Aux États-Unis, Decathlon mise sur les API pour croître rapidement

Il y a trois ans, Decathlon est retourné aux États-Unis. Sa transformation sur le marché du sport loisirs passe par des innovations connectées et… des API.

En s’installant aux États-Unis en 2016, Decathlon voulait innover. L’enseigne ne souhaitait pas se présenter seulement comme une chaîne de magasins d’accessoires sportifs, mais comme une marque. Il ne fallait pas réitérer l’échec de 1999. Le rachat de 18 boutiques à MVP Sports dans la région de Boston s’était soldé par une fermeture prématurée en 2003.

La multiplication des canaux de ventes, la complexité des systèmes IT réclament généralement des années de réflexion et de déploiement. À San Francisco, le groupe français souhaitait agir vite, sans tout réinventer. En trois ans, il a ouvert trois magasins en Californie. Cela fait peu en comparaison des 1 541 autres points de vente répartis dans 53 pays. Cependant, Decathlon a voulu faire de ses enseignes américaines une vitrine d’un développement en mode startup.

« Nous avons réfléchi à la manière de nous implanter et nous avons fait comme si nous étions une nouvelle entreprise sur le marché. »
Tony LeonCIO et CTO, Decathlon USA

Les dirigeants ne comptaient pas faire complètement table rase du passé. Il faut dire qu’avec 5 employés en 2016, il était difficile de ne pas s’appuyer sur le support de la structure internationale. « Nous avons réfléchi à la manière de nous implanter et nous avons fait comme si nous étions une nouvelle entreprise sur le marché », déclare Tony Leon, CIO et CTO de Decathlon USA. « Un des défis quand nous sommes arrivés aux États-Unis était de réinventer la manière de faire de l’IT », ajoute-t-il.

« Il y a énormément de canaux pour vendre aujourd’hui : en magasin, sur le site web, par le biais du mobile, des influenceurs, etc. Maintenant, nous voyons apparaître de nouveaux modèles. Les consommateurs n’achètent plus de produits comme un vélo ou une paire de skis, ils louent ou s’abonnent à un service », déclare le responsable.

RFID et robots connectés pour surprendre les visiteurs

Decathlon a rapidement décidé d’utiliser une partie des technologies qu’il a déployées en France. Tout comme dans l’hexagone, 90 % des produits disposent d’une étiquette RFID. Cela permet de faciliter leur encaissement. Le CTO a toutefois poussé le système un peu plus loin en rendant le point de vente nomade. Plus besoin de sortir les items du panier, les clients le glissent dans un comptoir mobile. La peinture à l’intérieur sert de blindage afin de ne pas scanner par inadvertance les vêtements et autres accessoires présents dans la pièce. Le meuble contient un lecteur RFID connecté en Wifi avec le smartphone des vendeurs. Quand le consommateur pose son panier, pratiquement tous les produits sont directement affichés sur l’écran de l’application. Il n’a plus qu’à payer en carte depuis un terminal mobile ou via téléphone (les boutiques n’acceptent pas les espèces). La sécurité liée aux puces est alors désactivée.

Dans les allées, du petit magasin situé dans le centre-ville de San Francisco, les employés disposent de deux points de vente mobile. Le « megastore », ouvert en avril dernier à Emeryville, en compte une quinzaine.

Un robot nommé Tally est chargé de l’inventaire. Celui-ci doit faciliter la gestion des stocks et identifier les articles manquants dans le magasin. Le personnel est notifié sur sa tablette ou smartphone quand un produit n’est plus disponible.

 Pour ce faire, l’enseigne française a fait appel à la startup Simbe Robotics, installée dans la baie de San Francisco depuis 2014. Une solution similaire a été déployée dans un magasin de la marque à Singapour avec le concours de la compagnie PAL Robotics. En France, Decathlon commence les tests de cette technologie.

Le robot Tally parcourt les rayons afin de vérifier l'inventaire du magasin Decathlon
Le robot Tally parcourt les rayons afin de vérifier l'inventaire du magasin Decathlon

Bien qu’innovants, ces objets connectés ne sont pas au cœur de l’IT de Decathlon USA. « L’idée que j’avais était de créer un système très modulaire autour de quelques extensions/plug-ins/modules qui puissent se connecter entre eux », affirme Tony Leon.

À fond les API avec la plateforme Anypoint de Mulesoft

En 2018, le DSI a choisi de déployer la plateforme Anypoint de Mulesoft, une société acquise par Salesforce. En principe, elle permet de se connecter plus facilement à des applications tierces.

 « Nous utilisons Mulesoft pour supporter ces nouvelles applications. Modifier un système IT existant n’est pas évident. Ils sont parfois très vieux ou très complexes. Il faut pouvoir être sûr de ce que l’on fait pour ne pas subir des arrêts de service. Nous avons souhaité disposer d’une approche “scalable” parce que le marché évolue rapidement », commente Tony Leon.

Decathlon USA a commencé par s’occuper de la gateway de paiement pour finalement déployer 11 API réutilisables. « Au lieu de refaire complètement la passerelle de paiement, ce qui prend beaucoup de temps, nous nous sommes associés à une célèbre marque [Stripe, N.D.L.R.] et nous nous connectons simplement à leur système via nos API. Nous l’avons fait pour le magasin et pour le site web. Nous avons une seule gateway pour toutes les transactions », assure le responsable.

De même, l’enseigne a adopté le même principe pour gérer les taxes. Contrairement à la TVA qui est la même sur tout le territoire français, aux États-Unis, elles changent par comté et par État. « Au lieu de tout réinventer, nous avons trouvé une entreprise qui s’en occupe très bien. Nous avons juste à connecter notre système à ces API, appeler la bonne information concernant la taxe à appliquer ».

L’équipe américaine a également synchronisé sa chaîne d’approvisionnement, les terminaux de paiement, l’inventaire des magasins, ainsi que les robots.

Pour ce faire, elle a créé une couche d’abstraction qui d’un côté dispose de connecteurs spécifiques compatibles avec les systèmes IT de Decathlon et de l’autre des API réutilisables. Cela fait un pont entre l’existant et l’architecture plus moderne. Les connecteurs spécifiques peuvent être des flux de données, des services web ou encore des API.

« Notre système est très modulaire et nos API peuvent être réutilisées pour différentes expériences », déclare Tony Leon. « Cela nous permet de tester des concepts, puis possiblement les déployer dans d’autres pays à l’avenir », ajoute-t-il.

À partir de ces magasins californiens, l’entreprise espère lancer un service de livraison en 1 à 2 heures dans la baie de San Francisco. Celui-ci devrait reposer sur l’intégration d’applications par le biais d’API.

Par ailleurs, elle a développé des modèles algorithmiques maison de NLP afin d’analyser les retours des clients mécontents. Selon le CTO, ceux-ci se concentrent sur 5 à 10 % des commentaires pour mieux comprendre les problèmes rencontrés par les consommateurs.

En France, ces API ne sont pas encore utilisées d’après le responsable. La DSI du groupe situé à Lacroix, dans le nord de la France, travaille sur d’autres projets. Selon les informations recueillies sur le site Stack Overflow, Decathlon cherchait au cours du mois d’octobre 2019, un responsable technique pour gérer l’intégration des solutions Marketing Cloud de Salesforce. L’entreprise utilise MessageHub  pour l’envoi de messages (publicités, confirmations de commande, mises à jour de mot de passe, etc.) aux clients.

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