Sébastien Lefebvre, Mandriva : "certains éditeurs propriétaires sont en avance de phase"
Mandriva, éditeur de la distribution Linux éponyme bien connue sur le poste de travail, vient de lancer la version 1.2 de Pulse 2, son outil Open Source d’administration de parcs informatiques hétérogènes. L’occasion pour nous de revenir, avec Sébastien Lefebvre, directeur de la division produits et services entreprises de Mandriva, sur la légitimité de l’éditeur sur ce marché ainsi que sur les avantages et les limites, en l’état, de son offre.
Pourquoi, en tant qu’éditeur de distributeurs Linux, pour les particuliers et l’entreprise, vous être lancé dans le développement de votre propre solution d’administration de postes de travail ?
Sébastien Lefebvre : Quand on déploie des postes de travail Linux, on se rend compte très vite qu’il y a très peu d’outils pour déployer et maintenir des postes de travail en milieu hétérogène, de manière unifiée. Et c’est bien la réalité : les parcs sont hétérogènes. Dans de nombreux cas, on se retrouve à gérer d’un côté le parc Linux et, de l’autre, le parc Windows.
Tout le monde reconnaît la qualité des distributions Linux de Mandriva. Nous sommes capables, et nous l’avons prouvé, d’apporter des solutions pour gérer de grands parcs hétérogènes. Notre plus grand client dispose d’un parc de 80 000 machines ; nos solutions sont aussi utilisées pour des parcs de 18 000 machines, des ministères à 3 500 machines, etc.
Mandriva a racheté LinBox en mai 2007 pour, précisément, se développer sur l’administration des postes de travail. L’essentiel de notre savoir-faire en la matière est issu de ce rachat. A l’époque, Mandriva avait déjà lancé Pulse. Mais c’est bien la fusion entre les deux qui a permis à Mandriva de disposer d’une véritable expertise sur la gestion de parcs.
Comment Pulse 2 se différencie-t-il d’autres outils comparables ?
L’offre de Novell, avec ZenWorks, toutes proportions gardées, se positionne sur le même créneau. Mais notre solution est intégralement conforme à la licence GPL. Nous nous sommes positionné sur ce créneau il a plus d’un an et demi, pour poussés par notre vision du marché, vision construite au travers de notre prisme d’éditeur Linux. Et cette vision, c’est que les parcs sont hétérogènes. Et dans des proportions significatives. Avant, on pouvait se permettre de gérer les exceptions à la main. Aujourd’hui, le niveau d’hétérogénéité provoque une explosion des coûts, si l’exploitation n’est pas industrialisée.
Pulse va d’ailleurs assez loin et fonctionne aussi pour Mac OS X, ou encore pour des Unix propriétaires tels que Solaris, AIX ou encore HP-UX. Nous visons vraiment l’exhaustivité.
Tout de même, Pulse 2 n’est pas aussi complet que certains concurrents propriétaires…
En termes de maturité, nous avons quand même plusieurs années de recul. Pour le reste, notre modèle économique est différent de celui des solutions propriétaires. Leurs éditeurs ont l’habitude de gagner leur vie en vendant des licences assez chères. Aujourd’hui, ils sentent la pression de l’open source et s’orientent vers une approche métiers verticale. Ils sont capables d’être très pointus sur des métiers précis.
De notre côté, nous misons sur un panel de fonctions plus restreint mais capable de couvrir l’essentiel du besoin, pour une fraction du coût. La caricature de la complexité, ce sont les outils de gestion de parc de Microsoft, comme SMS, pour lesquels le cursus de formation est très lourd. Chez nous, la formation dure 3 jours.
Au final, l’effet est double : sur certaines problématiques, nous sommes moins pertinent que certaines solutions propriétaires. Mais la simplicité d’utilisation et d’appropriation permet à nos interlocuteurs… de répondre à leur simple et premier problème à moindre coût : l’hétérogénéité. Et c’est là que sont nos clients.
Mais qu’en est-il de la capacité de Pulse 2 à s’intégrer avec d’autres outils, y compris propriétaires ?
C’est la grande force de l’open source et de Pulse 2 : la capacité d’intégration. Intrinsèquement, nous avons fait le choix des standards et de l’interopérabilité. Pulse s’intègre très bien dans un système d’information pré-existant avec, par exemple, des domaines Active Directory : on récupère les données dans Pulse qui a sa propre base d’annuaire, et on synchronise. Nous proposons un connecteur pour l’outil de gestion d’actifs GLPi. GLPi dispose d’une définition de l’organisation par entités. On peut utiliser ce référentiel pour que, lorsqu’il se connecte dans Pulse, un exploitant local ne voie que les machines qui relèvent de sa responsabilité.
Plus généralement, nous fournissons une API de haut niveau qui permet d’interagir avec Pulse au niveau programmatique, sans passer par son interface Web. Cela permet notamment son intégration dans un workflow. Et puis il est possible de solliciter Pulse 2 en Services Web, via XML-RPC.
Pulse 2 support Windows, des distributions Linux et même des Unix. Quid de Mac OS X ?
Sur un Mac, on sait déployer les correctifs et les applications. Nos choix technologiques permettent de réaliser les mêmes opérations que lorsque l’on est physiquement administrateur devant la machine : on utilise une connexion SSH. Sur Windows, nous avons packagé un agent OpenSSH industrialisé à partir de CygWin. SSH figure d’ailleurs aussi sur notre feuille de route pour la gestion d’éléments d’infrastructure, d’ici la fin 2009. C’est ça notre modèle : nous développons des fonctionnalités supplémentaires à mesure que la demande de nos clients se renforce ou bien, spécifiquement, en réponse à une commande financée par un client spécifique.
A l’heure où ma virtualisation du poste de travail promet de développer, Pulse 2 est-il prêt pour cette nouvelle échéance ?
Nous savons gérer une machine virtuelle comme l’on gère une machine physique. Les applications virtuelles, c’est un sujet que l’on commence à regarder. On regarde par exemple ce que fait Thinstall qui vient d’être racheté par VMware. La question nous est clairement posée de manière régulière. Mais le marché n’est pas encore mûr. Du moins de notre point de vue. Certains éditeurs propriétaires sont très avancés, voire en avance de phase. Vous savez, à moins de mille postes, nombre d’entreprises font encore leur inventaire sur une feuille Excel. Il va encore s’écouler beaucoup de temps avant que des choses comme la télédistribution ne s’étendent.