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IA : comment les marketeurs peuvent s’adapter aux changements de leurs métiers ?

L’Intelligence artificielle a déjà changé le marketing. Avec l’IA générative, le mouvement va s’amplifier. Le fondateur du Marketing AI Institute partage des pistes pour aider les marketeurs à se préparer à ces profondes évolutions à venir de leur profession.

Comment la montée en puissance de l’Intelligence artificielle et l’arrivée de nouveaux outils comme ChatGPT vont-ils faire évoluer le marketing ? Quelles sont les limites de ces outils puissants ? Que pourra faire l’IA, et que ne fera-t-elle pas ?

Et surtout, pourquoi les spécialistes du marketing vont-ils devoir gagner en compétences pour rester pertinent ? Et comment peuvent-ils le faire ?

Autant de questions auxquelles Paul Roetzer, co-auteur de Marketing Artificial Intelligence et fondateur du Marketing AI Institute, répond dans cet entretien.

LeMagIT : Pourquoi l’IA est-elle importante pour les marketeur et le marketing digital ?

Paul Roetzer : Parce qu’elle est présente depuis plusieurs années dans nos vies de clients de tous les jours. Par exemple, Netflix apprend vos préférences pour vous recommander des films. Spotify vous propose des chansons à écouter. Amazon prédit ce que vous allez acheter. Quant aux outils de générations de contenus (comme ChatGPT ou Jasper.ai) et les technologies sur lesquelles ils s’appuient, ils montaient en puissance petit à petit. Mais c’est vraiment cette année que l’Intelligence artificielle semble avoir changé de dimension. Et cela va tout changer.

De quelle manière ?

Paul Roetzer : Les professionnels du marketing sont des « travailleurs du savoir ». Nous réfléchissons et nous créons pour gagner notre vie. À mon avis, il faut donc avoir en tête quatre facteurs pour déterminer si et comment l’IA peut nous aider dans notre travail : il faut se demander si chaque tâche est « data driven », prédictive, répétitive ou « générative ».

« Au moins 80 % de ce que les marketeurs font pourra être automatisé – ou amélioré – avec de l’IA. »
Paul Roetzer

Par exemple, pour envoyer un mailing, vous devez décider de la liste sur laquelle l’envoyer, de l’objet du mail, et du moment de l’envoi. Ce sont des décisions « data driven ».

Une décision prédictive consistera à s’appuyer sur les performances passées pour décider d’une action future. Vous essayerez par exemple de prédire quand quelqu’un ouvrira l’e-mail et ce qu’il fera en réaction.

La partie répétitive parle d’elle-même. C’est faire et refaire le même processus à chaque fois (comme l’envoi de l’e-mail). Enfin, la partie générative est celle qui consiste à créer une image, des éléments de langage, une vidéo, de l’audio ou encore à écrire du code.

L’IA est adaptée pour accomplir – ou aider à accomplir – ces quatre types de tâches. Or quand on regarde bien, une grande partie du travail du marketing entre de ces catégories. J’ai coutume de dire qu’au moins 80 % de ce que les marketeurs font chaque jour pourra être automatisé – ou en tout cas amélioré – avec de l’IA.

Mais toute technologie a des limites. Quelles sont celles de l’IA appliqué au marketing ?

Paul Roetzer : Aussi impressionnante et prometteuse que soit l’IA, son développement n’en est qu’à ses débuts.

Photo de Paul RoetzerPaul Roetzer,
fondateur du
Marketing AI Institute

Prenez l’IA générative et les outils d’écriture. Ils font de nombreuses erreurs. Ils inventent des informations et font des « hallucinations » sur les noms, les dates, les lieux et même les citations.

Les taux d’erreur peuvent être élevés. Cela ne retire rien au fait que l’IA générative est un outil extrêmement puissant, mais ces erreurs sont, à l’heure actuelle, une limite forte.

Dans certaines entreprises, il se peut même que cette limite fasse que vous n’ayez pas le droit d’utiliser ces outils (par exemple dans certains services financiers, la santé ou des cabinets d’avocats).

Prenons le côté positif des choses. Comment pensez-vous que les métiers du marketing vont évoluer et tirer parti de l’IA ?

Paul Roetzer : Je pense qu’il y aura une augmentation significative de la productivité. Plus de travail pourra être fait dans le même laps de temps, voire en moins de temps. Résultat, certaines carrières dans le marketing vont devenir « très IA ». Et certains postes vont profondément évoluer.

« Il va falloir repenser les carrières marketing. […] À mon avis, de nouveaux postes, inconnus à ce jour, vont apparaître d’ici deux ans. »
Paul Roetzer

Je ne crois pas que l’IA va créer du chômage, mais je pense qu’il y aura une redistribution du temps et des ressources. Par exemple, je l’utilise pour l’idéation et résumer des éléments – comme des articles scientifiques sur l’IA. Ces documents sont très denses, et le fait d’avoir une idée des points principaux m’aide à choisir quel article lire ou quelles parties lire dans quels articles. C’est un gros gain de temps.

Prenons le côté négatif à présent. Vous pensez que l’IA n’amènera pas à réduire les effectifs marketing. Mais n’a-t-elle pas tout de même le potentiel de remplacer certains spécialistes ?

Paul Roetzer : J’aimerais vous dire que non. Mais, si, effectivement, elle le fera dans une certaine mesure.

Il va de toute façon falloir repenser les carrières marketing. Et le faire en n’oubliant pas que l’IA va aussi créer de nouveaux emplois. À mon avis, de nouveaux postes, inconnus à ce jour, vont apparaître d’ici un an ou deux.

J’espère donc que les entreprises et leurs dirigeants regarderont comment utiliser l’IA dans l’optique améliorer leurs processus et leurs workloads, et pas dans l’optique de remplacer les gens.

Face à l’évolution des métiers du marketing que vous décrivez, que peuvent faire les marketeurs aujourd’hui pour rester « pertinents » ? Quelles compétences doivent-ils acquérir ?

Paul Roetzer : D’abord, je continue à penser que les professionnels du marketing doivent être des créatifs, avoir une pensée critique et disposer des compétences rédactionnelles.

« Je continue à penser que les marketeurs doivent être créatifs, avoir une pensée critique et des compétences rédactionnelles. »
Paul Roetzer

C’était vrai hier, cela continuera demain. La plupart des résultats d’une IA générative doivent être édités ou relus par une personne. Il est préférable de ne pas se fier uniquement à l’IA pour les raisons que nous avons évoquées (imprécision, erreur, etc.), mais aussi parce que l’IA n’est pas « créative » ou « imaginative » comme le sont les humains.

Le marketing aura toujours besoin de cette touche d’imagination et de conseils pour construire sur le contenu généré.

Autre point, la manière de formuler des prompts influence beaucoup les résultats de l’IA. Là aussi, il y aura besoin d’imagination et de conseils. C’est tout un art et toute une science de faire des prompts.

Les marketeurs vont donc devoir s’adapter et se former à l’IA. Quels conseils concrets leur donnez-vous pour commencer à le faire ?

Paul Roetzer : Tout d’abord, il faut bien comprendre le sujet. Vous pouvez suivre un cours en ligne, lire des livres ou écouter un podcast.

« La compétence [en IA] vient de l’expérience. »
Paul Roetzer

Ensuite, la compétence vient de l’expérience. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il faut essayer.

Si vous êtes rédacteur ou rédactrice, le mieux est de jouer avec trois ou quatre outils d’écriture. Donnez-leur les mêmes prompts et regardez ce qui se passe. Expérimentez par vous-même, regardez comment ces outils fonctionnent, et voyez ensuite comment vous pourriez les intégrer à vos workflows.

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