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Parcours IT : Louise Bautista, de l’Armée de l’air à la cybersécurité

LeMagIT revient sur plusieurs parcours marquants de personnalités IT françaises. Aujourd’hui, Sylvaine Luckx vous invite à rencontrer Louise Bautista. La responsable régionale des ventes de l’éditeur de cybersécurité TheGreenBow, littéraire d’origine, affiche une trajectoire toute aussi riche qu’éclectique, digne d’un roman contemporain. Et elle n'a que 30 ans.

Quand j’avais rencontré Louise Bautista, il y a deux ans, j’avais profondément regretté de ne pas avoir eu le temps de l’intégrer dans une galerie de portraits de « Cyberwomen ».

À l’époque déjà, son parcours totalement atypique, sa volonté, son courage, et une aptitude inégalée à sortir des sentiers battus pour tracer son chemin m’avaient bluffée.

Lorsque je la rencontre ce matin d’été, deux après notre première rencontre, c’est presque en amies que nous nous retrouvons, alors qu’elle attend un heureux évènement pour très bientôt.

La jeune femme a toujours cette voix un peu rauque, voilée, et cependant très présente. Et ce goût d’être bien habillée, maquillée avec soin, avec un rouge à lèvres qui met en valeur sa peau très blanche. Quand je la vois, je pense une nouvelle fois – je ne sais pourquoi – à Frida Kahlo. Même chevelure noire de jais, même tempérament passionné, libre, même fibre artistique.

Une enfance à l’ombre du terrorisme

Louise Bautista est Française d’origine péruvienne, catalane et lyonnaise. Sa famille est partie du Pérou pour la France quand elle était enfant. La jeune Louise vit et intègre très vite la notion de danger, de défense, de protection et de sécurité dans son existence. « J’ai vécu ma jeune enfance avec, comme tous les Péruviens, l’ombre du terrorisme », dit-elle. C’est fondamental pour comprendre son parcours.

Très jeune, son tempérament d’artiste s’exprime dans l’écriture. Adolescente, Louise Bautista écrit « des nouvelles, des contes, où j’intègre les atmosphères, les ambiances ».

Son bac L en poche, la jeune femme se lance dans le journalisme. Et pas le plus facile. Elle envoie son CV et est recrutée par un journal turc francophone. Son rédacteur en chef modère son ardeur à partir aux confins de la Syrie. Nous sommes en 2012, et l’endroit n’est pas précisément de tout repos, en plein Printemps arabe et début de la répression syrienne. Louise Bautista a alors 20 ans.

« Je voulais partir en Syrie pour comprendre cette zone. J’ai connu le danger au Pérou. Je n’avais pas peur. »
Louise BautistaResponsable régionale ventes de l’éditeur de cybersécurité TheGreenBow

Quand je lui demande si elle était consciente des risques pour une jeune femme, seule, dans un endroit aussi exposé, elle me répond calmement, mais nettement : « je voulais partir en Syrie, pour comprendre cette zone. J’ai connu le danger au Pérou. Je n’avais pas peur ».

C’est un marqueur fort chez elle. Quand un sujet l’intéresse, elle ne se demande pas si ça va marcher ou pas, si le fait d’être une femme est un obstacle ou non. Elle y va, consciente des risques, mais avec une seule envie : « je veux voir, comprendre, j’y vais ». Pendant cette année, elle apprend le persan « par envie » et part faire un reportage en Iran.

Cette mentalité, celle d’un très bon journaliste qui vit sur « le terrain », Louise Bautista la possède chevillée à l’âme. Elle ne prend aucun risque non étudié, mais, quand elle décide de faire quelque chose, c’est toujours à fond.

Un virage vers la géopolitique et la Défense

Après cette expérience, Louise Bautista travaille quelque temps à l’AFP à Genève, où elle couvre les grandes réunions internationales, et les travaux de l’ONU. Ce qui développe en elle le goût de la géopolitique et des relations internationales ; l’envie de comprendre comment se jouent les grandes forces et (dés)équilibres de ce monde complexe.

Elle avait auparavant validé une Licence bilingue de Droit et de Sciences politiques du Monde hispanique à l’Université Toulouse Capitole, et mené en parallèle un cursus (en catalan !) de sciences politiques et droit à l’Universitat Autonoma de Barcelona.

Passionnée par la défense et les relations internationales, elle s’était spécialisée et avait décidé de suivre un Master 1 à l’Université de Lyon III en Sécurité et Défense, en 2012, puis un Master 2 en Sécurité internationale et Défense – qui traite aussi de l’économie de la sécurité, de l’industrie de l’armement, et de l’intelligence économique. Là, elle était rédactrice en chef de la revue AMEDIE’T (consacrée à ces sujets).

Elle enchaîne sur un séminaire en tant que jeune auditrice a l’IHEDN et, trouvant qu’elle n’a pas assez de cordes à son arc, entre de 2013 à 2016 en Master of Management a l’EM Lyon Business School, où elle planche en sujet de mémoire de recherche sur « le transhumanisme dans les industries de défense » ; excusez du peu. Elle regarde de près les questions liées au soldat augmenté, à l’intelligence artificielle dans les conflits. Et n’en dira pas plus.

Lieutenant de l’Armée de l’Air et de l’Espace

Avec un tel bagage, elle devient rapidement officier de réserve opérationnelle, Lieutenant de l’Armée de l’Air et de l’Espace, sur des sujets, et on la comprend, dont elle ne parlera pas non plus.

Elle s’intéresse alors à la place des femmes dans la cybersécurité. Elle communique de manière très naturelle sur ce sujet dans la vidéo de Simone Media et Kaspersky sur ce thème. Elle y décomplexe avec humour le fait d’être une « cyberwoman » sans en faire ni une antienne ni un cheval de bataille.

Ses vrais défis sont ailleurs : ce n’est pas le fait d’être une femme cyber qui la motive, c’est le fait d’avancer, de défricher de nouveaux terrains, de comprendre.

Louise Bautista se passionne pour la cryptomonnaie et la blockchain, écrit quelques articles, et devient en quelques années Secrétaire générale du Club français de la Cryptomonnaie.

Jamais à court d’une bonne idée, elle remet à l’honneur « son envie de raconter une histoire ». Elle travaille avec l’heureux Italien (un Napolitain) qui est tombé amoureux d’elle lorsqu’elle étudiait encore à l’EM Lyon, sur une peluche nommée Mangoose, dont elle écrit les aventures dans le genre de celles d’Amélie Poulain, et que l’on peut acheter. Avec de la cryptomonnaie.

Une femme engagée

Louise Bautista est par définition une femme engagée, que rien n’arrête. Après avoir commencé chez Sogeti Capgemini, elle travaille un temps chez YesWeHack avant de rejoindre TheGreenBow comme Regional Sales Manager. Un seul hic : elle se trouve à ce moment-là à Malte.

Son nouveau job avec une entreprise française de cybersécurité commence donc par un isolement de quatre mois sur une île en pleine Méditerranée. Ce qui ne la perturbe pas plus que cela : « TheGreenBow m’a envoyé un ordinateur par avion et, comme l’île était isolée, la situation sanitaire a été très vite maîtrisée ».

Porter haut et fort le drapeau de la souveraineté numérique. Un enjeu sur lequel elle ne transige pas en termes de sécurité nationale.

Elle teste donc pour elle-même les solutions de VPN que propose TheGreenBow qui, tient-elle à le préciser, le distribue gratuitement pendant toute la pandémie aux entreprises qui en font la demande. Des mairies, des écoles, des bibliothèques, totalement perdues au début de la crise, utilisent la solution, ce qui lui permet – parce qu’elle est une femme d’engagements – de contribuer au lancement de l’opération « Le VPN français » pour défendre les couleurs de son entreprise et de porter haut et fort le drapeau de la souveraineté numérique. Un enjeu sur lequel elle ne transige pas en termes de sécurité nationale, et pour lequel elle a d’ailleurs été auditionnée à l’Assemblée nationale.

Louise Bautista a le sens de l’engagement. Elle allie un réel courage et une curiosité insatiable pour voir comment va le monde – doublé d’une grande capacité à le comprendre et à vouloir le raconter.

Une anecdote permet de mieux comprendre qui est Louise Bautista. Elle a motivé TheGreenBow à signer le partenariat réserve-entreprise-défense, qui donne une place légale au statut de réserviste dans une entreprise et permet de mener les missions de manière transparente avec l’employeur.

Lors de la cérémonie, le CEMA alors en poste, le Général François Lecointre, se félicite de cette coopération tant attendue. Le directeur général délégué de TheGreenBow, Mathieu Isaia, enchaîne et demande à Louise Bautista un discours totalement improvisé.

Une semaine auparavant, elle participait à la Paris Cyber Week organisée par Sébastien Garnault et la Cybertaskforce et discutait avec l’ambassadeur du Kosovo en France, Qëndrim Gashi.

Pas démontée, la jeune femme parle de sa voix inimitable, posée et grave, sans être impressionnée, mais sans non plus tirer une gloire facile. Léger détail, Louise Bautista était alors déjà enceinte de 7 mois, ce qui n’a perturbé personne dans cette mâle assemblée.

La Lieutenante de l’Armée de l’Air et de l’Espace s’est mariée, rayonnante, deux jours plus tard, sous les plafonds de la mairie du 3e arrondissement de Paris. Elle a juste 30 ans.

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