Comment Geodis se facture lui-même 65 000 factures d’agences d’intérim

Le prestataire logistique a franchi une nouvelle étape dans la dématérialisation de ses factures liées à l’intérim. Cette filiale de SNCF s’« autofacture » les prestations de ses agences de travail temporaire sur la plateforme DirectSkills. Un moyen plutôt radical d’éliminer tout litige.

Leader du transport et de la logistique en France, Geodis compte 40 000 personnes dans le monde, mais fait un recours massif à l’intérim en France pour assurer l’activité de ses 230 plateformes logistiques. Le transporteur fait appel à 3 100 agences de travail temporaire pour faire travailler 4 500 ETP intérimaires. Cela représente une dépense de 200 millions d’euros par an pour la France et pratiquement autant à l’étranger.

« Le coût de traitement d’une facture a été estimé à 15 euros en hypothèse basse, lorsque la facture est très simple et ce coût grimpe à 200 euros en cas de litige. »
Philippe BousquetGeodis

Pour gérer la masse des 65 000 factures et 225 000 contrats de travail que cela représente, Geodis s’appuie sur la solution SaaS DirectSkills, déployée il y a une dizaine d’années. L’application permet à l’entreprise de gérer toutes les étapes du processus de recrutement de l’intérimaire, depuis la demande initiale par les métiers, la réception des candidats, la gestion de leurs contrats de travail, des bordereaux horaires. Néanmoins, Philippe Bousquet, directeur de la performance achat chez Geodis a souhaité aller plus loin et mettre en place l’autofacturation : « le coût de traitement d’une facture a été estimé à 15 euros en hypothèse basse, lorsque la facture est très simple et ce coût grimpe à 200 euros en cas de litige. C’est sur ce volet que nous avons souhaité optimiser nos traitements, sachant que le reste avait déjà été optimisé auparavant ».

En effet, comme beaucoup d’entreprises faisant un recours massif au travail intérimaire et donc appel à de multiples agences, il est compliqué d’obtenir les contrats de travail dans les temps et des factures dont les montants correspondent précisément à la prestation. Les audits de factures faisaient parfois apparaître des écarts parfois positifs, parfois négatifs : « la situation ne nous satisfaisait pas et c’est ce qui nous a poussés à mettre en place DirectSkills en 2007. Alors que nous dépendions de la facturation de nos fournisseurs et que c’était à nous de réaliser les contrôles, nous avons renversé cet équilibre ; nous sommes maintenant maîtres de la situation. Charge à nos fournisseurs de vérifier que le montant facturé correspond bien à ce qui avait été établi au préalable ».

Une dématérialisation de processus initiée il y a plus de 10 ans

Philippe Bousquet, directeur
de la performance achat, Geodis

Ce renversement a été obtenu en mettant en place le concept d’autofacturation. Jusqu’alors Geodis se mettait d’accord avec le fournisseur sur un montant de la prestation puis, une fois celle-ci réalisée, le fournisseur devait ressaisir ces données dans ses propres logiciels afin d’émettre la facture et la faire parvenir à Geodis.

Dès lors, la facture était contrôlée par rapport à ce qui avait été négocié au départ, puis intégrée dans le système comptable de Geodis afin que celle-ci soit finalement payée : « ce mode de fonctionnement nous imposait de traiter du papier derrière. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité aller au bout de la dématérialisation de ce processus. Nous nous sommes tournés vers DirectSkills et François Chauvin [CEO de DirectSkills] afin de mettre en place l’autofacturation ».

Geodis disposait déjà des montants validés sur des préfactures, il s’agissait donc de les transformer directement en factures, une idée simple, mais avec des conséquences tant d’un point de vue informatique que sur les volets juridiques et fiscaux.

Geodis s’est positionné comme mandataire pour ses fournisseurs d’intérim

Le projet a donc mobilisé la direction financière, la gestion des ressources humaines et le service Achats. Une phase de conduite du changement a été menée auprès des différents acteurs qui interviennent dans ce processus, mais aussi auprès des agences d’intérim qui devaient bien évidemment donner leur accord à cette autofacturation : « nous avons dû convaincre nos fournisseurs afin que ceux-ci nous mandatent pour que nous puissions émettre des factures en leur nom. Cela nécessite de signer un mandat, car c’est un acte qui engage la responsabilité de l’entreprise. Il s’agit d’un vrai engagement qui vient en complément des contrats-cadres qui avaient été signés auparavant ».

« Nous avons mis en place une opération de eLearning pour former à la fois nos fournisseurs, mais aussi tous les profils Geodis impactés par le traitement de ces factures. »
Philippe BousquetGeodis

Geodis a été la première entreprise en France à avoir initié un tel projet dans le domaine de l’intérim, raison pour laquelle Philippe Bousquet a mis en place une importante phase d’accompagnement de ses fournisseurs : « nous avons mis en place une opération de eLearning pour former à la fois nos fournisseurs, mais aussi tous les profils Geodis impactés par le traitement de ces factures. Ces formations ont été menées en parallèle aux premiers déploiements sur sites pilotes, une date butoir a été fixée au 15 novembre 1980 et nos 230 sites ont tous basculé dans la nuit ».

François Chauvin, CEO de DirectSkills souligne : « Geodis était un cas particulier puisqu’il s’agissait de la première entreprise à franchir le pas. Pour faire de l’autofacturation, il faut mettre en place toutes les mécaniques. C’est un projet qui est pertinent au-delà de 100 ETP intérim, en comptant les coûts de projet et environ 3 mois d’intégration pour le cas d’une entreprise monosite, un peu plus si on veut mettre en place des interfaces pour que les factures alimentent directement la comptabilité, et intégrer avec le système de pointage s’il a lieu de le faire ». Pour la mise en place de sa plateforme, l’éditeur suggère une approche en 3 fois trois mois : 3 mois d’intégration, 3 mois de phase pilote et 3 mois de généralisation.

Plus de 70 % de baisse des coûts de traitement des factures

Ce passage à l’autofacturation a eu un impact très direct sur le coût de traitement des factures puisque celui-ci est passé de 15 euros à 4 euros seulement. En outre, le nombre de litiges a été réduit de manière radicale : « nous avons bien mis en place un processus spécifique pour traiter d’éventuels litiges, mais il n’y en a pratiquement plus. Ils représentent aujourd’hui moins de 0,49 % des factures et si nous n’avons plus de litiges, car toutes les préfactures sont validées par les fournisseurs eux-mêmes. Nous avons responsabilisé nos fournisseurs et le fait qu’il n’y a plus de litiges a apaisé nos relations avec les fournisseurs ».

Si Geodis n’a pas réduit ses délais de paiement, les fournisseurs sont payés plus rapidement, car la date d’émission des factures est avancée.

En outre, si Geodis n’a pas réduit ses délais de paiement, les fournisseurs sont payés plus rapidement, car la date d’émission des factures est avancée. Cela demandait plusieurs jours voire quelques semaines, auparavant, pour que le fournisseur saisisse les données et génère sa facture. Cette dématérialisation totale du cycle de facturation a permis aussi à Geodis d’enregistrer des gains dans le cadre du RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), avec 65 000 factures papier, soit 23 arbres épargnés.

Philippe Bousquet conclut : « le principal frein au changement fut avant tout psychologique ; il faut que les fournisseurs acceptent de laisser la main à leur client pour la facturation. Côté Geodis, il y a eu quelques questions au début du projet, mais les gens ont rapidement compris l’intérêt d’aller vers l’autofacturation et aujourd’hui personne ne voudrait revenir en arrière. »

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