JT Jeeraphun - stock.adobe.com

Passé sous giron britannique, Matooma ne regrette pas d’un iota

Neuf mois après son rachat par le groupe britannique Wireless Logic Group, Matooma, le spécialiste montpelliérain du MtoM, se veut confiant et conserve une forme d’indépendance.

Frédéric Salles, PDG et fondateur de Matooma, n’avait pas prévu de vendre sa société. « Nos précédents investisseurs devaient se retirer. Nous cherchions des fonds à l’aide de Clipperton [une banque d’affaires N.D.L.R.] depuis la fin de l’année 2018. Après des contacts avec des fonds parisiens comme ISAI, finalement, le directeur général de Wireless Logic m’a contacté pour nous faire une proposition », explique le dirigeant.

En effet, le spécialiste du MtoM basé à Montpellier avait levé 1 million d’euros en 2014 auprès d’investisseurs régionaux : Soridec (Caisse d’Epargne) et Solfilaro (Crédit Agricole). Cela représentait 20 % du capital de Matooma, selon le PDG. Devenue rentable entre temps, la startup n’avait pas éprouvé le besoin de réitérer cette opération financière plus tôt.

Une acquisition inopinée

Entre janvier et juillet 2019, les deux entreprises ont acté du rachat de Matooma par Wireless Logic Group pour un montant qui reste inconnu. Frédéric Salles précise qu’avant cette opération, le groupe britannique avait levé 400 millions d’euros avec pour objectif de consolider le marché européen du MtoM/IoT.

« Je me suis retrouvé face à un dilemme. Wireless Group allait prendre de l’ampleur. Je me serais retrouvé comme le village gaulois en Europe […] et j’aurais eu moins de capacité d’achat sur le marché des télécoms », rappelle le PDG de Matooma.

Il souhaitait également bénéficier « d’une force de négociation » auprès des opérateurs pour se préparer à l’arrivée de la 5G. « Je n’étais pas sûr de pouvoir bénéficier du même avantage si je n’avais pas accepté la proposition. Ce marché repose avant tout sur le volume d’achats de données mobiles », avance Frédéric Salles « L’alliance avec Wireless Logic nous permet d’afficher des prix encore plus compétitifs ».

Même si Wireless Logic était présent en France, le groupe britannique n’a pas souhaité effacer la marque Matooma. « Wireless Logic est fortement présent aux Pays-Bas, au Danemark, au Royaume-Uni et en Allemagne. Nous, nous sommes présents en France, en Espagne, en Suisse, en Belgique et au Luxembourg », explique Frédéric Salles. De plus, le nom de la startup française était plus connu sur les marchés où elle est installée. Matooma devient la filiale de Wireless Logic Group pour les pays francophones. En Espagne, celle-ci représente le canal de vente digital et la marque britannique gère le canal physique.

Le dirigeant français assure que « cela ne change rien » à son activité. « Nous sommes restés autonomes parce que toute l’équipe Matooma réside toujours à Montpellier et que nous réalisons toutes nos ventes en digital ». Par ailleurs, Matooma s’occupera de la gestion des commerciaux et des clients de Wireless Logic en France. « Il n’y a pas de logique de fusion, comme on peut le voir au cours d’autres rachats ».

Technologiquement, Matooma espère profiter de l’infrastructure full MVNO du groupe britannique. En effet, Wireless Logic dispose de ses propres serveurs et d’un centre de commutation. Il a également racheté Mdex AG, un équipementier réseau allemand. « Nous allons pouvoir intégrer dans nos offres le matériel et la connectivité » vante Frédéric Salles. Matooma commercialisera les services correspondants au deuxième semestre 2020. « Avec le recul, je ne regrette absolument pas notre rachat ».

Au total, Wireless Logic Group gère plus de 4 millions de cartes SIM actives. Matooma compte 3 000 clients et 600 000 cartes SIM actives. Selon le dirigeant, la moitié des utilisateurs de la solution MtoM proviennent du « secteur de la sécurité des biens et des personnes » (alarmes et télésanté). Les autres sont issus de l’industrie, de l’énergie et de la mobilité. En clair, Matooma est également sollicité dans le cadre de projets industriels, de gestion des énergies et de suivi de flottes de véhicules légers. Cityscoot et Velib sont notamment clients. « Entre 90 et 95 % de nos clients se situent en France et le reste en Europe ».

Toutefois, la télésurveillance et la télésanté, surtout le maintien à domicile, restent le cœur de son marché. « Notre plus gros client dans la sécurité et la santé gère un parc qui représente entre 80 000 et 100 000 cartes SIM », explique le dirigeant, mais le marché « est éclaté » avec des usages IoT atomisés. « Vous avez quelques gros projets et il y a pléthore d’acteurs qui utilisent entre 1 et 1 000 cartes », ajoute-t-il.

Matooma ne reflète pas totalement le marché du MtoM selon son fondateur. Il estime que le secteur de l’automobile conduit la croissance. « La gestion des flottes automobiles est plutôt destinée aux opérateurs de mon point de vue parce que le volume est tel que les prix sont tirés au maximum vers le bas ».

La fin du RTC actée par Orange pour 2022 a tout de même provoqué un gain de croissance pour les technologies LTE et LTE-M, tout comme la fermeture du GSM Data. « Mécaniquement, les industriels passent sur des équipements dotés de cartes SIM ». De même, les volumes de données augmentent. Matooma remarque que ses clients consommaient à 1 à 2 Mo par mois par objet à la création, contre plus de 20 Mo aujourd’hui.

Anticiper l’arrivée de la 5G

Frédéric Salles espère que son groupe pourra profiter de la 5G et plus particulièrement des canaux bas débits qui seront réservés aux usages MtoM et IoT. « Je suis un peu sur ma faim, parce que l’Arcep n’a pas encore fait les appels d’offre pour les différentes bandes de fréquence associées à la 5G. Il y a un fort intérêt, mais il y a aussi des craintes. Davantage d’applications risquent de passer par les réseaux mobiles, ce qui entraîne un plus grand risque en termes de sécurité des données », constate-t-il.

De fait, l’Arcep a fixé en novembre 2019 le prix minimum des enchères prévues en avril 2020 pour les fréquences 5G : 2,17 milliards d’euros. Le gendarme des réseaux veut pourtant favoriser les cas d’usage industriels.

« Il ne faudrait pas que les opérateurs répercutent trop le coût d’achat sur ses clients, tout comme il ne faudrait pas que les prix soient trop en décalage avec les tarifs actuellement pratiqués sur le marché de la 4G », anticipe Frédéric Salles. Le dirigeant évoque le fait qu’en Allemagne les opérateurs ont déboursé plus de 6,5 milliards d’euros pour acheter leurs fréquences lors des enchères locales.

Cependant, le dirigeant estime que la 5G reste une « perspective » qui se concrétisera dans « quelques années ».

Pour l’instant, Matooma bénéficie d’accords avec plusieurs opérateurs pour acheter et revendre des données sur les bandes de fréquence LTE (4G) et LTE-M en France et en Europe.

Pour approfondir sur Internet des objets (IoT)

Close