Microsoft gère le partage des revenus de la Xbox avec une Blockchain

Pour mieux gérer les royalties des créateurs de jeux, Microsoft a décidé de rendre les achats sur sa plateforme plus transparents pour ses partenaires. Son choix s'est porté sur Quorum. Cette blockchain sur Azure a été testée avec deux éditeurs. Le but est d'en rallier dix fois plus.

Microsoft vient de remporter un prix pour un projet métier en rapport avec la blockchain. Ce prix est d'autant plus remarquable qu'il lui a été décerné par Constellation Research, un cabinet américain d'analystes qui se montre plutôt prudent sur les usages concrets des registres distribués (DLT).

Cette blockchain partage des informations sur les achats des clients Xbox (des transactions entre Microsoft et les "gamers") pour les ouvrir aux éditeurs de jeux.

Gérer les royalties entre Microsoft (Xbox) et les éditeurs de jeux

« Lorsque des joueurs téléchargent un titre sur la plate-forme Microsoft Xbox, Microsoft est tenu de payer des redevances (royalties) au propriétaire du titre, en l'occurrence les éditeurs de jeux ou les développeurs », explique Rohit Amberker, Directeur Financier de Microsoft. Or cette procédure de rémunération s'est considérablement complexifiée au fil du temps, aussi bien d'un point de vu légal que contractuel.

Conséquence de cette complexité, « la plupart des entreprises sont forcées de trop payer, dans l'espoir d'atténuer le risque d'un différend ». Autre conséquence, « une augmentation du nombre et de la fréquence des vérifications par les partenaires de leurs contrats de redevances, ce qui a donné lieu à des honoraires considérables et, dans certains cas, à des pénalités imposées devant un tribunal ».

Pour éviter ces deux écueils, Microsoft a décidé - avec l'aide d'EY - de développer sur Azure une blockchain entièrement dédiée à cette question des royalties.

Le projet a quatre objectifs clairs : réduire les opérations redondantes, raccourcir les délais de paiement, renforcer la confiance entre Microsoft et les éditeurs de jeux vidéo (et réduire ainsi en amont les risques de poursuite), et fournir des analyses pertinentes (avec des données vérifiées) aux parties prenantes.

En plus de l'immutabilité des données, cette blockchain vise aussi à donner une visibilité en temps réel sur les transactions et simplifier les audits a posteriori en cas de litige.

Le choix de Quorum

L'usage d'un DLT dans cette problématique semble pertinent puisqu'elle vise bien à créer une transparence entre des acteurs indépendants, une des conditions de base pour le choix d'une blockchain plutôt qu'une base de données classique.

Bien qu'étant à l'origine de la Ethereum Enterprise Alliance (qui n'est pas liée à la Ethereum Foundation), Microsoft n'a pas de technologie propre de blockchain. C'est donc en toute liberté que le numéro 1 mondial du logiciel a pu choisir son DLT. Son dévolu s'est jeté sur Quorum.

Quorum est un « Ethereum augmenté » lancé par JP Morgan pour en combler certaines lacunes. Cette blockchain garde la simplicité d'Ethereum mais propose des algorithmes de consensus spécifiques et quelques outils de déploiement de cluster de nœuds.

« D'un point de vue fonctionnel, Quorum est plus riche et plus adapté à un contexte de consortium qu'Ethereum », analyse Damien Lecan de Space Elephant et ancien directeur technique de SQLI. On notera au passage que Microsoft a évité la complexité de Hyperledger.

En revanche, comme les noeuds sont dans Azure, l'architecture de ce réseau va à l'encontre de la pure philosophie de la blockchain. « La décentralisation est le cœur du cœur du concept de blockchain. Elle est garante de la sécurité et de la transparence », nous expliquaient Damien Lecan et son confrère chez SQLI, Hugo Levard, aujourd'hui chez PSA. « Si tous les nœuds sont dans le cloud d'un seul et même fournisseur, [...] on centralise de facto l'architecture sous-jacente de la blockchain, et cela même si les datacenters sont éparpillés physiquement sur le planète ». Ce qui peut, à terme, poser le problème de l'indépendance des noeuds.

Quoiqu'il en soit, pour simplifier le déploiement initiale du DLT pour ses partenaires, Microsoft a pesé le pour et le contre et a fait le choix de la blockchain dans le cloud.

Les premiers ROI tangibles

Après un premier démonstrateur, Rohit Amberker a constaté que les pistes d'amélioration dans la gestion des royalties étaient réelles avec la blockchain.

« Les temps de traitement des contrats sont passés d'environ 45 jours à quelques minutes. [Et nous sommes passés] de régularisations de clôture de fin de mois avec un processus qui exige des estimations discrétionnaires, à des régularisations quotidiennes en temps quasi réel ».

Le recours à des audits externes, très couteux, aurait également grandement diminué.

« La blockchain n'en est encore qu'à ses débuts, mais notre solution a démontré une valeur opérationnelle et commerciale significative pour notre réseau de partenaires avec qui nous gérons des royalties », se réjouit le dirigeant.

Autre avantage, en se connectant directement aux données de paiements réels perçus par Microsoft, le registre distribué permet également aux éditeurs de mieux évaluer l'impact de leurs campagnes marketing sur leurs résultats.

Deux éditeurs partenaires, bientôt dix fois plus ?

Microsoft a parcouru beaucoup de chemin avec ce projet, mais il en reste encore beaucoup à faire.

« Nous avons été confrontés à un scepticisme général via à vis de la blockchain : à cause de ses origines liées aux crypto-monnaies, de ses problèmes de scalabilité et de performances et de sa difficulté d'utilisation pour ceux qui ne sont pas des experts en technologie », reconnait l'éditeur. « Mais au fur et à mesure que nous avons avancé sur cette voie, nous avons fait des progrès significatifs. Nous avons dissipé la plupart des réticences avec des PoC, en collaborant et en intégrant des éditeurs de jeux pour mettre la solution à l'épreuve ».

Aujourd'hui, la blockchain de Microsoft est partagée avec deux éditeurs. « Les deux ont constaté des économies de temps considérables grâce à la réduction du délai de traitement financier, grâce à la meilleure gestion de l'exécution des contrats et grâce à l'optimisation des activités de validation/rapprochement », vante le directeur financier.

Son but, à moyen terme, est de s'appuyer sur ces premiers retours pour convaincre quinze à vingt des plus gros éditeurs de rejoindre ce réseau.

Le Directeur Financier de Microsoft se montre en tout cas optimiste. « Tout le travail effectué et les premiers retours montrent qu'il s'agit d'une technologie qui, une fois pleinement opérationnelle, peut monter en puissance et apporter des avantages tangibles et réels ».

Au delà de ces vingt grands noms, Microsoft envisage d'étendre cette blockchain aux partenaires de ces partenaires, « ce qui permettra de traiter les paiements plus en amont, ou en aval, de la chaîne de valeur ».

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