Cloud Computing : des compétences rares et un gisement d'emploi qu'il reste à étayer

Une certitude : sur ce marché naissant, les profils les plus recherchés sont les architectes et ingénieurs systèmes/réseaux version cloud. Du grain à moudre pour une offre de formation (initiale et continue) ad-hoc.

Pas moins de 190 000 emplois en jeu d'ici à 2015: c'est ce que pèse, rien que pour la France, le développement du cloud computing, selon le cabinet IDC. Qui, d'une année sur l'autre, tire le signal d'alarme en précisant qu'il y a un besoin urgent de former les professionnels IT en place et les futurs informaticiens aux réalités du cloud. Si cet appel à compétences se confirme (+ 24 % par an en Europe jusqu'en 2015), l'estimation d'IDC ne dit rien du solde net d'emplois. Ni du détail des compétences à forger. Certes à l'échelle mondiale, les effectifs IT devraient encore croître (+4,3 % par an), mais le besoin de renfort sera plus aigü en région Asie-Pacifique (progression de 32 % des postes liés au cloud). Alors, sur les 190 000 postes envisagés pour la France, combien pourraient être pourvus par des programmes de reconversion ? Quels profils sont concernés ? Quid d'éventuelles actions de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences? 

« Pour l'instant, il n'y a pas de programmes de GPEC en vue », constate Régis Laurent, directeur des opérations de la société de formation Global Knowledge. Rien, en effet, du côté de la bureautique cloudifiée , ni de la conversion au cloud des PME (sans informaticien à demeure), qui soit susceptible de susciter de grandes migrations d'emplois IT. Hormis la nécessité de mettre à niveau les équipes commerciales et technico-commerciales des fournisseurs. Sur le volet technique, si l'on s'en tient au baromètre des formations les plus sollicitées, rien de bien neuf non plus. «La demande reste très traditionnelle, axée sur la pratique des matériels entrant dans la constitution d'une solution de cloud computing, infrastructures systèmes et réseaux, technologies de virtualisation et de stockage », remarque Régis Laurent. 

Plus marquant, le besoin d'étayer la réflexion en amont d'un projet cloud, à travers un balayage de l'état de l'art, de l'impact sur l'organisation, sur les processus, qui permette de préparer un plan de bataille réfléchi et documenté. Soit deux jours de formation au catalogue d'Orsys. De même chez Global Knowledge, les cinq sessions du cours « architecture et services » organisées depuis septembre dernier ont regroupé plus de 70 participants, et une dizaine de sessions sont planifiées pour 2013. « Ce cours là est voué à disparaître, précise Régis Laurent, la demande se reportera sur les compétences techniques à développer au sein des DSI ou des SSII, en relation avec les solutions de cloud computing choisies ». Soit précisément les compétences que se disputent actuellement les acteurs déjà impliqués dans des opérations de cloud public, privé ou hybride. 

Profils recherchés : les architectes 

Au premier rang de ces profils recherchés, les architectes (techniques et fonctionnels). Et pas n'importe quel profil d'architecte. Autant que possible, « capable d'aborder les questions de façon transverse», avance Patrick Joubert, directeur associé de la société de conseil Beamap. Si auparavant les problématiques « systèmes », « réseaux » ou « stockage » pouvaient s'aborder distinctement, l'architecture cloud confirme la convergence des technologies, donc des compétences, tant au niveau de l'intégration que de l'exploitation. D'où le besoin d'experts plus généralistes en quelque sorte, d'autant moins cantonnés à une seule spécialité qu'ils doivent aussi avoir à l'esprit l'aspect fonctionnel (le volet logiciel correspondant aux besoins métiers) ou encore la sécurisation du dispositif. Sans parler des technologies de virtualisation, d'orchestration, d'automatisation dont l'évolution continue accentue encore la complexité de la tâche et la capacité d'abstraction dont il faut faire preuve. 

Pas de nouveaux métiers « cloud » en vue donc, mais une montée en compétences. Qui sera exigée aussi des développeurs face aux contraintes techniques des environnements « cloudifiés ». Pour sa part, Beamap a recruté des jeunes docteurs en informatique, devenus architectes consultants. Et organise, sous l'intitulé Beamap Academy, des journées de formation-réflexion à l'intention des personnels concernés des entreprises clientes. « Les fournisseurs de services cloud ont aussi besoin de ce type de profils multicompétences, multi-technologies, ne serait-ce que pour vendre leurs solutions », note Patrick Joubert. Et d'en déduire: « Là où le besoin d'une entreprise générait dix offres d'emplois de SSII qui se positionnaient sur le marché, dans le cas de l'architecte cloud, il n'y a plus cet effet démultiplicateur, la pénurie de compétences est plus sincère ». 

Sur fond d'études de cas 

Une évidence pour certaines écoles d'ingénieurs qui proposent depuis l'an dernier des cursus certifiants ou diplôman ts, dont certains organisés en alternance (un master spécialisé à l'Isep, une année de master à l'Itin, ou encore à Centrale Paris, en formation continue, une mise à niveau de 21 jours répartis sur un semestre développée avec Global Knowledge (Executive Certificate de niveau bac +5). Caractéristique commune de ces perfectionnements : les fondamentaux et le déploiement d'une architecture cloud sont abordés via des études de cas. C'est aussi le parti pris par la formation certifiante (certificat d'études spécialisées) (150 heures réparties sur dix mois) que viennent de lancer le Crip (club des responsables d'infrastructure et de production IT) et Telecom ParisTech. 

La même exigence se fait jour du côté des réseaux, avec la virtualisation de leur administration (Software Defined Networking) qui, de facto, implique un plus haut niveau d'abstraction. Selon Jérôme Dilouya, directeur général d'Intercloud (opérateur d'accès sécurisé à des applications hébergées), l'archétype du professionnel recherché reste celui de l'ingénieur système/réseaux qui continue de se former « on the job ». 

«De toutes façons, un spécialiste OpenStack ayant plus de deux ans d'expérience ou un expert VMware ayant installé des dizaines de milliers de machines virtuelles, ça n'existe pas ou ça se paye une fortune. » Sa solution : l'accueil en apprentissage de futurs ingénieurs (en l'occurrence des étudiants de l'Itin) qui, au terme de leur année d'alternance, seront à coup sûr opérationnels et en prise avec l'état de l'art. Outre-atlantique, la vague d'embauches liée au cloud a commencé à se lever il y a trois-quatre ans. « En France, Amazon Web Services recrute à tour de bras, mais plutôt des technico-commerciaux d'avant-vente. Au delà des initiatives de cloud public, des dizaines d'intégrateurs-hébergeurs ont du mal à recruter les compétences voulues. Encore heureux que notre enseignement supérieur ait pris ce virage du développement de l'apprentissage il y a une dizaine d'années », conclut Jérôme Dilouya.  

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