Rachat : Thoma Bravo ouvre un nouveau pan de l’histoire d’Anaplan

Thoma Bravo va acquérir le spécialiste de la planification dynamique d’origine anglaise Anaplan pour presque 11 milliards $. Le but est de mener sa cloudification, d’accélérer sa croissance et de le rendre profitable à l’horizon 5 à 10 ans.

Le fonds Thoma Bravo va racheter Anaplan pour 10,7 milliards de dollars.

Anaplan est un spécialiste de la planification dynamique ou « connectée », comme le décrit son marketing. Ses outils permettent de tester et de modéliser à la volée différentes hypothèses opérationnelles et financières. Ils servent aussi bien en amont des décisions stratégiques pour visualiser les conséquences multiples qu’elles peuvent avoir (RH, trésorerie, allocation des ressources de production, etc.) qu’en aval, pour piloter de manière flexible les opérations en s’adaptant aux aléas rencontrés dans les mises en œuvre.

Côté pile, Anaplan est un éditeur qui a fortement bénéficié de la pandémie ; les outils de planification étant particulièrement adaptés pour naviguer en période de flou et d’incertitudes. Côté face, la société s’est lancée dans de grands chantiers d’évolutions technologiques.

« Il y aura un seul grand gagnant dans la planification, et nous pensons que cela peut être nous. »
Holden SpahtUn des associés du fonds Thoma Bravo au WSJ

D’origine anglaise, Anaplan a été introduit à Wall Street (Nasdaq) en décembre 2018, à environ 24 $ l’action. Au plus fort de la crise de la pandémie, Anaplan cotait 83 $. Mais après avoir annoncé un ralentissement de sa croissance en novembre 2021, et dans le sillage de nombreuses autres valeurs IT et cloud, l’action d’Anaplan est retombée pour osciller, depuis, entre 41 $ et 48 $, soit un recul de 40 % à 50 % par rapport à son plus haut.

Autrement dit, la fonte de la valorisation d’Anaplan et son fort potentiel l’ont transformé en cible de choix pour Thoma Bravo.

« Il y aura un seul grand gagnant dans la planification, et nous pensons que cela peut être nous », confie un des associés du fonds, Holden Spaht, au Wall Street Journal. « Je ne vois pas d’autre occasion de ce type [sur le marché] ».

Une stratégie « à la Qlik » pour Anaplan

Spécialisé dans l’IT, Thoma Bravo possède un portefeuille fourni d’éditeurs (Proofpoint, Talend, etc.). Il gère un actif de plus de 100 milliards $, ce qui lui donne une force de frappe importante pour créer des synergies et développer ses rachats avec d’autres rachats.

Le fonds a par exemple récemment annoncé le retour en bourse de Qlik, le spécialiste de la BI qu’il avait racheté avant de l’enrichir avec d’autres acquisitions et de lui donner le temps de se cloudifier.

Le projet pour Anaplan devrait être sensiblement le même.

Des fonds pour rivaliser avec Oracle, Workday et SAP

Le président actuel de l’éditeur, Frank Calderoni, devrait continuer à assurer ses fonctions.

Il faudra cependant regarder ce point de près. Trois autres fonds – Corvex, Sachem Head et JS Capital Management (le fonds du fils de George Soros) – possèdent en effet 9 % du capital d’Anaplan. Pour eux, comme pour Thoma Bravo, Anaplan était « sous-évalué » et représentait certes « une opportunité d’investissement très intéressante », mais les trois fonds activistes ont aussi mis la pression sur le management de l’éditeur. Resteront-ils au capital ou sortiront-ils ? L’avenir le dira.

Du point de vue « technologie et marché », Gartner classe Anaplan dans les leaders de deux catégories de planification : FP&A (Financial Planning & Analysis) et Sales Performance Management.

Ses principaux concurrents dans ces domaines sont Oracle, Workday (Adaptive Insights), Tagetik ou encore les historiques SAP et IBM. Des acteurs qui ont tous (à l’exception de Tagetik ?) des moyens financiers supérieurs à Anaplan. Le soutien et les moyens de Thoma Bravo seront donc les bienvenus.

Vers une accélération prévisible de la croissance d’Anaplan

En janvier 2022, Anaplan affichait un chiffre d’affaires de 590 millions $ (contre 450 millions $ en 2020 et 350 millions $ en 2019), mais un résultat net négatif de -203 millions $ (-154 millions $ en 2020, et -150 millions $ en 2019).

Thom Bravo donnera du temps à Anaplan.

Le plus gros poste de dépense porte depuis plusieurs années sur les ventes et les frais généraux (à 480 millions $ en 2021), un investissement massif qui se traduisait en contrepartie par l’absence de dividende. Une situation qui ne pouvait plaire à long terme aux marchés. Être sous l’égide de Thoma Bravo donnera plus de temps à Anaplan pour mener à bien ses chantiers, dont le prioritaire reste de proposer sa suite sur différents clouds.

Thoma Bravo a donc racheté un Anaplan prometteur, en évolution, mais déficitaire, pour 18 années de revenus annuels.

Ce qui laisse entrevoir une stratégie de rationalisations de coûts et surtout de très forte accélération de la croissance pour transformer cette « opportunité » en réelle opération financière bénéficiaire, avec une revente ou un retour en bourse à horizon 5 à 10 ans. Il s’agit en tout cas du début d’un nouveau pan de l’histoire d’Anaplan.

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