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Navigation : TomTom joue la carte de l’open source

Avec sa nouvelle plateforme de cartographie Orbis Map, le Néerlandais TomTom mise pleinement sur l’open core afin de contrer ses principaux concurrents et de construire avec les géants technologiques concernés une alternative open source à Google Maps.

Réputé pour ses produits grand public, TomTom s’illustre plus particulièrement dans le développement de services de cartographie et de localisation. En 2023, il a généré 490,7 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont « seulement » 86 millions sont liés à la vente de produits BtoC. La majorité des revenus du groupe proviennent du secteur automobile (342,3 millions d’euros en 2023). Michelin, Renault, Stellantis, BMW Motorrad, Mitsubishi, Volkswagen, Ford ou encore Daimler sont des clients réguliers de ces services à la demande. Au total, plus de 50 marques de véhicules exploitent les services de TomTom. Ceux-là propulsent également des fonctions clés d’applications chez Uber, Microsoft ou Huawei.

« Nous nous illustrons dans trois grands domaines », explique Léo Sei, vice-président produit chez TomTom. « Nous proposons des données brutes : des données de cartographies, des bases de données de trafic, etc. ». Celles-ci sont utilisées pour augmenter le type d’informations disponibles depuis une application de localisation ou à des fins analytiques.

« Nous avons également des boîtes à outils, principalement des API et des SDK pour créer des outils de recherche, de routing, de geofencing ou encore générer des rendus de cartes. Nous nous servons de ces mêmes SDK pour commercialiser des couches applicatives de bout en bout, par exemple des systèmes de navigation automobile, voire un système d’infotainment complet (gestion de la navigation, musique, etc.) », liste le responsable. Ce système d’infotainment « clé en main » se nomme TomTom Digital Cockpit et serait particulièrement apprécié des constructeurs automobiles chinois, selon l’interlocuteur du MagIT.

En matière de guidage et géolocalisation, l’éditeur s’affaire depuis près de quinze ans à la conception d’algorithmes. « Nous essayons de rendre ces algorithmes plus flexibles afin que certains clients puissent y intégrer leurs propres données de contraintes (poids du véhicule, de sa charge, données météo, etc.). Cela peut servir à un transporteur pour éviter les routes les plus abîmées, ou à un assureur aux États-Unis qui peut s’appuyer sur les données des routes accidentogènes afin d’effectuer des recommandations à ses clients ou faire varier ses politiques contractuelles », illustre Léo Sei. Il s’agit là, pour l’heure, d’expérimentation.

En phase d’expérimentation également, l’intégration dans TomTom Digital Cockpit de modèles text-to-speech en provenance d’Azure OpenAI. Il s’agit de créer des expériences de navigation activable à la voix, qui s’appuie sur l’IA générative façon Microsoft et OpenAI et sur les fonds de cartes, données, et algorithmes de TomTom. Ce n’est pas pour tout de suite. « Dans le domaine de l’automobile, les temps de discussion des industriels sont assez longs », prévient Léo Sei.

La stratégie de TomTom passe par une fondation open source

Selon TomTom, le marché de la localisation et de la cartographie, du fait de l’électrification de l’automobile, des contraintes réglementaires des transporteurs, des besoins des autorités en matière de cartographie et du développement des services numériques (livraison, transport, aide à domicile, etc.) est florissant. Or les entreprises se heurtent à la multiplication de standards de cartographie et aux verrouillages propriétaires de certains systèmes. En premier lieu, ceux de Google. C’est pourquoi TomTom, avec Microsoft, Amazon et Meta, est membre du comité de direction de l’Overture Maps Foundation, sous l’égide de la fondation Linux depuis décembre 2022. Elle accueille 25 autres membres, dont Esri.

En matière de cartographie open source, il y a déjà OpenStreetMaps dont la gestion ressemble à celle de Wikipédia, avec des chapitres par pays. « Chaque pays a ses propres standards, ses propres manières de représenter les données. Originellement, il n’y a pas de véritable gestion de la qualité des informations disponibles… ou indisponibles. », note Léo Sei. Cela a poussé TomTom à devenir membre platinum de la fondation OpenStreeMaps en 2023 et à la création d’Overture afin de normaliser cette gestion, créer des outils de quarantaines, et de détection automatique de la qualité. En clair, Overture est une couche supplémentaire par-dessus les fondations d’OpenStreetMaps et d’autres jeux de données.

Overture rassemble des données de cartographies ouvertes normalisées, c’est-à-dire régies par un schéma commun. Plusieurs couches vectorielles permettent, entre autres, de tracer des limites administratives, de représenter des infrastructures, des points d’eau, des bâtiments, des lieux, des typologies de transports, etc. Ces actifs peuvent être exploités à travers différents outils et frameworks open source (DuckDB, PostGIS, QGIS, etc.), mais aussi des plateformes telles qu’Azure Synapse, Amazon Athena, BigQuery ou bien Snowflake.

Orbis Map : un pari aussi bien technique qu’économique

De plus, TomTom s’appuie sur Overture pour propulser une plateforme présentée à la fin de l’année 2023, TomTom Orbis Maps. « Nous sommes très friands de projets open source. Ils apportent une base standard et commune. Avec Orbis Maps, nous ajoutons des dizaines de couches propriétaires, que ce soit des données relatives à la sécurité routière, ou à certaines industries, dont l’automobile, la gestion de flotte, la logistique », résume Léo Sei.

Par-dessus OpenStreeMaps et Overture, TomTom ajoute ses couches de routage, de recherche, de trafic, de points de livraison, de visualisation 3D des lieux pour différents modes de transport. Les clients peuvent, par ailleurs, intégrer leurs propres couches de données et sont invités à contribuer à Overture. Pour prendre en charge la multiplication des appels API, l’éditeur a revu son infrastructure afin de paralléliser les traitements et l’affichage des différentes couches de données.

« Nous nous rendons compte que les gros acteurs veulent internaliser une partie du développement technologique. Le “clé en main” ne fonctionne pas forcément pour ces entreprises. »
Léo SeiVice-président produit, TomTom

« Nous nous rendons compte que les gros acteurs veulent internaliser une partie du développement technologique. Le “clé en main” ne fonctionne pas forcément pour ces entreprises. Nous misons sur des SDK très modulaires, qui comportent des composants interchangeables. C’est sûrement un peu plus complexe que d’autres solutions, mais cela rend notre approche bien plus flexible », défend le VP produit de TomTom.

Au début du mois de mai, l’éditeur néerlandais a étendu la portée d’Orbis Map à 235 pays. Il a d’ailleurs prévu que la plateforme Orbis Map remplacera Multinet et Multinet R, ses précédentes couches de cartographies. Hormis des changements de points de terminaison, les produits existants compatibles avec cette nouvelle fondation. Pour l’heure, Orbis Map demeure en accès anticipé et devrait accueillir les premiers cas d’usage en production en 2025.

Ce double pari, l’open source et l’open core pris il y a quatre ans, sont clairement des moyens pour TomTom « d’affronter ses concurrents », à la fois Google et ses briques Maps, et son compatriote HERE Technologies.

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