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Industrie du futur : rêve ou réalité ?
Le terme d’Industrie du Futur recouvre des réalités très différentes selon les entreprises. Il ne s’agit pas d’une refonte radicale de l’outil de production, mais plutôt d’une démarche de transformation progressive passant par l’adaptation de l’organisation et de son modèle économique.
L’évolution des technologies numériques, associée à une recherche constante d’optimisation et d’innovation pour rester compétitif, amène les industriels à imaginer des nouvelles méthodes de production.
En 2011, le concept d’industrie 4.0 est évoqué pour la première fois. Il permet de désigner les nouvelles technologies industrielles qui émergent, ainsi que leurs interconnexions (cobots, fabrication additive, IoT, Intelligence Artificielle, Big Data, Jumeaux numériques, réalité virtuelle et augmentée).
En 2015, une étude de la place de l’industrie française dans le monde fait ressortir un retard en termes d’équipements et d’intégration des technologies du numérique. Pour combler ce retard, le programme national « Industrie du Futur » est lancé. Son but est de permettre aux entreprises françaises de gagner en compétitivité et se replacer dans la concurrence mondiale.
La notion d’industrie du futur va plus loin que l’industrie 4.0 en accordant plus d’importance aux processus de transformation. En effet, l’industriel va se focaliser sur l’utilité et la façon d’intégrer les technologies au sein de l’usine, dans laquelle l’humain reste l’élément central.
Une approche qui paraît difficile à mettre en œuvre
Depuis le début des années 2000, l’industrie française souffre d’une image ternie. En effet, elle est perçue comme un secteur vieillissant, au sein duquel les perspectives de carrière sont minces. Par ailleurs, les territoires ont souffert de la désindustrialisation, entraînant une baisse de l’attractivité d’industries qui se situent majoritairement loin des grandes villes et qui ont donc des difficultés à recruter.
Or, en 2018, Alexandre Rigal, directeur général délégué de l’école d’ingénieur Arts et Métiers ParisTech estime que « l’industrie souffre auprès des jeunes de l’image d’un secteur qui pollue, qui licencie, alors qu’elle n’a jamais été aussi propre et qu’elle n’a jamais eu autant besoin de jeunes qu’aujourd’hui ».
Ainsi, pour les autorités françaises, l’Industrie du Futur est un moyen de réindustrialiser le pays et de rendre plus attractif le secteur. Et pour les entreprises de gagner en compétitivité face à la concurrence de pays à bas coûts de salaires.
Dans l’esprit collectif, l’industrie du futur, c’est une usine 100 % automatisée : on y retrouve des chaînes de production robotisées, des intelligences artificielles qui sont capables de gérer et d’optimiser la production, des véhicules à guidage automatique (AGV) pour gérer l’approvisionnement, ou encore des casques de réalité augmentée pour la maintenance.
Les industriels voient alors l’industrie du futur comme un chantier technologique complexe alors qu’en réalité, et selon la définition de la BPI, elle regroupe d’autres notions qui peuvent être actionnées indépendamment :
- la digitalisation de l’industrie permettant le pilotage de la production par des flux d’information ;
- la modernisation de l’outil productif français ;
- une invitation à la stratégie et à repenser son business model ;
- des briques technologiques permettant d’accroître la productivité, la sécurité, la traçabilité, la qualité des biens et des processus ;
- une transformation de l’organisation des entreprises et une mutation sociale à gérer ;
- une opportunité pour la France de se replacer dans la compétition mondiale ;
- l’objectif d’une production personnalisée au coût de la production de masse.
On passe donc d’une industrie 4.0 axée sur la technologie à une notion d’industrie du futur plus large et qui englobe des aspects d’organisation et de business model.
Des exemples d’entreprises labellisées Industrie du Futur
Prenons pour exemple une start-up, une PMI et une ETI vitrines de l’Industrie du Futur. Ce sont des entreprises labellisées par l’Alliance Industrie du Futur pour la réalisation d’un projet de transformation emblématique dans l’organisation de leur production. Cela passe par le numérique et le plus souvent, en plaçant l’Homme au cœur de la transformation.
La start-up Dagoma produit et commercialise des imprimantes 3D et les solutions logicielles associées. Cette entreprise est considérée comme faisant partie de l’Industrie du Futur pour son modèle d’innovation et de commercialisation de rupture. En effet, le développement des machines se fait par la communauté des clients, qui deviennent alors des partenaires. Ainsi, grâce à son fonctionnement collaboratif, Dagoma fidélise ses clients, innove de façon continue à moindre coût, partage la valeur créée au sein de son écosystème et permet à chacun d’être acteur d’une consommation locale.
Les Fonderies de Sougland est l’une des plus anciennes entreprises industrielles française, européenne et mondiale. L’entreprise a repensé son offre et fait évoluer son business model, pour créer un service R&D qui offre à ses clients une opportunité unique d’apporter des solutions à leurs besoins. Ils ont investi dans un logiciel de simulation et interviennent en co-design et co-conception de pièces pour les faire évoluer, permettant d’optimiser les coûts et les délais de fabrication. Selon Yves Noirot, le directeur général, « faire évoluer une très ancienne entreprise industrielle vers l’usine du futur est la preuve qu’avec un projet volontariste mené de façon intégrée et dans un système adaptatif, toute entreprise industrielle peut se transformer et pleinement incorporer les nouvelles technologies du XXIe siècle ».
Latécoère est un groupe international partenaire des grands avionneurs mondiaux. Le site de Montredon (Toulouse) est un exemple de site Industrie du Futur par l’utilisation d’un jumeau numérique qui a permis d’optimiser les processus et les flux avant sa mise en service. Le projet a nécessité une refonte de l’organisation industrielle et des méthodes de travail, afin d’assurer la continuité digitale et la bonne communication entre opérateurs, solutions RFID, IoT, robots et machines automatisées. Selon Serge Berenger, directeur innovation du groupe, « la maquette numérique de l’usine de Toulouse permet à tous les acteurs du projet d’interagir et collaborer pour concevoir, simuler, opérer et optimiser ses opérations industrielles ».
Ainsi, le terme d’Industrie du Futur recouvre des réalités très diverses selon le type d’entreprise. Il ne s’agit pas d’une refonte radicale de l’outil de production, mais plutôt d’une démarche de transformation progressive passant par l’adaptation des organisations et du business model.
Les nouvelles technologies interviennent alors pour répondre aux besoins et aux enjeux spécifiques de chacun. Pour les accompagner dans cette transformation, les industriels peuvent s’appuyer sur un écosystème important de start-ups et de grands groupes français qui produisent et maintiennent les solutions de l’industrie du futur. Nous y retrouvons Dassault Système, Fives ou OVH, mais aussi des start-ups comme Exotec, FieldBox ou bien Toucan Toco.