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WeTransfer se donne les pleins pouvoirs sur vos documents : comment vous protéger ?

Le service néerlandais de partage de fichiers change ses conditions d’utilisation. Il pourra désormais utiliser comme il le souhaite tous les contenus qui transitent par son site, sans aucune contrepartie ni limite dans le temps. Le but est de faire un virage vers l’entraînement des IA. Le risque est une fuite des utilisateurs.

C’est un changement qui ressemble à une mauvaise blague. Et pourtant, le site d’échange de fichiers WeTransfer, un des plus populaires au monde, est très sérieux. Tout ce que vous partagerez avec ses services devient quasiment sa propriété.

Le « quasiment » pourrait rassurer. Il est surtout un élément de langage, tant les droits que va s’octroyer WeTransfer sur vos fichiers à partir du 8 août 2025 sont étendus.

Alimenter les IA avec vos contenus ?

La Section 6.3 des conditions mises à jour prévoit que WeTransfer se voit accorder une licence perpétuelle sur vos contenus – sans limite dans le temps, donc – qui lui permet de les utiliser à sa guise, sans contrepartie.

Concrètement, la licence autorise WeTransfer à « utiliser, reproduire, distribuer, modifier, préparer des œuvres dérivées, communiquer au public, afficher ou exécuter le contenu ».

En clair, WeTransfer peut faire ce qu’il veut de vos fichiers, y compris les revendre s’il le souhaite.

L’objectif, non affiché, mais clairement visible, semble être de constituer une base d’entraînement pour des modèles d’Intelligence artificielle.

Un virage à 180 degrés par rapport aux précédentes conditions

Les versions précédentes des conditions d’utilisations stipulaient clairement que WeTransfer ne revendiquait aucun droit de propriété sur les contenus. Seule une licence limitée était accordée – et uniquement pour le bon fonctionnement du service.

La nouvelle version étend considérablement ces droits. Elle donne au contraire la possibilité de créer des œuvres dérivées, sans rémunération pour l’auteur, et de sous-licencier le contenu – c’est-à-dire de donner à son tour les droits d’exploitation à un tiers sur ces fichiers ou sur les produits dérivés qui en découleront (comme une IA entraînée sur cette base de documents).

La seule différence avec un transfert pur et simple de propriété est que le créateur du fichier (photo, etc.) garde son droit d’auteur (copyright)… mais il concède une telle licence d’exploitation à WeTransfer, que cela vide ce droit de sa substance.

Un changement qui commence à faire du bruit

Par exemple, un photographe professionnel prend une photo (évènement sportif, d’art, etc.) et l’envoie par WeTransfer à une agence.

WeTransfer peut désormais la diffuser ou la revendre sans avoir à demander d’autorisation ou à payer des royalties au photographe. Il peut aussi la donner en entraînement à une IA (la sienne ou celle d’un autre éditeur).

Maigre consolation, le photographe, grâce à son droit d’auteur, peut continuer à vendre son œuvre de son côté – à condition que WeTransfer ne la revende pas moins cher que lui !

Les réactions des utilisateurs sont évidemment virulentes sur les réseaux sociaux. Et l’affaire commence à apparaître dans les médias grand public comme le quotidien de référence espagnol El Pais.

Quelques bonnes pratiques pour se protéger

Peut-être feront-elles changer d’avis le site néerlandais si ces réactions venaient à se transformer en désaffections ?

En attendant, les employés qui, en complet shadow IT, transféreraient du contenu sensible avec WeTransfer (des projets sous NDA ou des fichiers qui appartiennent à des clients) créent un risque encore plus important pour leurs employeurs avec ces nouvelles conditions.

La DSI aura donc tout intérêt à communiquer massivement sur ce point.

Pour les utilisateurs, chiffrer les documents pour les rendre illisibles pendant le transfert devient une bonne pratique indispensable.

L’alternative plus radicale – certains diront plus raisonnable – consiste à choisir une autre plateforme de partage aux conditions plus respectueuses de la propriété intellectuelle et en tout cas à renoncer à utiliser WeTransfer pour des documents sensibles.

Quant à la société WeTransfer, le but est peut-être de faire un virage vers l’IA. Mais, au regard des premières réactions, le risque est de terminer dans le bas-côté avec une fuite massive de ses utilisateurs.

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