L’industrie IT menace de quitter l’Irlande si la fiscalité y devient moins attrayante

Au cœur d’une énorme crise financière, l’Irlande se retrouve prise entre le marteau et l’enclume. D’un côté les instances internationales – notamment l’Europe – conditionnent leur aide à une politique plus rigoureuse : comprendre, austérité et augmentation de la fiscalité. L’occasion pour l’UE de ramener dans son giron un pays ayant par trop favorisé l’optimisation fiscale. De l’autre, une industrie IT qui s’est implantée dans l’île à la faveur d’une fiscalité plutôt légère et qui n’a plus peur de se délocaliser vers des pays jadis peu structurés mais aujourd’hui plus qu’émergents en terme d’infrastructures IT.

L’Irlande n’est, semble-t-il, pas sortie de l’auberge. Alors que son gouvernement se débat avec les autorités internationales pour sortir d’une crise financière sans précédent, l’industrie IT - particulièrement présente sur l’île au travers de filiales américaines implantées pour des raisons historiques et fiscales - veut faire pression pour ne pas pâtir de la nouvelle donne économique qui résulterait de l’aide conjuguée apportée par le FMI et l’Union européenne. Associés à d’autres multinationales, Microsoft, HP et Intel ont ainsi envoyé un courrier tout en finesse aux autorités irlandaises évoquant "l'impact négatif" qu'aurait une hausse de la fiscalité sur les entreprises sur le fait d’attirer et de conserver les investisseurs. En cause, la possible augmentation de l’impôt sur les sociétés dans le cadre du 3ème plan de rigueur que le gouvernement – au bord de l’implosion – doit présenter ce jour. Les grands groupes américains, présents en Irlande du fait d’une fiscalité avantageuse aux portes de l’Europe, brandissent de manière à peine voilée le spectre de la délocalisation. Du coup, le ministre irlandais s’est senti obligé de les rassurer, expliquant que le taux d'imposition sur les sociétés ne bougerait pas et que la seule variable d’ajustement envisagée à ce niveau portait sur l’assiette. 

Le taux irlandais de l'impôt sur les bénéfices des sociétés n'est que de 12,5%, alors que la moyenne dans la zone euro est de 25,7%. En France, il est de plus de 33% tandis que celui de l'Allemagne flirte avec les 30%.

De fait, dans les années 90, l’Irlande a su surfer sur la vague des nouvelles technologies en pratiquant une politique fiscale particulièrement attrayante pour des sociétés pour la plupart américaines ayant besoin d’une tête de pont afin d'attaquer le lucratif marché européen. Mais, depuis quelques années et l’émergence des économies asiatiques, le filon s’est un peu amenuisé. Elévation du niveau de compétence, du potentiel de consommation et amélioration de la sécurité logistique : les futures usines IT sont résolument à rechercher du côté de l’Asie où – concernant le marché européen – de l’Europe de l’Est. Le texan Dell, historiquement implanté à Limerick, l’a compris il y a quelque temps déjà et a profité de la crise de 2009 pour déguerpir et fermer son usine au profit d’une implantation en Pologne, cédée depuis au taiwanais Foxconn.

Après les usines le risque de voir s’envoler les centres de services

Les chaînes d’assemblage de matériel informatique en voie de disparition, l’Irlande a su rebondir en devenant une terre d’accueil pour les datacenter, ces « usines » à services logiciels indispensables au développement d’Internet et du cloud computing. Mais, cette fois, c’est cette activité qui pourrait être directement menacée par les sous-entendus des géants de l’informatique. Interrogé par le Belfast Telegraph, quotidien nord-irlandais, un porte-parole de Google – qui emploie 2000 salariés dans son principal datacenter européen – explique que tout changement économique affectant la compétitivité de l’Irlande – donc une hausse des impôts – ferait s’interroger le groupe.

La politique « irlandaise » de ce dernier est d’ailleurs au cœur d’une polémique récente. Malgré l’explosion de son chiffre d’affaire et de ses bénéfices, Google Inc, la maison mère de Google, a réduit son niveau d’imposition de près de 3,1 milliards de dollars au cours des trois dernières années en recourant à des techniques agressives d’optimisation fiscale à l'international. Se servant notamment de la politique fiscale avantageuse à l’œuvre en Irlande.

Du coup, un peu partout en Europe, la chasse à ces entreprises multinationales high-tech, reines de l’optimisation fiscales, semble ouverte. En France, le Sénat, via son rapporteur du budget Philippe Marini, vient tout juste d’instaurer une taxe sur les services de publicité en ligne. Google, Yahoo et MSN son directement ciblés. elle portera sur 1% du montant des sommes versées par les annonceurs au titre de la publicité en ligne. Récemment, Oracle s’est vu frappé d’un redressement fiscal par Bercy qui enquêtait sur les pratiques d'optimisation fiscale très poussées du groupe.

Au final l’Irlande, et au-delà l’ensemble de l’Europe, devront jouer serrer entre une fiscalité sur laquelle a tout de même reposé le développement économique, politique et social des démocraties occidentales et la nécessité de favoriser l’implantation d’industries à valeur ajoutée attirées par des contrées suffisamment développées en infrastructures pour les accueillir et pauvres en développement social et structurel pour ne pas avoir besoin d’exercer une trop forte pression fiscale.

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