Mobilité : les solutions d’entreprises sur la voie de « l’applification »

Aujourd’hui, même les solutions d’entreprises les plus complexes se déclinent en « apps » . Good Technology constate « un point d’inflexion » dans le nombre de ces applications mobiles crées par les entreprises et dans la nature des outils portés sur tablettes et smartphones.

C’est ce que certains appellent « l’applification ». Autrement dit, la transformation de services web et de logiciels en « apps » pour les rendre compatibles avec les appareils nomades (tablettes et smartphones). Ce mouvement d’ampleur, issu du grand public, a eu ces trois dernières années des répercussions importantes sur les applications métiers.

Les suites - souvent complexes puisque répondant à des besoins eux-mêmes complexes - ont dû être repensées pour devenir plus intuitives et plus synthétiques dans la manière de donner des informations.

Résultat, ces suites logicielles complètes (BI, CRM, HR, etc.) se sont déclinées au fil des mois en plusieurs « petites » applications, chacune répondant à un besoin précis et spécifique (note de frais, facturation, etc.). Avec, à la clef, des problématiques de sécurité – des informations sensibles transitent par internet et sont stockées sur des appareils hors des murs de la société - et de choix stratégiques de développements liés aux équipements des entreprises (application native vs application portée, seulement pour iOS et Android ou aussi pour Windows 8 / Windows Phone 8 et BlackBerry 10, etc.).

Deux tiers des entreprises prévoient de rendre mobiles au moins cinq de leurs applications en 2014

Selon un spécialiste du secteur, Good Technology, les activations d'applications d'entreprise ont connu un boom au quatrième trimestre 2013 (+54 %). « Un résultat sans précédent […] sous l'impulsion des sociétés cherchant à augmenter la collaboration, la productivité et l'engagement de leurs employés. » Une autre étude, citée par Good Technology, avance que près de deux tiers des entreprises interrogées prévoient de rendre mobiles au moins cinq de leurs logiciels en 2014.

« Ce n’est pas une mode mais une évolution naturelle et prévisible que nous présagions depuis plusieurs années, nous explique Florian Bienvenu, VP Europe du Sud et Europe Centrale au sein de Good Technology. L’utilisation intensive des smartphones et tablettes par les particuliers qui ont importé ces terminaux mobiles dans l’entreprise avec l’utilisation de leurs applications personnelles à des fins professionnelles sont à l’origine de ce mouvement. »

Pour lui, cet essor est aussi lié à une prise de conscience des entreprises. « Elles ont compris que la mobilité est un moyen important d’attirer de nouveaux talents et de retenir les meilleurs. Mais elles ont surtout réalisé que leur stratégie autour de la mobilité peut permettre d’atteindre leurs objectifs stratégiques : meilleure efficacité, meilleure relation client, meilleure réactivité que ce soit pour capter de nouveaux clients ou marchés, ou pour accélérer leurs cycles de vente. »

Des apps « collaboratives » qui s’étendent à la BI, au CRM et aux solutions de plus en plus poussées

Pour l’instant, ces applications concernent majoritairement « la collaboration ». Partage et stockage de documents, accès au SI à distance, mails, traitement de texte, gestion des contacts et des présences représenteraient les deux tiers des activations. « Il faut raisonner processus métier avant de raisonner applications, analyse Florian Bienvenu. Dès que le processus intègre de la collaboration sur des documents, envisager une digitalisation du processus sur tablette fait du sens. » Mais l’expert s’empresse d’ajouter un bémol : « cela fait du sens si et seulement si les données sont sécurisées et encryptées, au niveau de l‘application mais surtout lorsque la donnée est en transit entre plusieurs applications ».

Sur la nature des solutions touchées par « l ’applification », là encore, « un point d’inflexion » semble être atteint. Les solutions plus avancées comme les applications internes de Business Intelligence commencent elles-aussi à être concernées.

« Les entreprises commencent par l'utilisation d'applications mobiles pour répondre à des tâches fondamentales […] mais elles souhaitent à présent développer des apps permettant notamment de nouveaux processus », écrit  Good Technology dans son rapport (pdf) réalisé auprès de 5 000 de ses clients dans le monde.

« La BI, le CRM et toutes applications destinées à la relation employeur/employés (RH/Expenses) ou client/fournisseurs & agents revendeurs (CRM/BPM/Supply Chain) sont évidemment les premières applications concernées, confirme le VP Europe du Sud et Europe Centrale. En général, je crois que ce sont les applications front-office qui sont concernées en premier. Mais cela n’exclut pas pour autant le back office (ERP). » Avec des limites supplémentaires néanmoins, là encore liées à la sécurité et à la haute criticité des données concernées.

Un défi compliqué mais pas insurmontable, à condition de respecter les bonnes règles

Reste que transformer des solutions "maisons" complexes, nécessairement riches en fonctionnalités, pour en faire des apps, nécessairement simples et intuitives, peut se révéler un défi compliqué.

Voire insurmontable ? « Non, le défi n’est pas insurmontable », répond Florian Bienvenu. A condition de respecter quelques règles.

« L’expérience a montré que de fournir des applicatifs front office (CRM/SCM/BI…) avec 100% des fonctionnalités idéales ne marche pas. Cela rend les applications moins lisibles et les utilisateurs ne les adoptent pas. » Au contraire, pour réussir une bonne « app », une approche plus agile serait recommandée. « Il est nécessaire de pouvoir faire évoluer les processus métiers et donc le périmètre applicatif rapidement. Il vaut mieux fournir rapidement une application qui couvre 70% du périmètre mais qui sera adoptée par tous …et fournir ensuite des fonctionnalités plébiscitées par les utilisateurs en approche « time box ». Par exemple, ajouter une fonctionnalité qui sera livrée en 30 jours et sur laquelle l’entreprise communiquera pour la gestion du changement ».

Autre bonne pratique : impliquer les utilisateurs finaux et les départements métiers pour identifier les cas utilisateurs les plus urgents. « Ils ont un impact fort et rapide sur la performance de l‘entreprise. Ce sont les quicks wins qui sont primordiaux. » Ceci en ayant validé en amont qu’une stratégie de mobilité est pertinente, première étape indispensable à ce type de projet.

Enfin, mais fondamental, la prise en compte de la sécurité doit être une priorité pour ne pas mettre en péril l’entreprise. « La sécurisation et le chiffrement de bout en bout de la donnée sont primordiaux, il faut respecter les guides d’hygiène des agences de sécurité informatiques nationales…Nombreux sont les fournisseurs qui clament apporter une solution de sécurité mais qui finalement ont des solutions qui reposent sur des protocoles peu ou pas sécurisés, ne déclarent aucune cryptographie (car ils n’en ont pas) et qui par ailleurs évitent de dire que leur solution contrôle le terminal et les applications installées au détriment des règles élémentaires du respect des données privées de l’utilisateur. C’est un combat de tous les jours. »

Ceci dit, sur ce point de la sécurité, Florian Bienvenu relève que la problématique n’a rien de nouveau et qu’elle dépasse largement l’applification. Mauvaise gouvernance des données, applications non vérifiées par la DSI, pertes ou vols existent déjà. « Il vaut donc mieux gérer les comportements et non les terminaux », invite-t-il. Même si, bien sûr, les autres dimensions de la sécurité, y compris techniques, ne doivent pas pour autant être sous-estimée. « La sécurité n’est pas antinomique de valeur métier additionnelle, bien au contraire. Les directeurs informatiques et de sécurité informatique sont plus que jamais au cœur de la discussion autour de la stratégie d’entreprise et des nouvelles opportunités de valeur qu’ils peuvent proposer au métier », conclut-il.

SAP, Oracle, Microsoft, MicroStrategy : les éditeurs traditionnels ne sont pas en reste

Face à la demande grandissante pour des apps plus simples et plus intuitives, les acteurs traditionnels des solutions d’entreprises ne sont pas en reste. Que ce soit pour adapter leurs offres existantes ou pour en proposer de nouvelles.

La « mobilité » est par exemple un des trois piliers de la diversification de SAP (avec le Cloud et HANA). A tel point que l’éditeur allemand a ouvert un « SAP Store » sur le modèle de la galerie d’Apple et revendique une place de « leader du marché de la Business Intelligence mobile ». Son grand concurrent, Oracle, a lui aussi mis les apps au cœur de la présentation du Oracle Cloud qui s’est tenu le mois dernier à Paris, avec des démonstrations sur iPad de Oracle Sales et d’une solution de management d’équipe (HCM).

Plus aucune solution du marché professionnel ne semble sortir sans ses pendants nomades. Dernier exemple en date, Power BI de Microsoft propose des apps natives pour iOS, Android et Windows 8. Quant à MicroStrategy, l’éditeur spécialisé dans la BI qui revendique lui aussi une place de numéro 1 dans la BI mobile, il a annoncé, en plus de nouvelles applications pour consulter des rapports sur tablettes, une appli mobile pour prototyper… des applis mobiles.

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