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SCADA/EMS : un futur sous surveillance

Les systèmes autonomes de télégestion de l’énergie sont appelés à revêtir une importance toujours croissante. Mais, notamment compte tenu de l’intelligence qu’ils embarquent déjà, la cybersécurité s’avère là particulièrement critique.

La quantité totale d’électricité et de gaz circulant dans les réseaux va augmenter de 50 % d’ici 2050. De ce fait, des investissements importants pour maintenir et agrandir les réseaux vont être nécessaires si nous voulons réussir à contrôler l’augmentation d’une production de plus en plus décentralisée et intermittente.

En parallèle, le développement des Smart Cities oblige une modernisation des infrastructures des réseaux d’électricité, d’eau, de gaz et de transport, dans le but d’y intégrer de nouvelles technologies de télégestion et de contrôle à distance, les SCADA/EMS. Mais alors que cette transformation numérique au sein des réseaux est d’ores et déjà bien entamée, l’ombre des cyberattaques vient aujourd’hui la menacer.

Les SCADA/EMS : des systèmes automatisés de télégestion au service des réseaux intelligents

Supervisory Control And Data Acquisition, Energy Management Systems… on retrouve derrière ces acronymes anglais des systèmes autonomes de télégestion présents tout au long de la chaîne de valeur des réseaux d’énergie et « utilities ». Les logiciels des SCADA/EMS modélisent ces réseaux à travers une IHM, en étant alimentés en temps réel par une multitude de composants communicants présents sur les infrastructures physiques. Il est alors possible d’intervenir à distance, depuis une salle de contrôle, sur les réseaux que ces systèmes supervisent.

Notons par ailleurs la différence entre SCADA, qui fait référence à la partie supervision et contrôle du réseau, et EMS qui va désigner les fonctions d’optimisation des données récoltées, et d’analyse de sécurité. Vieux de 50 ans, ces systèmes ont à l’époque été conçus pour répondre à des enjeux de sécurité industrielle, puis sont aujourd’hui devenus indispensables dans la gestion et la répartition, appelées également « dispatching », de l’électricité, du gaz, et de l’eau. Les distributeurs vont jusqu’à proposer aux producteurs de téléopérer leur système de production, voire même de s’occuper intégralement de réseaux îlotés.

Des systèmes télé-opérés tout au long de la chaîne de valeur du réseau électrique.

SCADA/EMS ou Smart Grids ? L’objectif des Smart Grids – ou réseaux intelligents – est d’utiliser la technologie pour améliorer la gestion du réseau. Par essence, les SCADA/EMS font donc partie intégrante de l’objectif global « Smart Grids » et représentent une brique essentielle pour l’exploitation et la valorisation des données collectées et communiquées par ces réseaux.

Une flexibilité qui contribue à l’insertion des ENR et à l’essor des nouveaux usages

Aujourd’hui, la tendance va clairement à la décentralisation de la production. Cette décentralisation nécessite la maîtrise locale d’une production d’énergie renouvelable intermittente en forte croissance, et entraîne inévitablement un besoin de fiabilité et de flexibilité des réseaux au sein desquels les SCADA/EMS prennent toute leur importance. Ces derniers offrent des prédictions de production plus fiables grâce à une modélisation des données du réseau en temps réel, permettant ainsi d’optimiser la distribution. Cette maîtrise des productions décentralisées permet aussi aux SCADA/EMS de superviser l’inversion nouvelle du transit énergétique du réseau de distribution vers celui de transport. Cela profite notamment à l’autoconsommation, en contrôlant l’injection sur le réseau de la production photovoltaïque et éolienne des consommateurs.

Par ailleurs, cette télégestion intelligente du réseau contribue à l’émergence de nouveaux usages. Par exemple, l’essor des voitures électriques engendre un besoin nouveau de raccordement sur les réseaux. Les fonctions de simulation et d’optimisation des SCADA/EMS vont permettre à la voiture de restituer une partie de l’électricité stockée dans ses batteries – Vehicle-to-grid – ou recharger ses batteries – Smart Charging – au moment le plus opportun compte tenu de l’état en temps réel du réseau électrique. Cela permet en somme d’optimiser intelligemment son fonctionnement local.

Dès lors, ces nouveaux usages font des SCADA/EMS un élément clé dans la décentralisation et la gestion des nouveaux réseaux d’électricité, mais aussi de gaz. Les réseaux de gaz profitent aujourd’hui des modélisations de données et des tests de sécurité fournis par les SCADA/EMS, afin de développer la production et l’injection locales de biométhane sur le réseau de gaz naturel ; en témoigne le projet Méthanisation lancé par GRDF visant à avoir 10 % de gaz renouvelable dans les réseaux d’ici 2030.

Qui dit numérique, dit cybersécurité !

L’intelligence artificielle opère déjà au sein des outils EMS afin de simuler et apprendre à identifier des défauts sur les infrastructures du réseau, et prévenir ainsi les risques de pannes et de sécurité. De plus, le développement du Big Data va profiter dans les années à venir aux SCADA pour traiter et valoriser une quantité exponentielle de données collectées. De ce fait, la perspective d’un futur composé de réseaux entièrement connectés et télégérés de manière autonome et intelligente semble promise, mais à quel prix ? L’explosion des cas de cyberattaques visant les entreprises du secteur énergétique menace gravement cette transformation numérique des réseaux. RTE, chez qui l’enjeu SCADA est central de par son rôle de dispatcher, subit, à titre d’exemple, plus de 4 300 attaques par mois !

En effet, les SCADA/EMS exploitent des centaines de milliers de points de données issus des infrastructures connectées du réseau, et sont ainsi particulièrement sujets aux cyberattaques. Leurs logiciels permettant en plus d’intervenir à distance sur ces infrastructures, le risque est réel : les coûts résultants de telles attaques peuvent être trois fois supérieurs à ceux engendrés par les catastrophes naturelles. Ils nécessitent donc une sécurisation totale, incluant aussi la sécurisation physique des instruments connectés des Smart Grids qui communiquent avec eux.

Des systèmes de surveillance au futur surveillé

La digitalisation du secteur de l’énergie oblige aujourd’hui les directions des systèmes d’information de ce secteur particulièrement sensible à investir massivement dans la cybersécurité. Ces coûts importants viennent s’ajouter à l’exploitation des Smart Grids et au déploiement, maintien et pilotage des systèmes SCADA/EMS qui sont déjà onéreux. Mais a fortiori, au vu des enjeux liés aux nouveaux usages et à une transition énergétique devenue urgente, cela est et restera le prix juste à payer pour garantir la pérennité et la sécurité des réseaux intelligents de demain.

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