Jakub Jirsk - Fotolia

Alteryx s’apprête à acquérir Trifacta pour 400 millions de dollars

L’acquisition dont la clôture est prévue au premier trimestre 2022 doit apporter des capacités cloud natives à la plateforme d’Alteryx et lui permettre d’accélérer son passage au cloud.

Alteryx a conclu un accord définitif pour l’acquisition de Trifacta pour 400 millions de dollars, dans le but de hâter sa transition vers le cloud.

Alteryx effectuera l’achat en espèces, et la transaction devrait être finalisée au cours du premier trimestre de 2022, a précisé l’éditeur le 6 janvier dernier.

« Alteryx établira également un pool de rétention de 75 millions de dollars qui sera accordé sous forme d’unités d’action restreintes aux anciens employés de Trifacta », peut-on lire dans un communiqué de presse.

Alteryx, fondé en 1997 et basé à Irvine, en Californie, est un spécialiste de la gestion de données. Sa plateforme, Analytics Process Automation, est conçue pour automatiser certaines parties du processus de gestion et de préparation des données avant leur visualisation et leur analyse.

Fin 2021, Alteryx a fait l’acquisition d’Hyper Anna, un éditeur australien dont les outils génèrent automatiquement des indicateurs issus de l’IA à partir des données. Toujours fin 2021, Alteryx a renforcé son partenariat avec le spécialiste de la RPA UiPath pour améliorer ses propres capacités d’automatisation, et a racheté Lore IO pour ajouter la modélisation automatisée des données.

Trifacta, quant à lui, a été fondé en 2012 et est basé à San Francisco. Trifacta est spécialisé dans le traitement des données, permettant aux utilisateurs de trouver rapidement et facilement les données pertinentes et de haute qualité dont ils ont besoin, et de transformer automatiquement ces données dans un format digeste.

Les outils de Trifacta peuvent être déployés à la fois dans le cloud et sur site, et il dispose de fonctionnalités cloud natives construites pour les principaux entrepôts de données en cloud, notamment ceux de Google Cloud Platform, d’AWS et de Microsoft Azure.

Entremêler les fonctionnalités

En acquérant Trifacta, Alteryx – qui n’a présenté sa première fonctionnalité « cloud native », Alteryx Designer Cloud, qu’en 2021 – va acquérir de nouvelles fonctionnalités « cloud natives » importantes, selon Jay Henderson, vice-président de la gestion des produits chez Alteryx.

« Nous sommes très intéressés par la complémentarité des solutions d’Alteryx et de Trifacta », déclare-t-il. « Cela nous permet d’étendre notre pile de technologies analytiques et de gestion de données basées sur le cloud ». Trifacta est une entreprise « cloud-native », « cloud-first », et c’est un ajout passionnant pour nous. Au fur et à mesure que nous avançons, cela crée une plateforme back-end instantanée… qui est multicloud dès le départ. »

Pour être exact, le spécialiste du Data Wrangling a amorcé ces approches avant Alteryx. Trifacta a pris le virage du cloud dès 2017, en signant un partenariat avec GCP pour motoriser l’offre Google Cloud DataPrep et en rendant disponibles ses outils sur la marketplace d’AWS, avant de faire de même sur Microsoft Azure en 2018.

En outre, Jay Henderson ajoute que Alteryx et Trifacta – bien que leurs clients se chevauchent – s’adressent à des publics différents : Alteryx est historiquement utilisé par les analystes et les dirigeants d’entreprise ; Trifacta par les services informatiques et les data engineers.

« Comme les organisations recherchent une plateforme de bout en bout pour la préparation et l’ingénierie des données, la combinaison va nous permettre d’apporter une plateforme unique sur le marché qui peut répondre aux besoins de différents personas au sein d’une organisation », déclare-t-il.

un flux automatisé sur la plateforme APA
Comment Alteryx compte combiner sa plateforme APA avec les capacités RPA de UiPath.

Une bonne combinaison, selon deux analystes

« Il y a quelques zones évidentes de chevauchement, mais il y a aussi de véritables synergies possibles. »
David MenningerAnalyste, Ventana Research

Malgré les capacités cloud natives qu’apportera l’acquisition de Trifacta, et la façon dont il pourrait accélérer le passage au cloud d’Alteryx, les observateurs ont eu des réactions mitigées à l’égard de la transaction.

David Menninger, analyste chez Ventana Research, affirme qu’Alteryx et Trifacta se complètent bien et que, comme l’avance Jay Henderson, l’ajout de Trifacta a le potentiel d’accélérer la transformation d’Alteryx vers le cloud.

« Il y a quelques zones évidentes de chevauchement, mais il y a aussi de véritables synergies possibles », déclare-t-il. « Trifacta est plus fort dans le data engineering et Alteryx est plus à son aise dans ce que j’aime appeler l’analyticOps. De plus, Trifacta a pivoté plus rapidement et plus totalement vers le cloud, ce qui devrait aider à renforcer les capacités cloud d’Alteryx. »

De même, Mike Leone, analyste chez Enterprise Strategy Group, a noté que l’acquisition de Trifacta devrait profiter à Alteryx.

Bien que les deux offrent des capacités de préparation de données, Alteryx s’est concentré sur l’automatisation tandis que Trifacta s’est focalisé sur le cloud, et les éditeurs s’accordent donc bien.

« Avec cette acquisition, Alteryx va doubler ses capacités existantes de préparation de données, mais aussi bénéficier de l’expertise précieuse de Trifacta dans la mise en place de capacités cloud plus robustes », avance Mike Leone.

Un avis divergeant

Mais si David Menninger et Mike Leone voient d’un bon œil cette acquisition, Donald Farmer, fondateur et directeur de TreeHive Strategy, considère qu’il s’agit d’une erreur.

Selon lui, Alteryx a eu du mal à intégrer les éditeurs qu’il a acquis ces dernières années, et le fait d’ajouter une autre pile technologique à son serveur compromettra davantage son architecture.

En outre, Donald Farmer s’inquiète de la manière dont l’éditeur prévoit de s’appuyer sur les logiciels qu’il a acquis, tout en travaillant simultanément sur les problèmes liés au passage au cloud et sur l’intégration avec des bases de données et des entrepôts de données en cloud.

« Ils [Alteryx] ont accumulé beaucoup de dettes techniques autour de l’intégration de leur portefeuille de logiciels. »
Donald FarmerFondateur et directeur, TreeHive Strategy

« Il s’avère que la réponse est d’acheter une autre société, qui fait de l’intégration de données en cloud, et cela me semble une erreur », tranche Donald Farmer. « Ils [Alteryx] ont accumulé beaucoup de dettes techniques autour de l’intégration de leur portefeuille de logiciels. Je suis donc très pessimiste à ce sujet. »

Donald Farmer renchérit en affirmant que si l’acquisition de Trifacta peut aider Alteryx à passer au cloud, la priorisation du cloud chez Alteryx a été étonnamment lente.

Ces dernières années, des éditeurs tels que Qlik, MicroStrategy et ThoughtSpot sont tous passés de solutions sur site à des capacités cloud natives, tandis que d’autres, comme Domo, les ont depuis leurs débuts.

« Les data warehouses en cloud ne sont pas vraiment nouveaux », avance Donald Farmer. « Et pourtant, Alteryx cherche encore des moyens [de passer au cloud] – sans travailler sur les moyens de le faire, sans fournir des solutions fondées sur le cloud sur la base de leur architecture et produits existants ».

« Ils ne savaient pas comment résoudre ce problème… et il s’avère que le moyen qu’ils ont choisi n’est pas de réparer leur propre logiciel », poursuit-il. « Ils ont préféré racheter un autre logiciel à intégrer dans leur portefeuille ».

Alteryx réfute les critiques

Suresh Vittal, chef de produit d’Alteryx, reconnaît que la critique de Donald Farmer est prise au sérieux par l’éditeur.

Il fait toutefois remarquer qu’Alteryx a remanié sa direction au cours des 15 derniers mois et que le passé est le passé. Mark Anderson a pris le poste de PDG en octobre 2020, alors que Vittal et Henderson – entre autres – sont chez Alteryx depuis moins d’un an.

En outre, Suresh Vittal rappelle qu’Alteryx prévoit de dépasser les projections financières pour le quatrième trimestre fiscal 2021.

Bien que ses résultats n’aient pas encore été publiés, l’éditeur anticipe que le chiffre d’affaires du quatrième trimestre clos le 31 décembre 2021 devrait être supérieur aux prévisions précédentes de 163 à 168 millions de dollars, et que le chiffre d’affaires annuel récurrent du trimestre devrait dépasser l’estimation précédente de 635 millions de dollars.

« Nous avons énoncé très explicitement nos objectifs pour aider nos clients à piloter l’automatisation de l’analytique, et nos résultats au cours d’une année de transformation montrent que nous avons retrouvé une trajectoire de croissance », assure Suresh Vittal. « Une nouvelle équipe de direction trace une nouvelle voie. Je comprends le ressenti [de Donald Farmer] concernant les acquisitions antérieures, mais nous formulons une stratégie claire sur la façon dont nous voulons mener les intégrations. »

Il reconnaît que les intégrations sont difficiles et que les dirigeants d’Alteryx ne les prennent pas à la légère.

« Nous sommes de nouveau sur une trajectoire de croissance, et nous avons des clients qui aiment nos produits », répète le Chief Product Officer. « Ce que Trifacta ajoute, c’est la capacité de créer de la valeur encore plus rapidement ».

Une feuille de route portée par le cloud

À l’avenir, Alteryx prévoit de continuer à investir massivement dans ses applications desktop et serveurs existantes tout en développant ses capacités cloud-natives, selon Vittal.

« Comme la gravité des données se déplace vers le cloud, et que l’analytique doit être là où se trouvent les données, nous devons amplifier nos investissements dans le cloud », annonce-t-il. « C’est la raison pour laquelle nous avons dévoilé Designer Cloud ».

Outre Designer Cloud, dont la disponibilité générale est prévue dans un avenir proche après une version limitée, M. Henderson signale qu’Alteryx s’apprête à lancer une deuxième fonctionnalité en cloud – Alteryx ML – en disponibilité générale.

L’éditeur compte également ajouter de nouvelles capacités d’intelligence augmentée résultant de son acquisition d’Hyper Anna, selon Jay Henderson.

« Nous nous assurons que ces produits sont très étroitement intégrés », affirme-t-il. »Nous avons des choses passionnantes sur la feuille de route autour des thèmes du big data et du cloud que nous présenterons au cours des prochains mois. »

Enterprise Strategy Group est une division de TechTarget, également propriétaire du MagIT.

Pour approfondir sur Outils décisionnels et analytiques

Close