shotsstudio - stock.adobe.com

CX : Chantier prioritaire en cours chez Adobe

Le troisième cloud d’Adobe – Experience Cloud – est en cours de « plateformisation ». Le modèle de donnée XDM et Adobe Experience Platform, le repository annoncé cette année, sont les deux outils de ce travail qualifié de « prioritaire ».

Le problème quand un éditeur construit une offre à coups de rachats, c’est qu’il faut ensuite unifier les différentes technologies pour avoir un tout cohérent (« replateformer »). Workday et ServiceNow le font systématiquement, et prennent en moyenne entre six mois à un an avant de proposer un produit racheté. SAP tente de le faire pour son SaaS en l’unifiant doucement, mais sûrement sur HANA. Et Salesforce mène une stratégie mixte d’intégration point à point et de virtualisation de données (le tout saupoudré d’une touche de MuleSoft).

Adobe est, en quelque sorte, entre les deux. Son offre CX est quasi complète d’un point de vue fonctionnel. Mais sous le capot, l’intégration n’est pas encore faite.

« C’est en cours », assure néanmoins Lionel Lemoine, responsable Solution Consulting pour l’Europe de l’Ouest et du Sud chez Adobe.

Qu’est-ce que l’expérience client ?

Petit rappel. Adobe possède aujourd’hui trois grandes familles d’offres.

L’historique – celle de Photoshop, d’Illustrator et de InDesign – a été transférée dans le cloud sous le nom de Creative Cloud et enrichie de quelques rachats comme Fotolia. La deuxième, « Adobe DC » – pour « Document Cloud » – est celle autour des PDF (Acrobat Reader et Adobe Sign).

Quant à la troisième famille, elle a commencé à se constituer il y a dix ans pour diversifier Adobe dans la continuité de Creative Cloud dans le domaine de la diffusion des contenus pour la relation client. Une offre de bout en bout a été lancée en 2017 sous le nom de « Adobe Experience Cloud ».

Par « expérience », il faut bien comprendre « expérience client » et plus précisément « expérience numérique ». En résumé, le fameux « CX » ou CXM – pour gestion du CX – qui complète le CRM.

Le CX c'est « fournir le bon contenu, à la bonne personne, au bon moment sur le bon support. »
Luc DammanAdobe

« Le CXM consiste à personnaliser l’expérience du client tout au long de son parcours », définit Luc Damman, Directeur Général d’Adobe pour l’Europe de l’Ouest et du Sud, lors du CXM Space de Paris, « il s’agit de fournir le bon contenu, à la bonne personne, au bon moment sur le bon support – que ce soit en physique (NDR : en magasin) ou en numérique ».

Cette problématique mélange données (connaissance du client et de ses pérégrinations) et contenus (photos, plaquettes personnalisées, etc.) ; d’où la plongée d’Adobe dans l’analytique appliquée au marketing.

« Le consommateur est devenu un collectionneur d’expériences », résume Luc Damman de manière imagée. « Les marques doivent se démarquer, créer un lien durable et de proximité – en étant intimes, mais pas intrusives – par la personnalisation [à grande échelle] ».

Une bonne stratégie CX doit également prendre en compte les canaux (ou « touch points ») : SMS, mails, site web, Point of Sales, etc.

En moyenne, constate Adobe, un parcours client est géré par douze applications différentes. D’où l’idée initiale de le consolider dans une solution de bout en bout.

Les facettes de l'experience client (CX)
Les facettes de l'experience client (CX)

Adobe Experience Cloud

Adobe a donc fait ses emplettes en rachetant, entre autres, Omniture (analytique marketing), Neolane (gestion de campagnes marketing multicanal), Magento (sites de commerce et eboutiques), Marketo (automatisation des mails marketing) ou encore Efficient Frontier (publicité multicanal).

Le résultat est un CXM complet. Ce « troisième cloud » – comme on pourrait le surnommer – a généré 2 milliards de dollars sur les 9 milliards de CA d’Adobe en 2018 (22 %). Il devrait générer 3 Md $ cette année sur un prévisionnel global de 11 Md $ (27 %).

Ce cloud « parent » repose sur quatre clouds « enfants » qui couvrent chacun une étape clef de la gestion d’un parcours client : Advertising Cloud, Analytics Cloud, Marketing Cloud et Commerce Cloud.

Adobe Experience Cloud
Adobe Experience Cloud

Mais le revers de la médaille est que chaque application fonctionne avec sa propre base et ses propres données.

Le modèle de données XDM

Pour y remédier, Adobe a mis au point un modèle de données dédiées à l’expérience client : XDM (pour eXperience Data Model).

Open source et disponible sur Github, le but est qu’il devienne un standard de l’industrie pour permettre également des échanges de données entre outils d’éditeurs différents. Le modèle XDM est par exemple la pierre angulaire de l’Open Data Initiative qui unit Adobe, Microsoft et SAP face à Salesforce.

Plusieurs centaines d’éléments sont décrits dans le format XDM (profil client, segment, donnée produit, PIM, donnée historique d’achat, métadonnée d’images, etc.)

Adobe Experience Platform

En plus de ce modèle commun, Adobe a travaillé sur un « Datalake structuré »[1] dans lequel déverser les données des applications maison d’Experience Cloud et celles venues de l’extérieur (Salesforce ou autre). Adobe l’a nommé Adobe Experience Platform.

Cette couche basse pour accueillir et unifier toutes les données liées aux profils client est techniquement terminée. « C’est une sorte de Customer Data Platform (CDP) pensée pour l’expérience client, de manière à pouvoir “activer” ces données – et les activer en temps réel au moment où vous en avez besoin [N.D.R. : ce qui est souvent une nécessité dans le parcours client], ce qui implique qu’elles soient au même endroit, au-delà des logiques de synchronisation [qui provoquent de la latence] », explique Lionel Lemoine au MagIT.

Adobe Experience Platform (AEP) est disponible et commercialisée aux États-Unis depuis mars et en Europe depuis septembre.

Adobe I/O

AEP possède également « une couche d’ouverture » (sic), baptisée Adobe I/O.

« XDM est la langue natale d'Adobe Experience Platform [...] À terme, tous nos produits reposeront sur ce dépôt et sur ce modèle de données. »
Lionel LemoineAdobe

« C’est notre framework d’entrée-sortie avec des APIs pour faire absolument tout ce que vous voulez. Nous fournissons aussi des connecteurs [vers des applications et des bases de données]. Et un connecteur universel XDM », liste Lionel Lemoine. « Plutôt que de réinventer la roue, une entreprise peut récupérer les spécifications du modèle XDM sur Github et parler avec notre plate-forme – dans sa “langue natale” – mais aussi avec Dynamics 365 ».

Nouvelle fondation pour Experience Cloud

« Au fil du temps, tous nos produits vont reposer sur ce dépôt (N.D.R. : AEP) et sur ce modèle de données (N.D.R. : XDM) », promet le responsable français. À date, Adobe Analytics et « une grande partie de la DMP » (Audience Manager) ont déjà migré.

La date de passage des autres applications est fixée, mais n’est pas communiquée. « La réalité, c’est que c’est la priorité de toutes les lignes de produits », confie néanmoins Lionel Lemoine qui rappelle qu’en attendant, les clients d’Adobe peuvent déjà unifier leurs données avec ces outils.

« La réalité, c'est que c'est la priorité de toutes les lignes de produits. »
Lionel LemoineAdobe

« Comme cette couche base existe et que toutes [nos] applications ont été développées de manière ouverte, rien n’empêche d’exploiter les APIs pour mettre en liaison les produits existants avec ce nouveau dispositif », invite-t-il. À terme, « il n’y aura plus à maintenir cette jonction puisqu’elle sera native et qu’Adobe Experience Platform remplacera le moteur de gestion de données de chaque produit ».

[1] Un dépôt qui peut recevoir des contenus (photos, vidéos, etc.), mais dont les métadonnées doivent être structurées pour les appeler dans des opérations en temps réel.

Pour approfondir sur Applications métiers

Close