Le CEO Quest Software orchestre le retour au privé de sa société

Vinny Smith, le CEO de Quest Software et ex fondateur de Patrol (aujourd'hui chez BMC), veut que sa société redevienne privée. A la tête de 34% du capital, il s'est allié au fonds d'investissement Insight Venture pour orchestrer ce qui ressemble furieusement à un MBO. En attendant la fin de cette opération, une fenêtre de 60 jours vient de s'ouvrir pendant laquelle la firme se vend au plus offrant. A condition toutefois de proposer plus que les 2Md$ de dollars auxquels l'opération avec Insight valorise l'éditeur... LeMagIT revient sur l'opération et sur l'histoire de la société.

L’éditeur de logiciels Quest Software a annoncé son intention de devenir une entreprise privée avec l’aide du fonds d’investissement Insight Ventures Partners. Après l’opération de rachat des actions de la société, son CEO et dirigeant historique, Vinny Smith continuera à détenir 34 % du capital de la firme, le solde étant partagé entre Insight et un petit nombre de dirigeants et d’actionnaires de la firme. L’opération valorise chaque action de l’éditeur à 23 $ - ce qui équivaut à une valorisation de 2 Md$ pour l’éditeur soit une prime de 19 % sur le cours du jeudi 8 mars. Elle a l’approbation unanime du conseil d’administration de l’éditeur. Sa structure est assez habituelle, à savoir que les actions du CEO sont protégées (elles bénéficient d’un roll-over). Insight apporte 210 M$ de cash et le reste de l’opération est financé par endettement à hauteur de 1,2 Md$.

La firme a toutefois ouvert une fenêtre de 60 jours pour se vendre au plus offrant : le conseil d’administration a ainsi approuvé l’ouverture d’une période de « go-shop », durant laquelle tout candidat pourra faire une offre supérieure à celle d’Insight.

Un CEO haut en couleurs

 vinny smith
Vincent ("Vinny")
Smith, le CEO
de Quest.

Smith est un personnage dans l’industrie du logiciel. Ce développeur, qui a fait ses débuts chez Oracle, a fondé Patrol Software en 1992 avant de le revendre en 1994 à BMC. Patrol est devenu au fil des années l’un des produits clés de l’éditeur. Fort de ce premier succès, il a investi en 1995 dans Quest Software, alors un petit éditeur avec 25 employés, avant d’en devenir aussi le CEO en 1996, écartant au fil du temps les fondateurs, Doran Machin et David Doyle de tout rôle opérationnel.

En 2006, Smith, Doyle, Machin et une bonne partie des dirigeants de Quest avaient été rattrapés par une plainte portant sur l’antidatage de stock-options. Plainte finalement éteinte par une négociation qui avait contraint l’ensemble des accusés à rembourser 23,5 M$ à la firme. Quest avait alors nommé un nouveau CEO, Doug Garn, qui a démissionné le 17 février 2012 – officiellement pour raison de santé et pour être nommé vice-président du conseil d’administration. Garn a été remplacé par … l’inoxydable Smith.

Un spécialiste historique des outils de bases de données qui s’est beaucoup diversifié

Quest est un spécialiste historique de la gestion et de l’optimisation des bases de données (notamment Oracle et SQL Server). L’un de ses produits vedettes est Toad, un outil d’optimisation de bases de données. Face à la stagnation de son marché historique, l’éditeur a toutefois multiplié les diversifications et il est désormais présent dans un grand nombre d’autres secteurs comme l’administration de systèmes, la gestion d’identité, la gestion de performances applicatives, la protection de données, la gestion des environnements virtuels ou la gestion des bureaux virtuels. Des segments de marché, où il s’est développé en multipliant les acquisitions.

Cette multiplication des activités a permis à Quest de poursuivre sa croissance à un rythme rapide (857 M$ en chiffre d’affaires et 3 900 salariés, contre 4 M$ en 1995 et 25 employés). Mais la rentabilité s’est récemment tassée - Quest n'a jamais perdu d'argent en 10 ans, mais sa marge nette qui fluctuait autour de 10% est tombée à 5% l'an passé. Cette diversification s’est aussi traduite par une confusion de plus en plus grande. Le catalogue de l’éditeur compte ainsi plus de deux cents produits, dont certains ont singulièrement pâti de leur rachat par Quest. Par exemple, Vizioncore était l’éditeur le plus en vue en matière de sauvegarde et de protection de données dans l’environnement VMware. Son produit vRanger taillait ainsi des croupières aux spécialistes établis du backup. Vizioncore est désormais loin derrière Veeam, qui a profité des « turbulences » créées par le rachat de Quest pour s‘imposer.

Le produit de virtualisation de desktop vWorkspace, issu du rachat de Provision Networks, reste aussi loin derrière ses concurrents chez Citrix, Microsoft ou VMware, même s’il compte quelques références comme Bouygues Telecom en France.

Un éditeur qui poursuit sa croissance par acquisitions

Cela n’a pas empêché Quest de poursuivre ses acquisitions à un rythme frénétique, qui n’est pas sans rappeler celui de CA à une certaine période. La firme a ainsi racheté Bakbone Software, e-DMZ, RemoteScan, Symlabs, ChangeBase, VKernet et BiTKOO en 2011.

Nul ne sait ce que sera la stratégie de Quest, une fois que la firme sera redevenue privée. Un scénario possible, si Insight avait eu le contrôle total de la firme, aurait été le démantèlement de Quest, et son « explosion façon puzzle », afin de générer un profit rapide. Mais le fait que Smith soit maintenu à la tête de la firme semble exclure cette possibilité. D'un autre côté, le fait de ne plus être public devait aussi mettre un terme à la boulimie de l'éditeur en réduisant considérablement ses possibilités d'achat par échange d'actions.

Dans un communiqué de presse, Vinny Smith explique que le fait de devenir une société privée permettra d’accélérer l’innovation et d’avoir une stratégie à plus long terme. La même équipe dirigeante restant aux commandes, Quest devrait toutefois continuer à opérer sans grand changement, sinon celui d'être largement libéré du carcan réglementaire qu'impose le fait d'être une société côtée. À moins qu’un gros éditeur n’ouvre son chéquier pour proposer à Smith & Co une offre qu’ils ne pourront refuser.

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