait être réitéré à la Réunion.

Data Viz pour le management

En interne, Benoit Georges a également conçu 10 tableaux de bord (à venir en production) à partir d'anciens tableaux Excel pour la gestion quotidienne de l'entreprise. D'autres devraient suivre.

« Ce sont des dashboards uniformisés pour ne pas perdre les utilisateurs », précise-t-il, car ils s'adressent à une population qui n'est pas forcément « Data Analyst ».

Les boutons, les indicateurs, les filtres ou les menus sont à la même place d'un tableau à l'autre. Et comme les utilisateurs ne mettront pas non plus tous ces dashboards dans leurs favoris, ils sont regroupés dans un « sommaire », un portail qui les liste tous.

Benoit Georges explique le choix de Tableau - plutôt qu'un autre outil - par sa notoriété et par le fait qu'il est possible faire des « dashboard sans coder », ce qui permet d'impliquer plusieurs fonctions plus facilement (dont les RH ou les services clients).

Il admet sans détour que - aussi bien pour la Data Viz de crise, qu'en Amazonie ou qu'en interne - les couleurs choisies peuvent être améliorées ou que les designs ne sont peut-être pas les plus poussés. Mais l'essentiel est ailleurs. Chez SEI, la Data Viz - a semble-t-il - permis de réduire les erreurs, de gagner du temps, et d'améliorer la conduite opérationnelle des projets.

En plus de ses 25 licences Tableau Creative, SEI entend ajouter dans un avenir proche 150 licences de Tableau Viewer - le remplaçant de Tableau Reader qui était gratuit mais avec moins de possibilités de gouvernance.

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