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En 2022, l’IA sera infusée et responsable (Forrester)

Responsable, immersive, créative et embarquée, ce sont les termes choisis par les analystes de Forrester Research pour qualifier la « prochaine vague de l’intelligence artificielle » qui déferlera sur les entreprises. Seulement trois des prédictions semblent réalisables en 2022.

Comme un air de fête. La fin d’année approchant, les analystes ressortent leur boule à neige de cristal pour anticiper le futur des technologies. Évidemment, l’IA se prête aisément à ce genre de prédictions, et Forrester Research ne s’est pas privé pour tenter d’identifier les grandes tendances qui animeront ce secteur. D’autant que le cabinet estime que « les deux dernières années ont donné à l’adoption de l’IA dans l’entreprise l’élan dont elle avait besoin pour devenir encore plus essentielle à l’avenir ».

L’IA à l’heure du (presque) temps réel

Ainsi, en 2022, une organisation sur cinq redoublera d’efforts en matière d’IA embarquée et d’adoption du temps réel. « Nous nous attendons à ce que l’utilisation de système temps réel infusé à l’IA augmentera de 20 %, ce qui permettra de supprimer la latence entre la production d’indicateurs, les décisions et leurs résultats », avancent les analystes de Forrester. Notons que le cabinet a une vision élargie de la notion d’embarquée. D’ailleurs, il préfère évoquer « l’AI Inside » pour expliquer le fait que les algorithmes de machine learning s’immisceront à la fois dans les SI, les processus des sociétés et dans les baristas connectés Nespresso de Nestlé. Or s’il y a bien une tendance à l’infusion des techniques de data science dans les activités des entreprises, le principe de temps réel est tout relatif. La plupart des éditeurs parlent plutôt le « presque temps réel », car les systèmes associés peuvent renvoyer les résultats en quelques secondes à plusieurs minutes.

« Nous prévoyons que le marché de l’automatisation intelligente des processus atteindra 21,7 milliards de dollars avec un taux de croissance annuel de 12,4 % entre 2021 et 2028, en raison de la prolifération de l’IA dans les entreprises ».
Forrester ResearchCabinet de conseil

Pourtant, Forrester Research affirme que l’intérêt autour de l’architecture orientée événements, « l’épine dorsale applicative de l’IA », a crû de 8 points de pourcentage l’année dernière, selon un sondage Forrester Analytics. Si le cabinet entretient une forme de confusion sur cette notion d’instantanéité, il a bien une vision opérationnelle de l’IA, portée par l’automatisation des processus et donc l’inférence de modèles d’IA mêlée à l’activation de moteur de règles au sein des workflows des entreprises. En outre, ce phénomène bénéficiera aux éditeurs et aux fournisseurs capables d’apporter des solutions compatibles avec les SI en place. « Nous prévoyons que le marché de l’automatisation intelligente des processus atteindra 21,7 milliards de dollars avec un taux de croissance annuel de 12,4 % entre 2021 et 2028, en raison de la prolifération de l’IA dans les entreprises ».

L’IA responsable, un marché en devenir pour les éditeurs

Le secteur profitera également de l’intérêt pour « l’IA responsable ». Selon Forrester, ce marché d’une valeur estimée à 75 millions de dollars doublera de volume en 2022. Les entreprises poussent notamment des exigences de transparence et d’équité, mais le renforcement des régulations semble le principal moteur de cette tendance. Les analystes vont même jusqu’à anticiper le rachat de deux spécialistes, TruEra et CognitiveScale, par des fournisseurs comme Microsoft, Google ou encore DataRobot, qui souhaitent optimiser leur catalogue en la matière.

En France, ce ne sont pourtant pas les éditeurs qui dominent les discussions en la matière : les banques, les assurances et les industriels y vont de leur propre initiative en s’appuyant sur des projets open source et l’aide des ESN. La MAIF développe la bibliothèque SHAPASH permettant de renforcer l’explicabilité de ses modèles de recommandations de produits, entre autres. La Banque Postale mène une initiative similaire avec Telecom Paris, tandis que Numeum et ses partenaires dont Devoteam, Orange Business Services, Sage, Datavaloris ou encore Keyrus poussent l’initiative Ethical AI. Les éditeurs, eux, peuvent offrir des capacités d’auditabilité, ou intégrer ces outils open source pour détecter des biais, par exemple. Le cabinet n’insiste pas sur le fait que l’IA responsable est une pratique qui concerne toutes les entreprises avant d’être un marché.

Les designers et les testeurs Q&A appelés en renfort

Cette immixtion de non-experts dans les équipes d’IA concerne également le design des applications grand public embarquant de l’IA, selon le cabinet d’analyse. En ce sens, pas moins de 15 % d’entreprises « non technologiques » embarqueront des compétences de design et de test dans leurs équipes de data science. Ces organisations suivront le chemin tracé par les « GAFAMS » (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et Salesforce – acronyme piqué à Frédéric Plais, PDG de Platform.sh), Netflix et Adobe.

Ainsi, 17 % des développeurs interrogés par Forrester Analytics utilisent l’IA et le machine learning pour tester des applications intégrant de l’IA. Surtout, le cabinet d’analyse prévoit qu’en 2022 entre 5 et 10 % des responsables de la qualité logicielle participeront à l’effort de Q&A nécessaire à la mise en production de ces applications infusées. Ce pourcentage paraît faible et ne semble pas justifier une tendance. Il s’agit en réalité d’une recommandation : les analystes du Forrester exhortent les organisations à inclure les testeurs et les designers au sein de leurs équipes responsables des projets IA.

Métavers et IA créatrices : Forrester prend de l’avance

Les deux autres prédictions relatives à l’IA créative et immersive sont plus discutables. Forrester Research prédit les prémices du métavers en entreprise présentée « comme la convergence du physique et du numérique », et qui n’a donc rien de très différent du concept de phygital. En cela, la vision 3D artificielle (« Computer vision 3D »), c’est-à-dire la capture Lidar, la reconstruction ou la génération d’images en trois dimensions propulsées par l’IA, facilitera « plus de cinq déploiements ». Il faudra d’abord développer cette technologie avant la démocratisation de ce qui est aujourd’hui, tout au plus, le nom d’un catalogue de produits chez Microsoft Azure. En revanche, les analystes prévoient l’éclatement de la bulle du métavers grand public, en l’absence de régulations consacrées aux cryptomonnaies, de connectivité limitée et de véritables solutions pour contrer les vertiges provoqués par les casques de réalité virtuelle.

Enfin, les analystes entrevoient l’émergence d’IA détenant des brevets d’invention, tout cela parce que DABUS, un système d’IA déployé par le chercheur américain Stephan Thaler, est la première intelligence artificielle reconnue comme la propriétaire de deux brevets en Afrique du Sud et en Australie, alors que ce droit lui a été refusé au Royaume-Uni, aux États-Unis et par l’European Patent Office (EPO). Pourtant, Forrester Research estime que cela ouvre la voie à une reconnaissance et la protection légale des produits, outils ou contenus créés par des IA appartenant à des personnes morales ou physiques. Là encore, une telle prédiction peut provoquer un large débat en matière de propriété intellectuelle et d’éthique.

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