
Quantique : la vraie suprématie de D-Wave ? Éviter le bruit
Alors que le constructeur canadien essuie une pluie de critiques de la part du milieu scientifique, suite à sa revendication de suprématie quantique, la technologie qu’il met en œuvre a le mérite de mieux s’attaquer aux dysfonctionnements qui plombent le secteur.
Depuis son apparition sur le marché en 2007, le constructeur d’ordinateurs quantiques canadien D-Wave passe son temps à s’arroger des primeurs mondiales et le monde scientifique les remet systématiquement en doute. C’est une nouvelle fois le cas avec l’annonce de la première « suprématie quantique au monde » atteinte par son dernier-né, l’ordinateur quantique Advantage2.
Sitôt l’annonce parue, des chercheurs de l’Université de New York démontraient que la supposée prouesse – déterminer le meilleur moyen d’agencer des molécules pour composer du verre, en 20 minutes et en consommant seulement 12 kWh d’énergie, alors qu’il faudrait un million d’années au supercalculateur américain Frontier – pouvait s’exécuter en deux heures sur un simple PC portable.
Interrogé par le magazine NewScientist, D-Wave rétorque que l’algorithme de ces chercheurs a le défaut de ne pas évaluer toutes les configurations, au contraire de l’Advantage2. De fait, les chercheurs expliquent dans leur article que le problème en question se résout en n’évaluant que les configurations… possibles.
Des chercheurs de l’université EPFL, à Lausanne, expliquent quant à eux que ce problème peut rapidement être résolu sur un ordinateur classique si on utilise la bonne méthode pour le faire : une fonction d’onde. En clair, l’ordinateur quantique de D-Wave serait très efficace pour faire ce qu’il ne faut pas faire.
Pour autant, l’architecture de D-Wave n’est pas dénuée d’intérêt. Selon les spécialistes, elle serait la seule à savoir protéger efficacement les ordinateurs quantiques contre ce qui les mine le plus : le bruit quantique.
Une architecture hors pair pour des qubits plus résistants au bruit
Le principe de l’ordinateur quantique est de trouver en une seule itération la solution qui se combine le mieux à un problème, alors qu’un ordinateur classique doit évaluer toutes les possibilités une à une jusqu’à trouver la bonne. Pour ce faire, l’ordinateur quantique utilise des particules qui se trouvent dans tous les états physiques possibles (qubits) et qui se gèlent dans l’état le plus optimal (le résultat) face à une configuration physique qu’on leur impose (le problème).
Le problème habituel de l’ordinateur quantique est que les qubits se gèlent souvent prématurément dans un état qui n’a pas de rapport avec la configuration physique qu’on veut leur soumettre, juste parce que l’environnement est parcouru de « bruit », soit des photons qu’on ne contrôle pas.
Pour éviter cet écueil, D-Wave a mis au point tout un système qui protège les qubits. Il utilise des électrons agencés en anneau qui s’attirent deux à deux tant que la température est proche du zéro absolu et qui ne se mettent à tourner dans un sens ou dans l’autre autour de l’anneau qu’à partir d’un certain niveau d’énergie. Le sens de rotation du courant dans l’anneau détermine la valeur finale du qubit : 0 ou 1. L’astuce est qu’un simple photon ne peut suffire pour faire tourner les électrons.
L’architecture de D-Wave permet aussi d’agencer plus facilement un grand nombre de qubits, soit des anneaux posés les uns à côté des autres. Ces anneaux sont séparés par un isolant, qui ne fonctionne lui aussi que jusqu’à un certain niveau d’énergie. Au-delà d’un certain niveau dans un anneau, son énergie (ses photons) peut traverser l’isolant pour influencer l’énergie de l’anneau le plus proche, ce qui influence la direction dans laquelle ce second anneau va aussi se mettre à tourner.
Mais pour exécuter des algorithmes qui ne sont pas forcément pertinents
La programmation passe par l’envoi simultané d’un champ magnétique précis par anneau et par l’augmentation graduelle de l’énergie de ces champs. L’ensemble de ces champs magnétiques encode le problème à résoudre. Le sens de rotation du courant dans chacun des anneaux forme les bits de la solution. Il s’agit en l’occurrence du niveau minimum d’énergie à partir duquel chaque qubit a décidé de prendre une valeur définitive, combiné à ces valeurs définitives.
Si l’architecture de D-Wave a le mérite de produire des ordinateurs quantiques bien plus stables que tous les autres, elle a aussi le défaut d’être très compliquée à programmer. Pire, selon certains observateurs, elle ne permettrait de présenter les problèmes à résoudre que d’une certaine manière, qui ne serait pas la plus optimale.
En substance, l’ordinateur quantique de D-Wave fonctionne comme un ordinateur classique : il évalue toutes les possibilités jusqu’à s’arrêter sur la bonne. Sauf que cette évaluation ne demande pas de calcul. La solution étant juste le niveau d’énergie qui bloque le système, elle est déterminée plus rapidement que sur un ordinateur classique. Reste que, dans de nombreux cas, il suffit d’un peu d’ingéniosité mathématique pour ne pas demander à un ordinateur classique d’évaluer toutes les possibilités. Et, dès lors, plus besoin d’Advantage2.