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Olivier Micheli : « Les datacenters français se développent sur la proximité et la connectivité »

Le président de l’association France Datacenter observe que la flotte locale des centres de données séduit enfin les acteurs internationaux du cloud et qu’elle se développe géographiquement pour minimiser les latences.

Ca y est. Les entreprises peuvent installer leurs ressources dans des cloud publics sans craindre qu’elles sortent du territoire et tout en gardant l’assurance de pouvoir y accéder aussi rapidement que si elles étaient toujours dans leurs murs.

Portant la double casquette de PDG de la chaîne de datacenters Data4 Group et de président de l’association France Datacenter, Olivier Micheli décrit une flotte de 3000 à 5000 salles informatiques françaises qui s’alignent enfin sur les atouts économiques et techniques du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Irlande. Entretien.

LeMagIT.fr : Quelle est aujourd’hui la photographie de la flotte française de datacenters ?

Olivier Micheli : Nous estimons qu’il y a à l’heure actuelle sur le territoire 200 grands datacenters qui commercialisent leur surface en colocation. Cette surface peut dans certains cas atteindre 10.000m2. Paris réunit le plus grand nombre de ces datacenters, car la capitale est un nœud d’interconnexion européen, c’’est-à-dire un point de passage obligatoire dans le trafic international. Marseille gagne de plus en plus en importance car on y interconnecte l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est.

Il y a également entre 3000 et 5000 datacenters privés de taille et de puissance variables. Il est impossible de les recenser tous, mais selon nous ce sont d’abord des datacenters centraux pour les entreprises, puis des centres de supercalcul et des salles informatiques de proximité, privées ou en colocation.

Ces datacenters de proximité ne répondent plus seulement au souhait psychologique de l’entreprise régionale d’avoir directement la main sur son équipement. La question de la latence la plus faible pèse de plus en plus lourd dans les activités économiques locales et elle est aussi essentielle au développement des villes intelligentes. Nous voyons ainsi un nombre croissant de petits acteurs adhérer à France Datacenter. Selon moi, le marché se dirige vers des datacenters dont la taille est proportionnelle à celle de l’activité économique alentour.

LeMagIT.fr : Quelle est le poids des datacenters français sur l’échiquier européen ?

Olivier Micheli : La France représente aujourd’hui le quatrième marché européen pour les datacenters, ex-aequo avec l’Irlande. Cela signifie que le marché des datacenters reprend des couleurs dans l’hexagone. Nous avons en effet connu une période creuse entre 2012 et 2015 lorsque les entreprises internationales ont choisi d’entrer en Europe en installant leur antenne locale ailleurs qu’en France. Soit parce qu’elles jugeaient que notre fiscalité n’était peu avantageuse, soit parce que les Américains préfèrent traditionnellement pénétrer le marché européen depuis Londres, soit encore parce que Londres, Francfort et Amsterdam constituent les trois nœuds d’interconnexion les plus importants de l’UE.

Depuis 2016, nous observons un effet de rattrapage pour diverses raisons. Bien entendu, après avoir posé le pied en Europe, les entreprises internationales sont maintenant intéressées par l’opportunité d’adresser une population de 67 millions d’individus depuis des ressources IT hébergées localement. Citons aussi une fois encore l’importance géostratégique de Marseille, qui est considéré comme le point d’entrée-sortie européen politiquement et énergétiquement le plus stable en Méditerranée.

Mais il faut aussi saluer les efforts du gouvernement qui admet que les datacenters constituent un facteur de croissance pour le pays et qui crée à présent des conditions favorables pour leur développement. II faut comprendre que l’empilement des taxes en France tuent notre avantage compétitif d’une énergie peu chère. Dans ce contexte, le signal que donne le premier ministre en s’engageant sur une baisse de la TCFE (taxe sur la consommation finale de l’électricité, ndr), qui pourrait aller jusqu’à 50 %, est très fort.

LeMagIT : Comment se répartissent les clients des datacenters ?

Olivier Micheli : A 70%, les clients des datacenters français sont les acteurs du cloud public : Amazon AWS, Microsoft Azure, Alibaba, qui commercialisent l’hébergement de ressources virtuelles, mais aussi des éditeurs comme Salesforce. Ces acteurs-là souhaitent surtout s’appuyer sur des propriétaires de datacenters qui ont des ressources foncières et électriques importantes. C’est pourquoi il existe un palmarès des datacenters français qui comptabilise les mètres-carrés et un autre qui comptabilise les mégawatts. Les hébergeurs cloud sont particulièrement friands des campus sur des terrains de 100 hectares, avec plus de 100 Mégawatts de puissance et dans lesquels nous pouvons leur construire des installations sur mesure.

Les entreprises utilisatrices souhaitent quant à elles beaucoup d’accompagnement. Pour y répondre, les propriétaires de datacenters ont une politique de l’emploi très dynamique sur les services (architectes, mais aussi techniciens de gestes de proximité qui évitent aux entreprises d’envoyer du personnel sur place). Chez Data4, par exemple, nous allons encore augmenter de 30 % nos équipes cette année pour répondre à ces besoins.

LeMagIT : Quels sont à présent les enjeux des datacenters ?

Olivier Micheli : La connectivité, tout d’abord. Les entreprises ne viennent plus dans les datacenters pour simplement stocker leurs données mais pour bénéficier d’une salle informatique décentralisée qui redistribue ces données vers les usagers des opérateurs et des acteurs d’Internet.

En pratique, cela signifie qu’une entreprise qui va vouloir faire héberger son infrastructure dans un cloud public international va demander à un propriétaire de datacenter français qu’il lui fournisse une zone tampon très rapide, mais aussi des infrastructures spécifiques, comme des routeurs et des VPN qui orientent précisément ses trafics. Il est à noter que la configuration de tels déploiements n’est pas le métier des datacenters ; il reste celui des intégrateurs. En revanche, la compétition entre les datacenters se fera sur la capacité à fournir des liens directs vers les opérateurs et acteurs d’importance.

Le second enjeu est celui du bâtiment intelligent. Aujourd’hui, chaque bâtiment de Data4, par exemple, est équipé de 5000 capteurs que nous utilisons finalement assez peu. Le défi pour les propriétaires de datacenters est de s’en servir pour proposer à leurs clients du contenu enrichi. Des informations précises sur les ressources présentes dans les racks permettraient par exemple aux entreprises de mieux les urbaniser, notamment pour planifier de manière plus optimale l’occupation de la capacité. Citons aussi la cartographie des points chauds, qui leur permettrait de mieux appréhender les risques opérationnels de leurs installations.

Enfin, nous travaillons aussi à atteindre 100 % d’énergie renouvelable, notamment en utilisant des moyens de refroidissements innovants et plus économiques, comme le Free Cooling.

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