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Plongée dans les coulisses IT d’Adobe

DSI d’Adobe, Cynthia Stoddard s’est entretenue avec les confrères anglais du MagIT sur les défis et les opportunités liés à la transformation numérique d’un grand éditeur de logiciels.

DSI et experte en informatique, Cynthia Stoddard met à profit ses connaissances pour façonner l’orientation future d’une des entreprises IT les plus connues au monde : Adobe. Après avoir occupé le même poste dans nombre de grandes entreprises réputées, dont NetApp, Cynthia Stoddard est entrée chez Adobe en juin 2016.

« J’ai tout de suite été séduite par cette idée [d’Adobe] d’avoir une expérience de bout en bout, qui va des applications de création de contenus jusqu’aux applications pour envoyer ces contenus aux destinataires », confie-t-elle.

Susciter l’enthousiasme pour le changement

Pour Cynthia Stoddard, mi-2016 était le moment opportun pour rejoindre Adobe. De nombreuses séances de planification stratégiques avaient lieu à l’époque, ce qui lui a permis de voir directement et rapidement la façon d’interagir de l’équipe dirigeante.

En parallèle, la toute nouvelle DSI s’entretient avec les équipes IT, mais aussi avec les équipes métier pour savoir ce qu’ils attendaient de la technologie. « Je voulais savoir ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. J’ai donc rencontré beaucoup de monde », résume-t-elle.

Photo de Cynthia StoddardCynthia Stoddard,
DSI d'Adobe

Tous ces entretiens l’ont aidée à poser un cadre clair pour sa stratégie de transformation du service informatique. Partisane du co-développement, Cynthia Stoddard a mobilisé l’ensemble de l’équipe IT pour concrétiser sa vision, en posant des questions comme : que voulons-nous devenir ? Qu’est-ce que ce service doit apporter à Adobe ?

Pour modéliser les réponses à ces questions, Cynthia Stoddard a fait appel à des techniques innovantes. Elle a par exemple créé un graphique par dispersion qui représente les employés sur un parvis, à l’extérieur du bâtiment, pour montrer la distance qui sépare l’équipe IT des objectifs de chacun des employés.

« Ce graphique nous a montré l’état de notre alignement avec ces besoins, ainsi que les éléments sur lesquels nous focaliser. Nous avons alors développé notre vision pour améliorer l’expérience de chacun de nos collaborateurs », raconte Cynthia Stoddard, qui considère que beaucoup a été fait en cinq ans et son arrivée chez Adobe. « C’est fantastique de voir comment l’équipe a évolué et mûri, et tous les efforts qu’elle a faits pour être au plus près des exigences des métiers ».

Si certains projets sont des initiatives de grande envergure étalées sur plusieurs années, d’autres – notamment la mise en œuvre de l’automatisation robotisée des processus (RPA) au sein d’une fonction métier unique – apportent des gains de productivité considérables dans un secteur donné. Cynthia Stoddard explique que ce mouvement permanent et ce passage d’un chantier à une autre ont suscité un fort enthousiasme au sein de l’équipe IT.

Réorganiser la fonction technologique

Récemment, Cynthia Stoddard a même renommé le service informatique « Adobe Technology Services » (Services technologiques Adobe). Fraîchement rebaptisé, ce service se divise en trois groupes.

Un premier couvre l’informatique classique qui se charge des projets IT en lien avec le back-office qui soutiennent les opérations métier d’Adobe.

« C’est fantastique de voir comment l’équipe a évolué et mûri, et tous les efforts qu’elle a faits pour être au plus près des exigences des métiers »
Cynthia StoddardAdobe

Un deuxième – « reliability engineering » – travaille sur les logiciels de l’éditeur (comme Photoshop). Ce groupe fournit et assure la maintenance des outils utilisés par les ingénieurs Adobe pour créer et développer les produits proposés aux clients.

Enfin un troisième groupe, sous la responsabilité de Cynthia Stoddard, s’occupe des opérations cloud, et plus particulièrement du maintien des relations avec les grands fournisseurs de cloud d’Adobe, comme Microsoft (Azure) et Amazon (AWS). Ce groupe gère également « l’efficacité technologique », pour garantir un fonctionnement fluide de l’infrastructure IT de l’entreprise, y compris les datacenters internes et le réseau.

« Ce sont les trois principaux piliers », synthétise-t-elle. « Je dispose également d’une vue transverse sur les activités qui sont du ressort du DSI, notamment la gestion des projets et des fournisseurs, pour que notre service IT fonctionne comme une vraie entité métier. Il existe également une organisation de services partagés en Inde, qui fournit de nombreuses prestations, non seulement à l’informatique de l’entreprise, mais aussi à tous les groupes d’ingénierie d’Adobe. »

Transformer l’activité par la technologie

Cynthia Stoddard est particulièrement fière de deux résultats du service IT dans deux secteurs clés : l’adoption du cloud et le développement d’un « CX interne » (une relation utilisateur en interne).

« Nous avions un mot d’ordre : intégrer des caractéristiques cloud à notre ADN », se souvient-elle. « Je suis particulièrement fière que mon groupe ait adopté cette approche et ait pu offrir de nombreux accès en libre-service aux utilisateurs métier. Nous avons complètement transféré dans le cloud certaines de nos applications existantes. »

D’après Cynthia Stoddard, l’accent mis sur le libre-service encadré permet à l’utilisateur métier d’exploiter en toute confiance les données des applications cloud. Et se focaliser sur une IT à la demande implique que l’ingénierie raisonne elle aussi en mode cloud lorsqu’elle développe de nouvelles applications… ce qui est le but aujourd’hui d’Adobe.

Tableau récapitulatif des outils CX d'Adobe
Adobe Experience Cloud, la suite CX d'Adobe

Une autre avancée majeure concerne l’expérience. Cynthia Stoddard explique qu’Adobe a toujours mis de nombreux outils de CX (Customer Expérience) à la disposition de ses clients externes pour les aider à améliorer leur expérience. Peu après son arrivée, son équipe a vite jugé indispensable de fournir aux utilisateurs internes des outils similaires.

« J’ai pris tous les éléments concernant les employés et je les ai regroupés dans une seule unité. Nous avons réuni le support, les outils collaboratifs, la téléphonie – tous ces éléments qui, dans une organisation classique, ont un lien avec la technologie – et ainsi constitué le groupe de l’expérience employé », dit-elle.

« Notre équipe a passé au crible tous les outils dont nous disposions au sein de l’organisation, et elle a examiné leur relation avec les différents profils de nos employés. Ensuite, nous avons adapté ces outils et ces solutions en fonction de chacun de ces profils. Et c’est ce qui nous a permis d’offrir à nos clients internes une expérience exceptionnelle pendant la crise du Covid-19. »

Exploiter des idées innovantes

Cynthia Stoddard souligne également les réalisations de son équipe en matière d’innovation. Sa philosophie consiste ici à « poser les problèmes à l’équipe, à lui donner l’espace nécessaire pour réfléchir et pour explorer – et s’il le faut, pour échouer – pour la laisser revenir avec d’excellentes solutions ».

« Je ne suis pas fière de moi : je suis fière mon équipe. Je ne suis que la coordinatrice qui facilite les choses. »
Cynthia StoddardAdobe

Un bon exemple clé est l’application de la RPA à différents métiers. Adobe a commencé à travailler avec UiPath pour explorer la manière d’utiliser la RPA dans toute une série de situations, dont l’automatisation de la fonction financière (contrats, approvisionnement, et même les acquisitions), avant de l’étendre à beaucoup d’autres.

Cynthia Stoddard évoque également l’utilisation de l’open source pour créer une infrastructure « d’auto-réparation » qui fait appel à l’intelligence artificielle et au machine learning pour identifier les problèmes et y remédier automatiquement. Par exemple, si un data set est susceptible de manquer d’espace, l’infrastructure identifie le problème et provisionne à la volée une capacité supplémentaire qui garantira un fonctionnement sans interruption. « Toute la question est de savoir comment gérer certains de ces problèmes récurrents », continue-t-elle. « Un humain pourrait les régler en 25 à 35 minutes, ce réseau d’autoréparations trouve la solution en moins d’une minute. »

Cynthia Stoddard se réjouit de ces avantages apportés à Adobe. Mais elle ne tire pas la couverture à elle : « Je ne suis pas fière de moi : je suis fière mon équipe. Je ne suis que la coordinatrice qui facilite les choses. »

Conduire un changement rapide

À l’instar de ses homologues DSI d’autres entreprises, Cynthia Stoddard admet que les 18 derniers mois ont posé des défis inhabituels.

Mars 2020. Adobe a mis tout son personnel en télétravail en l’espace d’un week-end. « Sachant que les choses peuvent toujours mal tourner, le lundi matin, je m’attendais à recevoir une tonne de messages vindicatifs. Mais non. », raconte-t-elle. « Le basculement s’est fait sans anicroche. Et plus je supervisais nos canaux Slack, plus je voyais des communautés internes se mettre en place ».

Ce processus se poursuivrait d’ailleurs aujourd’hui. Selon Cynthia Stoddard, la pandémie a donné de précieuses leçons à tous les dirigeants. Elle explique que, par-dessus tout, cette expérience éprouvante a permis aux cadres exécutifs d’améliorer leurs compétences, ainsi que la manière dont ils maintiennent la productivité des employés et dont ils les accompagnent.

« Selon moi, ces 18 derniers mois ont mis les compétences humaines des responsables métier et des DSI à rude épreuve. Toute la question était de savoir comment continuer à communiquer avec les autres, et à nous rassembler même en étant à distance. Nous avons dû prêter une attention particulière à leurs besoins, tout en écoutant nos patrons et nous assurer que l’entreprise allait dans la bonne direction », remarque-t-elle. « Il a en outre fallu se concentrer sur les outils que nous mettions à disposition et veiller à leur bon fonctionnement, en les ajustant le cas échéant. Il a également fallu s’assurer de donner au personnel la possibilité de s’exprimer et de recommander des changements. »

Doper l’expérience côté employé

Cynthia Stoddard indique qu’au cours des deux années à venir, elle va s’intéresser à quatre points clés : fiabilité permanente des produits externes et des services internes ; utilisation des données pour faciliter la transformation et la croissance de l’entreprise ; recours à la RPA et à des processus métier de réingénierie ; et enfin utilisation de la technologie pour améliorer l’expérience tant côté employé que côté client.

« Alors que nous nous dirigeons vers un lieu de travail hybride, quel regard porter sur l’expérience au bureau et en dehors du bureau ? Et comment s’assurer de ne pas perdre ce que nous avons gagné lors de la pandémie ? », s’interroge-t-elle.

Selon Cynthia Stoddard, les plateformes de collaboration cloud ont permis de communiquer et de partager des idées. À présent que les bureaux rouvrent, il est important de capitaliser sur ces gains. Elle explique qu’en fait, gérer l’expérience constitue l’objectif clé sur lequel avancer, parce qu’il y a énormément à faire dans ce domaine.

« Et il y a aussi tellement d’inconnus », rappelle-t-elle. « Imaginons que nous soyons de retour au bureau et qu’un autre variant fasse irruption, il nous faudrait alors à nouveau travailler en distanciel. La capacité à basculer d’un contexte à l’autre tout en conservant les outils et la documentation est, à mon avis, au cœur de la réflexion. »

Propos recueillis par nos collègues de ComputerWeekly, groupe TechTarget également propriétaire du MagIT.

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