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Sauvetage en mer : AVISIA tente de signaler les fausses alertes grâce à l’IA

Dans le cadre de l’Hackathon SAS 2022, le cabinet de conseil « Data » AVISIA a réalisé un prototype d’une application alimentée au machine learning et à l’IA, pour adresser une des problématiques des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) : les fausses alertes lors des interventions en mer.

Le littoral français est couvert par neuf centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer (CROSS). Cinq centres protègent la France métropolitaine, tandis que deux CROSS supervisent les interventions à la Réunion et aux Antilles. Deux centres spécialisés sont installés en Nouvelle-Calédonie et Papeete.

Les 340 agents du CROSS (officiers des affaires maritimes, militaires détachés de la Marine nationale et agents du ministère chargé de la mer) traitent et coordonnent environ 15 000 opérations de sauvetage en mer par an. En France Métropolitaine, le « cœur de l’activité » se déroule en période estivale, entre les mois de juin et septembre. Dans les Antilles, ce pic d’activité est atteint entre les mois de mars et de novembre, tandis qu’ailleurs les interventions sont « relativement constantes ».

En sus des sauvetages, les CROSS surveillent la navigation maritime – principalement en Manche – les pêches et les événements de pollutions en mer.

Un projet né de l’open data

Une grande partie des données relatives aux opérations en mer des CROSS sont référencées dans un jeu de données ouvert nommé SECMAR, produit par la direction des Affaires maritimes.

Le data set SECMAR représente un historique de 37 ans d’opérations concernant la surveillance des activités de plaisance sur les côtes françaises. Il permet de connaître le motif d’une intervention, quand, comment et qui a donné l’alerte, le contexte météorologique et géographique, les moyens matériels et humains engagés et le bilan humain d’une opération.

Le jeu de données a déjà inspiré plusieurs projets de data visualization. L’un d’entre eux mettait en exergue l’allongement des temps d’intervention à cause de fausses alertes intentionnelles ou non.

C’est cet enjeu des fausses alertes que des consultants du cabinet de conseil AVISIA ont souhaité traiter lors d’un Hackathon organisé par SAS. « Nous voulions mener un projet d’intérêt public », affirme Allassane Mamane, Practice Manager chez AVISIA. « L’invitation de notre partenaire SAS était l’occasion de ce défi intéressant ».

« Nous avons d’emblée observé un taux de fausses alertes élevé dans ces données publiques », poursuit-il.

Mais c’est en corrélant les données concernant les moyens impliqués pour chaque intervention qu’AVISIA a déterminé le sujet à explorer lors de l’Hackathon. De fait, les CROSS peuvent « faire appel à l’ensemble des moyens nautiques et aériens des ministères chargés de la défense, de l’intérieur, de la mer et du budget ainsi qu’aux canots, vedettes et embarcations semi-rigides de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), son premier partenaire opérationnel », selon la documentation du ministère de la Mer.

En clair, en cas de signalements infondés, erronés ou nuisibles, des moyens humains et matériels peuvent être mobilisés à mauvais escient. Les conséquences sont multiples. Outre l’allongement des durées d’intervention, ce phénomène peut mettre en péril les personnes en réelle détresse puisque des ressources sont engagées ailleurs. Aussi, chaque intervention présente un risque pour les sauveteurs engagés. Qui plus est, cela accroît les coûts liés aux opérations impliquant des véhicules marins et aériens coûteux à opérer et à entretenir.

 « Nous nous sommes dit qu’il fallait détecter les fausses alertes en amont en utilisant les données disponibles et la plateforme SAS Viya », relate Allassane Mamane. « Cela permettrait au CROSS de gagner du temps, d’optimiser les déplacements et de se concentrer sur les opérations à risques réels ». Cela a donné naissance au projet Baywatch.

« Cela permettrait au CROSS de gagner du temps, d’optimiser les déplacements et de se concentrer sur les opérations à risques réels ».
Allassane MamanePractice Manager, AVISIA

Lors de l’Hackathon, les data scientists d’AVISIA ont conçu plusieurs modèles de machine learning (régression logistique, arbres de décision, random forest) et de deep learning (réseau de neurones) permettant de prédire les fausses alertes en se basant sur plusieurs critères.

« Par exemple, quelle était la météo au moment de l’alerte ? Quel était le moyen de communication utilisé pour la signaler ? À quel moment de l’année est-ce ? Quel est le type de flotteurs concernés (bateau, canot, planche à voile, etc.) ? », illustre le practice manager.

Ces facteurs sous-jacents ont été utilisés pour entraîner les modèles à identifier si oui ou non il y a une fausse alerte.

Pour ce faire, les data scientists d’AVISIA ont utilisé trois modules de la plateforme de SAS. Ils ont préparé, nettoyé et enrichi les données à l’aide de SAS Studio. « Nous avons dû créer de nouvelles variables binaires pour simplifier le fonctionnement de nos modèles », indique-t-il.

Les intervenants ont exploré les données avec SAS Visual Analytics. « C’est toujours bien de “sentir” ses données avant d’implémenter un quelconque modèle », recommande Allassane Mamane. C’est d’ailleurs par ce moyen que le taux élevé de fausses alertes a été identifié en première instance.

Puis, les data scientists ont utilisé Visual Data Mining and Machine Learning, VDMML pour les intimes. « C’est l’outil réservé à la modélisation en machine learning et à l’intelligence artificielle qui permet d’implémenter tous les modèles avancés, en tout cas les plus connus, et de pouvoir les comparer entre eux pour choisir le meilleur », explique le practice manager.

L’outil dispose de fonctionnalités de modélisation visuelle et d’autoML, mais il peut aussi être combiné avec des notebooks R ou Python pour des utilisateurs les plus avancés. Le modèle ayant obtenu les meilleurs résultats a été conservé.

AVISIA veut transformer l’essai auprès des CROSS

L’Hackathon d’une durée d’un mois n’a pas permis d’épuiser toutes les questions des data scientists d’AVISIA. « Nous souhaitons partager de manière un peu plus fine les résultats de nos analyses obtenus à partir des données ouvertes avec les responsables des CROSS », indique Allassane Mamane.

« Aussi, nous voulons travailler avec le CROSS sur un sujet concernant le bon déroulement des opérations de sauvetage », ajoute-t-il.

« Notre démarche a été saluée par un responsable du ministère de la Mer qui a promis de nous mettre en relation avec les bons interlocuteurs des CROSS ».
Allassane MamanePractice Manager, AVISIA

Selon le Practice Manager et les analyses d’AVISIA, les moyens engagés par les CROSS « ne sont pas forcément proportionnés à la réalité du terrain ». « Nous pouvons aussi travailler sur les moyens pour tenter de diminuer le nombre de blessés grâce au machine learning ».

Pour cela, les analystes d’AVISIA se penchent sur des méthodes de recommandation prescriptive à base de théorie des graphes ou encore d’optimisation stochastique.

L’hackathon étant terminé, le projet Baywatch est désormais internalisé pour tenter de le proposer aux CROSS et permettre aux équipes de data science d’AVISIA de poursuivre leur formation.

« Notre démarche a été saluée par un responsable du ministère de la Mer qui a promis de nous mettre en relation avec les bons interlocuteurs des CROSS », annonce Allassane Mamane. « Reste à savoir si les CROSS adopteront notre solution de détection des fausses alertes. Nous avons bon espoir au vu des retours et de l’intérêt public du projet ».

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