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AVEVA rêve d’un jumeau numérique unique

Le groupe britannique, filiale de Schneider Electric, entend convaincre les industriels d’adopter son jumeau numérique unique alors qu’ils cherchent pour l’instant à visualiser les données et confier aux métiers des outils d’analytique prédictive à leur portée.

Amsterdam â€“ Lors de sa confĂ©rence, AVEVA PI World, AVEVA a rĂ©uni pas moins de 70 clients, invitĂ©s Ă  Ă©changer entre eux par son PDG, Peter Herwerck. Les clients rencontrĂ©s par la presse dans le cadre de l’évĂ©nement tiennent Ă  peu près le mĂŞme discours : les silos freinent grandement l’exploitation des donnĂ©es. « Les projets de data science n’ont pas tenu leur promesse Â», dĂ©clarent les porte-parole d’AVEVA, en Ă©cho Ă  cette rĂ©flexion.

Alors que d’autres acteurs, comme Databricks, voient le data lake comme le rĂ©ceptacle idĂ©al pour toutes ces informations, AVEVA considère que c’est le jumeau numĂ©rique qui permettra d’éventrer ses silos et transformer « les donnĂ©es brutes en prĂ©cieux indicateurs Â».

Selon l’éditeur, cela passe par la rĂ©union des donnĂ©es d’ingĂ©nierie, de production et de maintenance en provenance de ses produits (son catalogue compte quelque 150 rĂ©fĂ©rences) et de solutions tierces au sein d’un seul jumeau numĂ©rique.

Un jumeau numérique chez AVEVA, pas trois

« Le jumeau numĂ©rique doit ĂŞtre consacrĂ© Ă  la collaboration Â», affirme Amish Sabharwal, vice-prĂ©sident exĂ©cutif, ingĂ©nierie et simulation, chez AVEVA, lors d’une confĂ©rence de presse.

Cela tient possiblement à la définition que donne le responsable d’un tel dispositif.

« Nous pensons qu’un jumeau numĂ©rique est une chose simple qui consiste Ă  s’assurer que les donnĂ©es sont organisĂ©es de manière Ă  pouvoir les utiliser correctement Â», rĂ©sume-t-il.

« Chez un Ă©nergĂ©ticien ou un industriel lambda, il y a un dĂ©partement d’ingĂ©nierie, un service de maintenance, un service d’exploitation, et puis il y a la direction ainsi que les lignes de mĂ©tiers commerciales qui soutiennent ces trois piliers principaux Â», explique-t-il.

« Nous voulons mettre Ă  disposition des ingĂ©nieurs les donnĂ©es de conception, de maintenance et de production afin qu’ils arrĂŞtent de collecter des informations et qu’ils puissent enfin crĂ©er des indicateurs fiables Â».

« Je pense que beaucoup de gens ne voient le jumeau numĂ©rique que sous certains angles : celui de l’ingĂ©nierie, de la maintenance ou de l’exploitation Â», poursuit-il.

En observant le marchĂ©, Gartner distingue trois types de jumeaux numĂ©riques diffĂ©rents : les simples â€“ des rĂ©pliques d’actifs numĂ©riques â€“, les composites â€“ qui constituent la combinaison des processus et un ou plusieurs jumeaux numĂ©riques simples, puis des « jumeaux numĂ©riques d’entreprise Â», permettant de superviser et idĂ©alement optimiser les rĂ©sultats d’une organisation, Ă  travers la simulation.

Pour Amish Sabharwal, ce tableau représente plutôt l’approche des concurrents et des éditeurs présents dans le reste de l’écosystème industriel.

« Par exemple, SAP a un jumeau numĂ©rique, mais il est dĂ©diĂ© Ă  la maintenance. Honeywell ou Siemens parlent d’un digital twin des processus. D’autres entreprises, comme Bentley ou les Ă©diteurs CAO, Ă©voquent des jumeaux numĂ©riques, mais n’ont que l’optique du modèle 3D en tĂŞte Â», liste-t-il.

« Si l’on veut collaborer, il vaut mieux avoir un seul jumeau numĂ©rique qui permet de partager les informations entre les corps de mĂ©tiers, pas plusieurs. C’est ce que nous construisons en tant qu’éditeurs de logiciels Â», vante le responsable.

Pourtant, les clients d’AVEVA n’ont pas encore obtenu ce jumeau numĂ©rique unique. Trois d’entre eux â€“ ItalPresse Gauss, Lundin et ADNOC â€“ sont les reprĂ©sentants de ces catĂ©gories identifiĂ©es par Gartner. Le pĂ©trolier Shell, lui, dispose d’une trentaine de jumeaux numĂ©riques basĂ©s sur les technologies AVEVA pour environ 200 cas d’usage. AVEVA Ă©voque Ă©galement les projets d’Ynson, Saudi Aramco et Total Énergies.

Amish Sabharwal reconnaît qu’il est plus aisé de lancer un tel projet dans le cadre d’un déploiement greenfield, au moment de construire une nouvelle usine. Dans le cadre d’un déploiement brownfield, cela nécessite d’intégrer les données des systèmes et des équipements existants.

D’autant que les industriels peuvent intimer des projets de transition numérique globaux, mais laisser chacun des responsables de régions ou des sites de production décider la manière de le mettre en place.

Des problématiques de numérisation des données à régler

MĂŞme avant cela, il se peut que les Ă©quipements et les bâtiments n’aient aucune existence numĂ©rique. C’est pour rĂ©pondre Ă  ce dĂ©fi qu’AVEVA a annoncĂ© un partenariat avec deux Ă©diteurs : Assai, un spĂ©cialiste de la gestion documentaire industriel et NaaVis, le fabricant d’un scanner laser portatif ou sur chariot associĂ© Ă  une plateforme de traitements des donnĂ©es gĂ©ospatiales.

Le principe est Ă©tonnant : un ouvrier, un consultant d’un EPC (une entreprise chargĂ©e de l’ingĂ©nierie, de l’approvisionnement et de la construction du site industriel) ou un technicien dĂ©signĂ© par NaaVis parcourt l’ensemble des bâtiments Ă  pied afin d’en rĂ©aliser une capture photogrammĂ©trique dĂ©taillĂ©e. Les donnĂ©es 3D ainsi rĂ©coltĂ©es sont acheminĂ©es vers AVEVA Point Cloud Manager et Asset Information Management.

Si le procĂ©dĂ© paraĂ®t fastidieux, il permettrait de rĂ©aliser une première version d’un jumeau numĂ©rique en 60 jours.

« 90 Ă  95 % des installations industrielles ne sont pas documentĂ©es numĂ©riquement Â», affirme Peter Herweck. « Cette solution permet de rĂ©aliser un scanner laser des sites afin de situer les tuyaux, les pompes, et dĂ©tailler la nature des Ă©quipements en place. Cela s’avère très utile au moment de changer de machines Â», note le PDG.

« Cela permet aussi de planifier les travaux et les temps d’arrĂŞt de la production. Ce scan laser permet de mieux comprendre oĂą vous avez besoin d’installer un Ă©chafaudage, de sĂ©curiser un itinĂ©raire pour les collaborateurs qui passe par lĂ , etc. Â», complète Kim Custeau, APM Business Lead chez AVEVA.

Mais cela ne dit pas comment l’éditeur entend rassembler les donnĂ©es nĂ©cessaires Ă  crĂ©er ce jumeau numĂ©rique gouvernera toutes les donnĂ©es et permettra d’obtenir les ROI – financiers et Ă©nergĂ©tiques â€“ attendus par les industriels.

« L’ingrĂ©dient secret, c’est le graphe de connaissances Â», confie Amish Sabharwal au MagIT. Le graphe de connaissances ou (knowledge graph) est l’un des procĂ©dĂ©s issus des thĂ©ories des graphes utilisĂ©s comme un rĂ©seau sĂ©mantique pour lier des entitĂ©s, des objets, des actifs entre eux. Suivant sa profondeur (le nombre de relations et d’objets compris dans ce rĂ©seau), il est ensuite possible de prĂ©dire ou de simuler des risques, des pannes, ou tout autre Ă©vĂ©nement qui pourrait perturber la production d’un industriel. C’est la mĂŞme technique qui est utilisĂ©e par le Français Cosmo Tech ou Google dans son moteur de recherche.

Un gros travail d’intégration pour AVEVA et ses clients

La feuille de route d'AVEVA
La feuille de route d'AVEVA demeure particulièrement dense.

Ce Graal industriel n’est pas encore à la portée de tous. Ou alors ils se sont eux-mêmes penchés sur le problème comme l’a fait Metroscope, une startup née dans le giron EDF et qui a déployé son propre jumeau numérique de supervision de consommation énergétique chez une trentaine de clients.

Mais la plupart des clients de l’éditeur â€“ Sanofi, Michelin, Toyota Motor Europe, EDF, McDermott ou encore Kellogg’s â€“ entendent d’abord amĂ©liorer les intĂ©grations de donnĂ©es, apporter davantage de capacitĂ©s de visualisation de donnĂ©es, de prises de dĂ©cision aux mĂ©tiers et renforcer les projets d’analytique prĂ©dictive.

Tout comme ses clients, AVEVA doit encore mener des chantiers d’envergure, en premier lieu lier l’ensemble de ses produits de traitements de donnĂ©es et de conception Ă  PI System d’OSIsoft, rachetĂ© pour 5 milliards de dollars en 2020. En parallèle, il poursuit la montĂ©e vers le cloud de son catalogue de solutions HIM, SCADA, MES, de gestion d’actifs et de conception 3D vers le cloud (tout en s’assurant de l’accessibilitĂ© d’un mode hybride), Ă  travers ses partenaires, dont Microsoft Azure et AWS.

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