Entretien avec Fabrice Benaut, CIO d'IFR Global (GfK)

Fabrice Benaut, CIO d'IFR Global (GfK) revient avec LeMagIT.fr sur l'adoption du Cloud Computing par les entreprises en France ainsi que sur le rôle que doivent jouer les DSI dans cette nouvelle équation.

"Les DSI ont une meilleure connaissance de ce qu'apporte le Cloud Computing"

 

 

LeMagIT : Il y a presque un an a eu lieu la remise des prix du Trophées entreprises du Cloud Computing 2012. Fin 2013, est-ce que les entreprises ont gagné en maturité sur le sujet ?

Fabrice Benaut : Complètement. Aujourd'hui, les offres sont claires et les DSI ont une meilleure connaissance de ce qu'apporte le Cloud Computing. Certains événements d'actualité, comme l'histoire d'espionnage massif de la NSA américaine, ont d'ailleurs accéléré la maturation des réflexions !  On sait maintenant où vont les données, comment elles sont protégées. Le Cloud Computing est désormais complètement opérationnel.

Il y a un an, les choses étaient beaucoup moins claires. Un peu comme pour le big data aujourd'hui...

 

LeMagIT : Plus de problèmes de sécurité ?

F.B : En fait, il s'agit pour chaque organisation d'adopter la bonne stratégie, d'effectuer les bons choix. J'ai un exemple d'une entreprise française, évoluant dans un milieu industriel concurrentiel,  qui dépose même des brevets et qui vient de passer sa messagerie sur le Cloud public !

Même si en dix ans l'intelligence économique a fait d'énormes progrès,  il y a de quoi s'interroger...

Dans ce cas précis, on se demande si la DSI n'a pas cédé à la mode de la simplicité d'usage et à une certaine catégorie de ses utilisateurs qui veulent travailler sans trop d'entraves.
Mais bon, sans freiner partout et passer pour celui qui refuse la modernité, le DSI doit quand même assurer une cohérence et une sécurité maximum de ses informations.

 

LeMagIT : Les réticences des DSI vis à vis du Cloud se sont toutes estompées ?

F.B : Oui, de mon point de vue, si l'on considère la fonction DSI avec ce qu'elle comprend aujourd'hui de création de valeur, de relations avec le business, les métiers de l'entreprise, la direction générale, etc…

En revanche, pour tirer le meilleur parti de cette externalisation, le DSI doit avoir les coudées franches, pouvoir décider du type de Cloud - privé, public ou hybride -, garder la main et la cohérence sur le choix des prestataires...

Le cœur de métier des DSI désormais est de générer de la valeur autour de l'information et non plus de gérer des infrastructures techniques. Son rôle est donc d'identifier les offres, de les clarifier et de les mettre en adéquation avec le business de l'entreprise.  Ensuite, il participe à leur mise en œuvre pour que la solution retenue soit finalement un succès.

 

LeMagIT : On entend pourtant souvent dire que le Cloud permettra aux directions métiers de s'affranchir de la tutelle des DSI pour la mise en œuvre de leurs applications ?

F.B : Ce discours est porté par certains éditeurs qui forcent toutes les portes de l'entreprise. Quand ils ne peuvent entrer par la porte de la DSI, ils tentent de rentrer par les fenêtres des métiers. Ils pensent que leur intérêt est de s'installer dans la place comme une SSII ou une société de conseil. De là à souhaiter écarter le DSI et de le placer au fond de la cave avec les câbles, le pas est parfois vite franchi. Mais ces comportements ne datent pas d'aujourd'hui.

Lorsque le DSI est membre du comité de direction, qu'il travaille bien avec la direction générale et le business, ce problème n'existe pas.

 

LeMagIT : Il y va de la cohérence des systèmes d'information ?

F.B : Exactement. En fait, il y a une vraie cohérence entre les systèmes d'informations et les données.  S'il existe des silos -  l'IT d'un côté, géré par la finance, les systèmes d'information business de l'autre gérés par la DSI, par exemple –   des problèmes apparaîtront obligatoirement à un moment donné pour réconcilier tout cela. Surtout lorsqu'il s'agit de flux complexes avec du temps réel, etc…

Les systèmes d'information doivent être aussi collaboratifs que les gens dans l'entreprise. Encore plus maintenant avec l'arrivée du Big Data, lui-même constitué de composants qui doivent être orchestrés, au milieu de toute cette complexité, dans une matrice à quatre dimensions – éléments, externes et internes, publics ou privés. Alors plus on éloigne, plus on segmente les briques du SI, moins il sera possible de développer au moment voulu des solutions business. Il faut un pilote pour manager toutes les solutions externalisées avec le Cloud. Et ce pilote ne peut être que le DSI.

 

LeMagIT : La DSI reste indispensable à l'efficacité de l'entreprise ?

F.B : Nous sommes dans une époque où on se rend enfin compte que nous pouvons créer beaucoup de valeur avec l'information. C'est vrai pour tous les métiers. Il existe aujourd'hui des entreprises de logistique qui ne sont que des systèmes d'information : les boîtes à transporter, les camions à faire rouler ou d'entrepôts à gérer. Tout est réalisé en sous-traitance : de l'information à gérer, à capter et des ordres à donner. Point. 

A la manifestation marquant les quarante ans du GS1 (organisme chargé de la normalisation du codage dans la chaîne logistique), un intervenant, ingénieurs des mines,  évoquait un modèle d'  « internet physique » appliqué à un système de  logistique coopérative : ainsi, la distribution se ferait « par paquets » de vrais colis  comme internet fait circuler ses paquets de datas aléatoirement dans ses canaux. Plus de plate-forme physique, juste un système d'information.

 

LeMagIT : On peut déjà mesurer la rentabilité du modèle Cloud?

F.B : Difficile de le faire en général mais enfin, le Cloud est un processus moderne d'externalisation. Le Cloud privé, ce n'est ni plus ni moins que de l'infogérance enrichie de  tous les services qu'apportent aujourd'hui le digital. Ce sont les entreprises où les DSI ont une culture de l'externalisation qui adoptent ce modèle aujourd'hui, logiquement. Et je constate que ce modèle est rentable pour l'entreprise.

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