Datacenters : un dispositif enfin efficace pour recycler la chaleur chez Data4

Le dispositif mis au point par l’hébergeur et ses partenaires consiste à utiliser la chaleur des salles serveur pour cultiver sur place des algues qui absorbent du CO2 puis deviennent elles-mêmes de la biomasse ou des bioplastiques.

L’hébergeur Data4, la Fondation de l’Université Paris-Saclay, le département de l’Essonne et la start-up autrichienne Blue Planet Ecosystems ont dévoilé ce qu’ils appellent « le premier datacenter biocirculaire au monde ». Celui-ci est équipé d’un système qui récupère la chaleur produite dans ses allées pour faire volontairement tourner l’eau d’une piscine adjacente, de sorte que des algues y poussent. Ces algues auraient le mérite d’absorber jusqu’à 13 tonnes de CO2 par an.

« La communauté d’agglomérations de l’Essonne était préoccupée par la multiplication des datacenters sur son territoire et plus particulièrement par leur chaleur fatale. Fatale signifie perdue. Or, en l’espèce, il est possible d’en faire quelque chose et ce que nous prouvons avec ce projet », se félicite Linda Lescuyer, directrice de l’innovation au sein du groupe Data4.

Après discussions avec la fondation de l’université Paris-Saclay qui avait monté une chaire dédiée à la biomasse, le projet de culture d’algues a mûri et a abouti à un système greffé sur le datacenter de Data4 situé à Marcoussis, dans le sud de la région parisienne.

Un recyclage de la chaleur qui serait enfin véritablement utile

Outre l’absorption du CO2, ces algues peuvent ensuite être recyclées en biomasse, créant de nouvelles sources d'énergie circulaire (biogaz) et des bioproduits pour des industries telles que les cosmétiques et l'agroalimentaire.

« Près de 18 térawattheures d’énergie sont disponibles dans les datacenters français, mais non utilisés à l’heure actuelle. Grâce au module datacenter biocirculaire, nous avons l’opportunité d’utiliser cette énergie pour créer une nouvelle ressource écologique et économique pour le territoire. Et cela représente autant de filières économiques, et donc d’emplois, qui pourront se développer en symbiose avec les datacenters », argumente Linda Lescuyer.

Le chiffre avancé de 18 TWh mérite une précision. Il s’agit bien en l’occurrence d’une énergie consommée sur le réseau électrique français, calculée en partant du principe que l’ensemble des datacenters représente entre 2 et 4% de la consommation électrique totale en France. Quand Linda Lescuyer parle d’énergie disponible, elle fait plutôt référence à la chaleur (énergie calorifique) que produisent les datacenters lorsqu’ils consomment cette électricité.

Or, d’ordinaire, cette chaleur est simplement rejetée dans la nature. Au Portugal, par exemple, les datacenters de Start Campus aspirent une eau de mer à 17°C pour capter leur chaleur puis rejettent dans l’océan une eau à 32°C. À Marseille, les datacenters de Digital Reality font de même avec une rivière souterraine. À Paris, des projets sont régulièrement imaginés pour réinjecter la chaleur dans des réseaux de chauffage urbain ou de piscine municipale, mais ils se concrétisent rarement. Parce que la chaleur s’évapore avant d’arriver à destination, ou parce que les volumes de part et d’autre ne correspondent pas.

L’intérêt est donc ici de véritablement réutiliser la chaleur pour un premier processus d’absorption du carbone, puis pour un second processus de création de matières elles-mêmes réutilisables sous forme d’énergie dans d’autres secteurs.

 « C’est une véritable brique de l’énergie circulaire », s’enthousiasme Linda Lescuyer. « Parce que, pour parler des alternatives, personne n’a attendu d’avoir un datacenter près de chez lui pour se chauffer. Et puis, ces réseaux de chaleur sont de la compétence des collectivités territoriales. Ce sont des projets longs et coûteux à mettre en place. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cette voie n’est pas pertinente ».

Demain des installations en façade

Le dispositif actuel repose sur un module qui contient 1000 litres d’une culture d’algue unicellulaire, la Chlorelle, installée sur le toit du bâtiment du datacenter de Data 4 à Marcoussis. Cette algue produit des acides aminés assez rares, ainsi que des oméga3. Si bien qu’il serait même possible de la recycler pour fabriquer des bioplastiques.

« Les bioplastiques sont créés à partir d’amidon et pas encore d’algues, faute de matière première insuffisante. Nous avons donc véritablement l’objectif de créer quelque chose d’industriel, pour baisser les coûts de revient et alimenter de nouvelles filières », dit Linda Lescuyer.

Un second dispositif, actuellement à l’étude, prévoit l’installation de modules de 600 litres sur les façades de datacenters. Couvrant 900 m2, ce dispositif pourrait produire environ 20 kg d’algues par jour (contre seulement 1 kg avec le dispositif actuel) et capturer 36 kg de C02 par jour. Il devrait être opérationnel d’ici à 18 mois.

« Le choix de façades plutôt que de toiture est motivé par le fait que, souvent, les toitures sont déjà pourvues d’équipements, alors que les façades de ces bâtiments n’ont actuellement aucune utilité », précise Linda Lescuyer.

En termes de retour sur investissement, les concepteurs du projet tablent sur 18 à 24 mois avec une accélération à mesure que de nouveaux modules seront déployés.

Il faudra adapter la réglementation

Interrogée sur l’intérêt d’une réglementation qui contraindrait les opérateurs à mettre en place de telles solutions de récupération d’énergie, Linda Lescuyer nuance :

« Avant de faire une nouvelle réglementation, il faudrait déjà assouplir celles existantes. Un datacenter est aujourd’hui considéré comme un entrepôt logistique. Cela signifie que la réglementation nous oblige à installer des panneaux photovoltaïques, ce qui contraint notre capacité à produire d’autres énergies renouvelables. »

« Autrement dit, il faudrait que la réglementation cesse de rentrer dans les moyens techniques. Car cela nous enferme dans une seule solution, sans laisser libre cours à l’innovation », défend-elle.

Elle évoque par ailleurs la pertinence de revoir les plans locaux d’urbanisme afin de pouvoir multiplier ces installations sur les façades et pas seulement sur les toits.

La récupération de chaleur est un sujet que les fournisseurs de datacenters ont toujours eu à cœur de développer pour contrer l’image d’entrepôts énergivores qui colle à leur secteur. Et la question revient d’autant plus au centre des débats avec la croissance de l’intelligence artificielle, une discipline qui nécessite bien plus de calculs et produit bien plus de chaleur qu’auparavant.

Pour approfondir sur Datacenter