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Une étude repositionne le carbone comme candidat idéal pour des qbits stables

La startup française C12 a passé en revue les « usual suspects » qui provoquent la décohérence dans son approche à base de nanotubes en carbone. Résultat, en suspendant ces nanotubes, le temps de cohérence est multiplié par cent. « Un tournant », selon le CTO de C12.

Quel est le meilleur « matériaux » pour construire des systèmes informatiques quantiques stables ? C’est une des grandes questions actuelles qui traverse le monde l’informatique quantique. La startup française C12, elle, a misé sur le carbone.

Des nanotubes de carbone pour piéger les électrons

Le pari semble être prometteur à la lumière d’une étude scientifique qu’elle vient de publier dans Nature Communications sur des nanotubes en carbone.

Ces « pièges » quantiques sont conçus pour isoler un électron. Chaque nanotube est par ailleurs placé dans une boîte de résonance pour micro-ondes – « une cavité » – connectée à des électrodes ferromagnétiques.

L’idée générale est d’utiliser les photons des micro-ondes dans la cavité pour manipuler l’état quantique de l’électron piégé dans le nanotube.

Problème de cette approche, le temps de cohérence (durée pendant laquelle la particule garde ses propriétés de superposition) dans ces « boîtes » quantiques – qu’elles soient en silicium ou en carbone – est relativement court. Pour le carbone, il est de l’ordre de 10 nanosecondes.

Une innovation pour un temps de cohérence 100 fois plus long

Mais une innovation pourrait changer la donne et faire passer ce temps de cohérence à 1,3 microseconde, soit 100 fois plus long que précédemment et 10 fois plus long que le temps obtenu avec le silicium dans des conditions comparables.

« La cohérence exceptionnelle obtenue confirme que nous avons fait le bon pari technologique. »
Matthieu DesjardinsCTO et cofondateur de C12

L’avantage est que ce résultat est obtenu sans avoir besoin d’un champ magnétique externe extrêmement puissant et à une température relativement « chaude » de 300 millikelvins.

Pour y arriver, les chercheurs ont passé en revue plusieurs « usual suspects » qui provoquent la décohérence : l’effet Purcell, bruit électrique ambiant, spins nucléaires liés au carbone 13, les vibrations alias les phonons.

Verdict, c’est un autre suspect qui serait le principal coupable : le mécanisme dit de « co-tunneling ».

Le co-tunneling est une interaction entre l’électron piégé dans le nanotube et les électrons des électrodes métalliques connectées au nanotube. La limite actuelle viendrait donc des connexions qui sont pourtant nécessaires pour manipuler l’électron.

Des nanotubes suspendus

D’où l’idée de suspendre les nanotubes.

Une piste complémentaire envisagé (mais pas mise en œuvre dans l’expérience) consisterait à « purifier » les nanotubes en n’utilisant que du carbone 12, qui contrairement à son isotope à 7 neutrons, n’a pas de spin nucléaire.

En résumé, avec cette approche, les nanotubes de carbone entreraient dans la cour des candidats sérieux – ou tout cas plausibles – pour faire des qubits.

« La cohérence exceptionnelle obtenue confirme que nous avons fait le bon pari technologique », en conclut en tout cas déjà Matthieu Desjardins, CTO et cofondateur de C12 qui n’hésite pas à parler de véritable « tournant » pour cette publication.

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