Alcatel-Lucent : Philippe Camus et Ben Verwaayen déjouent les pronostics

Il a rêvé de la fusion avec Alcatel dès 2001 sans réussir à la faire, ce qui lui a coûté pour partie son poste de numéro 2 de Lucent. Finalement le Néerlandais Ben Verwaayen dirigera bien le groupe franco-américain constitué sans lui et depuis lors tombé au plus bas. Pas sûr qu’il ait rêvé être nommé – chaperonné par Philippe Camus qui remplace Serge Tchuruk - à un moment aussi délicat…

[version mise à jour à 10H00] Et les vainqueurs sont… Philippe Camus et Ben Verwaayen, respectivement nommés aux postes de président du conseil d’administration et directeur général d’Alcatel-Lucent en lieu et place de Serge Tchuruk et de Patricia Russo, démissionnaires sur fond de déroute de l’équipementier télécoms franco-américain. Le pressenti Mike Quigley, qui avait l’oreille de la bourse, est une nouvelle fois éconduit alors qu’il avait été – en tant que numéro deux d’Alcatel – le grand perdant du rapprochement des deux groupes, Patricia Russo lui ayant réservé un placard doré lors de sa prise de fonction.

Les nouveaux dirigeants auront à gérer un groupe en crise tant au niveau industriel – avec des pertes abyssales – que capitalistique – avec une valorisation réduite à sa plus simple expression après avoir fait une chute vertigineuse depuis la fusion transatlantique.

Emprise européenne, sans tourner le dos à l'Amérique

Philippe Camus, cogérant du groupe Lagardère et ancien d’EADS d’où il avait été évincé au moment de la prise de pouvoir contestée de Noël Forgeard, s’occupera plus particulièrement de la stratégie et des éventuelles acquisitions tandis que la gestion quotidienne reviendra à Ben Verwaayen, directeur de l’opérateur britannique BT jusqu’à il y a quelques mois et surtout ancien vice-président de Lucent entre 1997 et 2002. A cette époque, il était le militant forcené d’un rapprochement avec Alcatel déjà. L'opération avait avortée sur fond de crise des valeurs liées à Internet et surtout d’une opposition politique forte aux Etats-Unis, du fait des liens technologiques étroits entre Lucent et les organisations gouvernementales de défense ou de renseignement américaines. Appelé à la rescousse d’un BT en piteux état, il n’aura pas réussi à redresser suffisamment le titre et a quitté ses fonctions en mai dernier.

Ces deux nominations attendues devraient prendre effet très rapidement, Serge Tchuruk quittant notamment le groupe dès le 1er octobre. Elles dénotent à la fois une emprise européenne, sans tourner le dos à la culture américaine. Ben Verwaayen avait notamment été recruté par l’Américain Lucent au cœur des années 90 pour conquérir le marché européen dont il était largement absent. De son côté, Philippe Camus vivait depuis quelques années aux Etats-Unis, où – outre ses activités pour Lagardère qu'il conservera – il était également partie prenante du groupe d’investisseurs essentiellement nord-américain Evercore Partners.

Côté rémunération les choses ont déjà changé. Pas de parachutes dorés pour les nouveaux dirigeants mais une rémunération fixe équivalente à celle perçue par leurs prédecesseurs plus un variable sur objectifs. Moins bien lotis donc que Serge Tchuruk et Patricia Russo, partis avec des sommes confortables en dépit de résultats catastrophiques.

Dans un commentaire récent lié aux rumeurs sur la possible nomination de Mike Quigley un de nos lecteurs évoquait déjà l'hypothèse Camus/Verwaayen

"On va voir, mais je pense que cela ne sera pas Mike Quigley. Mr. Quigley a sans doute le bon profil (ancien n°2 du groupe sous Mr. Tchuruk, perçu comme le messie en ce moment par les investisseurs, etc.) mais je pense qu'il faut aussi intégrer un autre paramètre dans l'équation. Selon le Financial Times, la nomination de Mr Quigley pourrait déclencher une controverse parmi les employés et les actionnaires. Premier détail: Monsieur Quigley alors qu'il était n°2 d'Alcatel, s'est fait attribuer la veille de son départ une coquette retraite chapeau d'un coût de 15 millions de dollars pour l'entreprise. Son départ c'était le 22 août 2007. 15 Millions de dollars pour un contre-temps de 12 mois passé en famille, on a vu pire. Deuxième détail: départ de Patricia Russo avec golden parachute là aussi pas inintéressant avec les résultats qu'on sait. Troisième détail: Celui qui préside le comité de nomination au board d'Alcatel-Lucent est Daniel Bernard. Pour mémoire, il avait lui-même sucité une contreverse (scandale) en 2005, en tant que PDG de Carrefour, groupe qu'il avait du quitter sous la pression des actionnaires en raison des mauvais résultats de son groupe, avec un golden parachute record de 9,9 millions d'Euros assorti d'une rente à vie de 1.2 millions d'euros par an, au total 38 millions d'euros (quelque 250 millions de francs). Face à l'indignation générale, le ministre de l'Economie Mr Breton dans l'espoir déteindre l'incendie avait du annoncer le vote d'une loi spécifique. Mr Bernard n'a peut être pas envie qu'une controverse au sujet du retour de Mike Quigley puisse raviver cette vieille histoire. Pour ma part je pencherais pour le hollandais Ben Verwaayen, ex BT, avec Mr Camus comme président non exécutifs. Les paris sont ouverts."

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