Digital Twin Alliance : le jumeau numérique pour les compagnies pétrolières

Aveva, Schneider Electric et le groupe Doris ont nommé leur partenariat Digital Twin Alliance. Les trois acteurs voient le jumeau numérique comme un moyen de planifier et de simuler les opérations sur les plateformes gazières et pétrolières.

Avec l’avènement du cloud et de l’IoT sans oublier la modernisation des réseaux télécoms, le jumeau numérique devient une réalité, si l’on peut dire. Il n’est plus seulement perçu comme un outil de visualisation de données lié à une extension du PLM. Les industriels, d’après les éditeurs et équipementiers, perçoivent le jumeau numérique comme un moyen de moderniser leurs outils de production.

C’est au tour de la Digital Twin Alliance de s’illustrer en la matière. Comme son nom ne l’indique pas, cette alliance rassemble trois acteurs spécialisés dans l’industrie de l’énergie : Aveva, Schneider Electric (qui possède 60,2 % du capital d’Aveva) et le groupe Doris.

L’éditeur britannique, l’équipementier français et le spécialiste de l’ingénierie et de la gestion de projets auprès des compagnies gazières et pétrolières veulent s’attaquer à la modernisation des plateformes et des installations de leurs clients. La Digital Twin Alliance, lancée officiellement à la fin du mois de juillet doit pousser les solutions combinées des trois acteurs pour planifier la gestion des « assets » : les turbines, les pompes, les foreuses, ou encore les divers équipements électriques.

Accélérer la « transformation numérique » de l’industrie pétrolière

Pour les trois partenaires, cette association doit répondre à des besoins liés à une transformation numérique des exploitants gaziers et pétroliers. Ces derniers cherchent depuis quelques années à automatiser les plateformes offshores et leurs opérations. En effet, ces installations en pleine mer sont synonymes de conditions de travail difficiles (sinon extrêmes). Un besoin accentué par la crise sanitaire en cours.

« La pandémie de Covid-19 ne fait qu’accélérer un besoin pour la gestion des opérations, de la maintenance et des assets à distance », déclare Chris Dartnell, président Oil & Gas and Pretrochemicals chez Schneider Electric. « Mais le plus difficile à faire reste la transformation, la modification en profondeur des processus de travail, plutôt que de simplement appliquer la technologie à un processus existant. Et nous avons estimé que pour conduire ce changement, il fallait établir une telle collaboration », ajoute-t-il.

Cette collaboration entre Aveva, Schneider Electric et le groupe Doris s’articule autour du développement de solutions et d’offres d’accompagnement pour des clients communs. Les trois entreprises ont pour ambition de ne plus seulement concevoir et équiper les plateformes offshores, mais de confronter leurs solutions aux besoins des opérateurs via un jumeau numérique.

« La pandémie de Covid-19 ne fait qu’accélérer un besoin pour la gestion des opérations, de la maintenance et des assets à distance. »
Chris Dartnellprésident Oil & Gas and Pretrochemicals, Schneider Electric

Ce double numérique devra permettre de simuler et planifier les opérations, mais également de gérer plus finement les opérations. Pour cela, les acteurs vont s’appuyer sur les connaissances des ingénieurs de Doris afin d’imaginer les éléments à numériser.

« Nous commençons par lister les processus importants, comme la surveillance des émissions de CO2, l’injection de produits chimiques, la surveillance de la corrosion, le gaz restant ou autres. Et nous réfléchissons ensuite à la manière de concevoir un jumeau numérique qui aide à les optimiser. En fin de compte, il s’agit donc de baisser vos coûts d’exploitation, d’améliorer votre sécurité, d’accroître la durabilité », liste Chris Dartnell.

De leur côté, Aveva et Schneider Electric proposeront « un large portfolio de logiciels et d’équipements ». Aveva développe par exemple E3D Design, un progiciel conçu pour modéliser des installations. Il permet aux ingénieurs du groupe Doris de réaliser l’architecture des plateformes pétrolières, ou gazières, et les modèles objets qui composeront le jumeau numérique.
L’éditeur britannique propose également un ensemble de logiciels de gestion de processus, d’opérations et différents outils PLM pour les infrastructures électriques, les pipelines, etc. Schneider Electric fournit des services d’automatisation, de cybersécurité, et un ensemble d’équipements électriques nécessaires au fonctionnement des exploitations.

Toutefois, ces industriels, comme bon nombre d’entreprises, font face à des problèmes d’interopérabilité des données. « Ce que nous cherchons à faire plus largement, c’est comment intégrer cela dans le temps avec les bases de données historiques. Nous voulons proposer des moyens pour exploiter les données et superviser les opérations en temps réel », indique Chris Dartnell.

Pour rappel, les bases de données historiques (« Historian » en anglais) sont utilisées par les industriels pour collecter et traiter en temps réel les informations en provenance de leurs équipements. Aujourd’hui, elles côtoient les Time Series Databases. Le président Oil & Gas chez Schneider Electric fait également référence au rachat par Aveva d’OSIsoft, éditeur de référence d’une de ces SGBD.

« Vendre des logiciels n’est pas l’objectif premier de ce partenariat », affirme Christophe Sarri, directeur commercial chez le groupe Doris. « Il s’agit d’abord de fournir des services pour optimiser le développement en continu des plateformes. Cela veut dire que même lorsque les installations seront opérées, il sera possible d’effectuer des mises à jour des processus, des applications, des fonctionnalités et du modèle de jumeau numérique lui-même. Cela se fera en collaboration étroite avec les clients », précise-t-il.

Des solutions à la carte pour tous types de projets

Si le groupe Doris est habitué à concevoir des plateformes marines et des installations pétrolières de la tête au pied (dans le cadre de projets greenfield, en partant de zéro), la Digital Twin Alliance veut également aider à la réalisation de jumeaux numériques pour des plateformes existantes (projet brownfield).

« Nous avons déjà identifié des plateformes et des assets sur lesquels nous avons déjà travaillé, mais aussi des clients à qui nous pourrions apporter des bénéfices à court terme », assure Christophe Sarri. « Donc nous travaillerons autant sur des projets existants que nouveaux ».

Ainsi, il s’agit d’offrir des solutions personnalisées, « à la carte », aux différents exploitants suivant leurs cas d’usage.
Si nos interlocuteurs ne peuvent pas détailler les discussions en cours, la Digital Twin Alliance laisse entendre qu’elle traiterait avec plusieurs clients. L’alliance espère convaincre des opérateurs mondiaux tels que BP, Total, Shell, Chevron ou autres, mais aussi des acteurs indépendants disposant d’installations en Mer du Nord, par exemple.

« Nous sommes des praticiens industriels. Nous avons une expertise dans plusieurs secteurs dont l’industrie pétrolière et gazière, Aveva n’est pas un éditeur de technologies horizontales. »
Craig HaymanPDG, Aveva

« Les projets brownfield sont probablement plus complexes, mais apportent des résultats significatifs. Toutefois, il ne faut pas se laisser déborder par l’excitation d’intégrer de nouvelles technologies, il faut rester concentré sur le ou les cas d’usages. Et c’est sur ce point que nous voulons collaborer avec nos clients », renchérit Chris Dartnell.

Le jumeau numérique se spécialise

La Digital Twin Alliance apparaît donc comme une initiative de niche pour des géants industriels. Cette alliance s’avère plus « pragmatique » que peut l’être le Digital Twin Consortium, récemment créé. « Le Digital Twin Consortium essaie de définir un standard pour la gestion des modèles objets. Nous rejoignons différents consortiums à la demande des clients. Il y en a de plus en plus qui se concentrent sur les jumeaux numériques et l’industrie 4.0, mais il n’est pas encore évident de déterminer lequel a le plus l’approbation de nos clients », déclare Craig Hayman, PDG d’Aveva. « Nous sommes des praticiens industriels. Nous avons une expertise dans plusieurs secteurs, dont l’industrie pétrolière et gazière, Aveva n’est pas un éditeur de technologies horizontales ».

Cette approche basée sur des partenariats autour du jumeau numérique de niche devient de plus en plus commune. Plus tôt au cours de l’année, Atos et Siemens s’étaient déjà illustrés en la matière en proposant une solution pour accélérer la production de vaccins, visant l’industrie pharmaceutique. L’année dernière, Microsoft et NTT ont signé un partenariat dit stratégique, qui comprenait le développement de solutions de jumeaux numériques pour faciliter le déploiement de réseaux télécoms et d’infrastructures IT.

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