Cet article fait partie de notre guide: Les enjeux de l’informatique quantique

L’avancée spectaculaire d’une université suédoise en informatique quantique

L’Université de technologie Chalmers a réussi à simplifier la mesure des températures des ordinateurs quantiques, ce qui doit permettre de réduire drastiquement leur taux d’erreur.

L’université de technologie suédoise Chalmers a réussi une percée extraordinaire en matière d’informatique quantique. Elle a mis au point un nouveau thermomètre à même de mesurer simplement et rapidement les températures lors des calculs quantiques. De cette découverte découle un outil de mesure très sophistiqué dont l’intérêt est surtout d’accélérer les travaux de l’université en vue d’élaborer un ordinateur quantique fonctionnel.

L’université Chalmers mène en l’occurrence le projet OpenSuperQ sous la tutelle de l’institut de recherche The Wallenberg Centre for Quantum Technology (WACQT), son principal partenaire technologique. Le WACQT s’est fixé pour objectif de construire un ordinateur quantique à même de réaliser des calculs précis d’ici à 2030.

Mais côté technique, ce projet ambitieux exige des circuits supraconducteurs et au moins 100 qubits parfaitement fonctionnels. Pour concrétiser cette idée, le projet OpenSuperQ devra disposer d’un processeur affichant une température de fonctionnement proche du zéro absolu, soit -273,14 °C (moins de 10 millikelvins). Travailler à la température la plus basse possible minimise en effet le risque d’introduction d’erreurs dans les qubits. Encore fallait-il s’assurer que cette température était maintenue.

Fiabiliser les signaux qui arrivent au processeur quantique

Pour les chercheurs, il s’agit de veiller à ce que les guides d’ondes – des câbles coaxiaux qui amènent les ondes jusqu’au processeur quantique – ne transportent pas de bruit dû à l’agitation thermique des électrons au-dessus des impulsions qu’ils envoient. Pour cela, les impulsions micro-ondes propagées par les guides d’ondes jusqu’au processeur quantique sont réfrigérées à des températures extrêmement basses durant leur trajet. 

Les chercheurs devaient ensuite mesurer précisément la température des champs électromagnétiques à l’extrémité froide des guides d’ondes, le point où les impulsions de contrôle sont délivrées aux qubits de l’ordinateur. Or, jusqu’à récemment, les chercheurs ne pouvaient mesurer cette température qu’indirectement, avec un retard relativement important. Désormais, le nouveau thermomètre des chercheurs de Chalmers permet de mesurer des températures très basses directement à l’extrémité réceptrice du guide d’ondes, avec une très grande précision et une très haute résolution temporelle.

« Notre thermomètre est un circuit supraconducteur directement connecté à l’extrémité du guide d’ondes mesuré. »
Simone GasparinettiProfesseur agrégé, laboratoire de technologie quantique, Université Chalmers

« Notre thermomètre est un circuit supraconducteur directement connecté à l’extrémité du guide d’ondes mesuré », explique Simone Gasparinetti, professeur agrégé au laboratoire de technologie quantique de Chalmers. « Il est relativement simple et est probablement le thermomètre le plus rapide et le plus sensible pour cet usage particulier, à l’échelle des millikelvins ».

« Le nouveau thermomètre mis au point par l’université offre aux chercheurs un outil de grande valeur pour mesurer l’efficacité des systèmes », ajoute Per Delsing, professeur au département de microtechnique et nanosciences de Chalmers, et directeur du WACQT.

« Une certaine température correspond à un nombre donné de photons thermiques, sachant que ce nombre décroît exponentiellement avec la température », poursuit-il. « Si nous réussissons à abaisser la température à 10 millikelvins sur l’extrémité où le guide d’ondes rencontre le qubit, le risque d’erreurs dans nos qubits est considérablement réduit ».

Dans le cadre du projet OpenSuperQ, l’université a un rôle important à jouer. Elle est chargée de développer les algorithmes applicatifs à exécuter sur l’ordinateur quantique OpenSuperQ. Elle soutiendra aussi le développement des algorithmes destinés à la chimie quantique, à l’optimisation et au Machine Learning.

Chalmers mettra tout en œuvre pour améliorer la cohérence quantique des puces en couplant une multitude de qubits, au niveau de la conception du matériel, du développement du processus, de la fabrication, de l’emballage et des tests. Elle conduira aussi des recherches pour évaluer la performance des portes 2-qubit, pour mettre au point des méthodes avancées de contrôle des qubits, afin d’éviter les erreurs systématiques et incohérentes, et pour garantir que la fiabilité attendue des portes logiques sera atteinte.

L’enjeu de mettre la Suède à l’avant-garde des technologies quantiques

Hébergé par le pôle de recherche de l’université Chalmers, situé à Göteborg, le projet OpenSuperQ a été lancé en 2018 et doit prendre fin en 2027. En plus de l’université Chalmers, le WACQT collabore également sur ce sujet avec l’Institut royal de technologie de Stockholm (Kungliga Tekniska Högskolan) et avec d’autres universités partenaires à Lund, Stockholm, Linköping et Göteborg.

Le financement du projet OpenSuperQ, géré par le WACQT, est assuré par la Fondation Knut et Alice Wallenberg avec vingt autres sociétés privées suédoises. Il s’élève actuellement à 1,3 milliard de couronnes suédoises, soit 128 millions d’euros. En mars, la Fondation a doublé son engagement financier en investissant 80 millions de couronnes suédoises par an sur les quatre prochaines années.

Ce nouveau coup de pouce de la Fondation permettra à l’équipe de recherche du WACQT de se développer. L’organisme vise à recruter 40 autres chercheurs pour le projet OpenSuperQ d’ici à 2022. Une nouvelle équipe sera chargée d’étudier les dispositifs nanophotoniques permettant d’interconnecter plusieurs petits processeurs quantiques dans un ordinateur quantique plus imposant.

Le groupe Wallenberg regroupe seize fondations publiques et privées. Chaque année, ces fondations allouent environ 2,5 milliards de couronnes suédoises aux projets de recherche dans des domaines variés, comme la technologie, les sciences naturelles et la médecine, en Suède.

Le projet OpenSuperQ vise à placer la Suède à l’avant-garde des technologies quantiques (informatique, détection, communication et simulation), confie Peter Wallenberg, président de la Fondation Knut et Alice Wallenberg.

« La technologie quantique offre un potentiel énorme, il est donc essentiel que la Suède dispose de l’expertise nécessaire dans ce domaine. Le WACQT constitue un environnement de recherche de grande compétence et collabore avec des grands noms de l’industrie suédoise. Il a réussi à développer des qubits dont la capacité à résoudre des problèmes n’est plus à démontrer. Nous pouvons aller de l’avant en faisant pleinement confiance aux réalisations du WACQT. »

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