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Connect+ : la France se voit en précurseur des objets connectés industriels

Lors de sa grand-messe, le Centre National du RFID - qui fédère les acteurs français des objets connectés et met au point des normes pour l'IoT - s’est présenté comme un précurseur européen. Son centre d’études (Connectwave) regorge par ailleurs d’idées.

La France serait bien partie pour être la championne des objets connectés, mais pas du tout grâce aux bracelets, pèse-personnes et autres gadgets reliés à un smartphone. Selon Daniel Nabet, président du Centre National du RFID créé en 2008, c’est dans le domaine industriel que notre pays afficherait sa supériorité, tant au niveau technologique qu’à celui des infrastructures commerciales.

« Aucun autre état européen n’a un spectre aussi large que le nôtre en matière d’objets connectés », affirme-t-il, en faisant référence, aux réseaux sans fil basse consommation Sigfox et LoRa mis au point par des français, à Décathlon et à son record mondial de 700 millions d’étiquettes RFID brassées par an, et au CNRFID lui-même qui incarne - sous l’égide de l’Etat - l’autorité en charge de fédérer les projets et dont il n’existe aucun équivalent ailleurs.

« Il y a l’enjeu de mettre des objets connectés dans les processus des industriels du transport, du manufacturing ou de la distribution pour faire évoluer radicalement leur façon d’exercer leur activité. Pour ce faire, nous promouvons les solutions, nous mettons en relation les entreprises avec plus de 150 prestataires spécialisés et, depuis 2015, nous validons les projets dans nos centres d’usages et d’expérimentation Connectwave. Cette coagulation de l’industrie de l’Internet des Objets (IoT) est unique en Europe et le marché, en France, pèse déjà 100 M€. Et nous comptons désormais faire de la France l’avant-garde des prochaines législations européennes en créant un référentiel de l’IoT. Celui-ci servira de norme pour les obligations des entreprises de l’UE vis-à-vis de leurs clients, mais aussi, je l’espère, à définir la manière d’utiliser les données remontées par les objets connectés et celle d’assurer leur traçabilité, leur intégrité, leur sécurité », a ainsi confié Daniel Nabet au MagIT lors du récent salon parisien Connect+.

ITDGO, le programme industriel qui a déjà séduit Airbus et Air France-KLM

Le CNRFID appuie ses ambitions sur le succès d’ITGDO, un programme industriel qu’il a monté de toutes pièces, en levant 8 millions d’euros auprès de la BPI, pour agréger les projets d’IoT dédiés aux secteurs de l’aéronautique et de l’aérospatiale.

Il en est sorti un système d’étiquetage RFID normalisé qu’Airbus, Air France ainsi que leurs sous-traitants utilisent pour suivre le transport de leurs pièces et l’utilisation de leurs équipements de maintenance.

« Ce projet nous permet d’abord d’accélérer l’inventaire de gilets de sauvetage, des bouteilles d’oxygène et des autres extincteurs en cabine afin d’immobiliser moins longtemps un avion lors d’une escale. Il nous sert aussi à suivre nos outillages pour savoir comment ils sont employés. Nous pouvons ainsi échafauder une normalisation de l’utilisation de nos équipements, afin d’optimiser nos investissements », témoigne Dominique Radonde, architecte RFID & NFC chez Air France-KLM, dans Connect+ Mag, un support de communication édité par le CNRFID.

Dominique Radonde indique travailler sur de tels projets depuis 10 ans. Mais il se félicite de les avoir concrétisés au sein d’ITGDO, car il a ainsi pu y inclure l’aspect réglementaire, la normalisation des données, l’interopérabilité et l’interfaçage avec le SId’Air France-KLM.

Il entend poursuivre sa collaboration au programme du CNRFID : « il y a un vrai besoin de mettre des objets connectés à bord des avions, mais la réglementation est encore assez floue concernant le fait d’embarquer des équipements qui émettent des fréquences. Nous avons donc besoin de nous appuyer sur des organismes régulateurs qui font les tests puis les homologations. Il s’agit d’indiquer aux partenaires quels standard respecter : il ne faudrait pas que 50 valises connectées empêchent un avion de voler », écrit-il.

Florent Haddad, directeur du développement commercial d’Intespace, n’est pas encore client mais s’intéresse de très près aux possibilités de la RFID. « Notre activité consiste à tester les satellites avant leur envoi dans l’espace en fixant dessus des capteurs qui mesurent leur résistance à la température et aux vibrations. Notre problème est que des opérateurs notifient sur une feuille Excel des successions d’identifiants alphanumériques (des ‘tables d’instrumentalisation’) pour savoir quels emplacements du satellite sont surveillés par quels capteurs, reliés à quels câbles, branchés sur quels connecteurs de notre baie de monitoring. Ce travail est nécessaire pour savoir à quelle partie du satellite correspond au final tel relevé. Mais il est fastidieux, source d’erreurs et mobilise deux opérateurs pendant une semaine ! Et une fois les tests réalisés, il faut encore refaire l’inventaire des capteurs et des câbles qu’on nous retourne en vrac dans un sac ! Nous cherchons un système à base d’étiquetage RFID qui nous permette d’automatiser toutes ces saisies », raconte-t-il au MagIT.

RFID, d’abord une étiquette mieux sécurisée que le QR Code

Le domaine des objets connectés industriels se décompose en plusieurs technologies. Coûtant quelques centimes, l’étiquette RFID est l’équivalent électromagnétique du QR-Code.

« L’étiquetage RFID s’impose de plus en plus en remplacement du QR-Code car il est plus sécurisé. Songez par exemple qu’il suffit de prendre en photo le QR-Code d’un badge visiteur pour s’identifier à sa place à chaque portique de sécurité. Ensuite, quand les entreprises ont adopté ce système, elles passent naturellement à l’identification de marchandise sans déballage, puisqu’une étiquette RFID se lit sans contact, avec des ondes radio », explique Nicolas de Guillebon, directeur de programme au CNRFID.

Outre la grande distribution, le RFID est utile pour contrôler tout ce qui passe par une chaîne de production et, par exemple, l’orienter vers la bonne destination.

En général, l’étiquette RFID correspond à une puce minuscule entourée d’une antenne qui serpente sur un autocollant de quelques centimètres de côté. Mais le français Primo1D, dont les ingénieurs sont issus du CEA, a réussi à intégrer une puce RFID dans un fil.

« Si bien que l’étiquette est totalement dissimulée dans un textile », se réjouit Nicolas de Guillebon.

La présence de NFC dans les smartphones simplifie la mise au point des projets

Extension du RFID, le système NFC permet de remplacer l’étiquette par un dispositif électronique qui dialogue avec le lecteur, la plupart du temps pour assurer un échange sécurisé.

« Le gros avantage du système RFID/NFC est qu’il est aujourd’hui intégré à tous les smartphones. Autrement dit, vous n’avez plus besoin de faire fabriquer des douchettes spécifiques pour lire sans contacts vos équipements ou votre marchandise, un simple équipement Android suffit », relève Bruno Baron, dirigeant de l’intégrateur Picdi, un spécialiste des projets IoT pour les entreprises.

Selon lui, la présence d’Android en début de chaîne simplifie aussi considérablement tout le développement du reste du projet : « derrière Android, nous avons tous les kits pour développer une application en Java, laquelle est très simple à interfacer avec le SAP que les entreprises utilisent pour gérer leurs assets », dit-il en dédramatisant totalement la crainte des entreprises de voir leurs projets IoT s’enterrer dans des usines à gaz propriétaires.

Toujours sur le plan informatique, Bruno Baron observe que - contrairement au lobbying exercé par Amazon AWS, Google ou autre IBM Softlayer - les entreprises préfèrent encore installer l’application Java de filtrage des relevés dans leurs datacenter plutôt que dans un Cloud public.

Parmi les trouvailles du laboratoire Connectwave en matière de NFC, on retiendra l’invention du français Intellinium (basé à Aix-en-Provence) qui consiste à mettre un capteur dans la semelle des chaussures de chantier et à le doubler de systèmes aptique et tactile. « Loin de la tête et des parties génitales, la semelle est le futur du centre de communication individuel par ondes. L’opérateur peut être prévenu d’une alerte en sentant vibrer la semelle sous son pied et répondre en agitant les orteils », se félicite Nicolas de Guillebon.

Des technologies qui ne peuvent pas encore tout faire

Hélas, les systèmes NFC et RFID posent encore quelques problèmes pratiques. Ils ne fonctionnent bien qu’avec des conditions environnementales idéales.

« Si Décathlon est parvenu à industrialiser le passage en caisse sans sortir la marchandise du caddie, c’est parce qu’ils ont fait eux-mêmes le design d’une puce RFID pour des produits qu’ils fabriquent eux-mêmes avec des matériaux qu’ils choisissent eux-mêmes. N’attendez pas de Carrefour qu’il parvienne à faire fonctionner de la RFID avec des caddies remplis de bouteilles d’eau et de boîtes de conserve en métal », souffle au MagIT un observateur qui a tenu à rester anonyme.

Une analyse que partage Florent Haddad. « Si nous n’avons pas encore déployé de solutions RFID pour nos capteurs, c’est bien parce que nous n’avons pas encore trouvé les étiquettes qui résistent aux tests de température et de vibration que nous menons sur les satellites ». Dans ce contexte, le débat très médiatique qui consiste à savoir quelle solution peut détecter des étiquettes à la distance la plus éloignée possible est jugé par les spécialistes comme totalement accessoire.

Plus préoccupant est le manque de maturité des solutions LPWAN (Low Power WAN) - alias Sigfox et LoRa. En théorie, ces systèmes de communications cellulaires alternatifs à la 4G permettent à un appareil de la taille d’un smartphone d’envoyer des relevés pendant des années (de 2 à 10 ans, selon les estimations à la louche des opérateurs) sans qu’il soit besoin de recharger sa batterie.

Risque de dégradation du service

Idéal pour les capteurs placés en dehors des murs de l’entreprise, voire sur les véhicules électriques. Mais, en pratique, les américains sont plutôt hostiles. Plusieurs acteurs de la Silicon Valley pointent le risque de saturation des antennes spécifiques conçues pour ne relayer que quelques milliers, au mieux quelques dizaines de milliers, de flux de communication.

Le risque de dégradation de la qualité de service au fur et à mesure de la prolifération des capteurs est d’autant plus mis en exergue que les acteurs derrière la 4G planchent sur des réseaux alternatifs. Et ceux-là, LTE-M et NB-IoT, utilisent les infrastructures existantes.

En attendant, Orange montrait lors du salon Connect+ un concept attrayant : celui de prendre possession d’une voiture électrique en passant simplement son smartphone près du pare-brise.

« Grâce au NFC, la voiture identifie le conducteur et, en LPWAN, demande s’il a l’autorisation de prendre le volant. Si la réponse est positive, elle ouvre ses portes. Cette solution est idéale pour les flottes de véhicules d’une entreprise ou d’un service de partage urbain, car la voiture émet sa position en permanence et reçoit l’ordre de se verrouiller automatiquement après usage », commente Nicolas de Guillebon.

Reste que, pour fonctionner, ce véhicule doit compter sur la disponibilité des 1.500 antennes Sigfox qui sillonnent actuellement la métropole française.

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