Cet article fait partie de notre guide: Comment se lancer dans le métavers ?

La réalité augmentée et les jumeaux numériques, les « premiers pas » vers le métavers industriel

Lors de son événement Envision France, Microsoft a présenté sa conception du métavers et a évoqué le niveau de maturité de ses clients. Pour l’heure, les grands groupes industriels n’ont fait que les « premiers pas » vers le métavers industriel.

Alors qu’AWS ne s’y est pas risqué (lui préfère fournir de la puissance de calcul et les outils pour réaliser des simulations), Microsoft mise sur le métavers. Mais pas n’importe comment et pas sans préciser ses intentions.

Selon la firme de Redmond, il existe trois types de métavers : le métavers grand public, le métavers commercial et le métavers industriel. En très gros traits, cette distinction pourrait se résumer à l’aide des abréviations marketing BtoC, BtoBtoC et BtoB.

Non pas un, mais trois métavers

Le métavers grand public renvoie à ce fameux rêve d’un espace immersif virtuel ou augmenté où il serait possible de se divertir et d’acheter des actifs numériques (des accessoires pour son avatar, un billet pour un concert numérique, etc.) à la manière de ce que proposait en son temps Second Life et de ce que fournit en partie le jeu vidéo Fortnite.

Le métavers commercial, lui, vise à favoriser l’engagement des métiers et des clients. Cela peut se « matérialiser » par la création d’espaces collaboratifs numériques, mais surtout par des expériences augmentées. Un cas d’usage classique serait la visite virtuelle d’un bien immobilier ou encore la visite d’un musée utilisant la réalité augmentée pour immerger les visiteurs dans une période historique ou un lieu.

Selon Microsoft, même si les technologies sont là – lui-même propose des outils pour concevoir des avatars avec Mesh et des places de marché – le métavers grand public n’a pas encore trouvé son modèle. Les métavers commerciaux et industriels sont en meilleure voie, mais le géant du cloud voit davantage d’opportunités dans la troisième catégorie.

« La notion de métavers industriel est la moins comprise et, ironiquement, la plus avancée techniquement et la plus pragmatiquement disponible aujourd’hui ».
Judson AlthoffEVP et Chief Commercial Officer, Microsoft.

« La notion de métavers industriel est la moins comprise et, ironiquement, la plus avancée techniquement et la plus pragmatiquement disponible aujourd’hui », déclare Judson Althoff, EVP et Chief Commercial Officer chez Microsoft.

« Nous avons beaucoup investi dans un ensemble de capacités que nous appelons le métavers industriel pour aider à rassembler des technologies allant du stockage au traitement des données IoT avec les data lakes, en passant par le machine learning et les jumeaux numériques afin de simuler les chaînes d’approvisionnement, les réseaux logistiques, les environnements de fabrication », résume-t-il.

Selon le responsable, le métavers industriel vise à créer des boucles de rétroaction pour que « les jumeaux numériques » aident les employés en première ligne à améliorer l’exécution des processus et que ces collaborateurs aident à affiner les algorithmes qui propulsent les jumeaux numériques et les simulations.

La réalité augmentée serait la couche de visualisation idéale pour interagir avec ces jumeaux numériques.

En effet, un peu après Google – et sans doute avec plus de succès – le fournisseur a misé dès 2015 sur la réalité augmentée. En 2016, Microsoft commercialisait son premier HoloLens, un casque de réalité mixte avec lequel il est possible de partager ce que l’usager voit en le portant. L’HoLolens 2 a été officiellement lancé en novembre 2019.

Dans un même temps, Microsoft a développé un ensemble de services pour mettre au point des jumeaux numériques. Il nourrit la gamme de services Azure IoT depuis 2014. Puis, en 2018, il a présenté Azure Digital Twins, un service dédié à la conception de modèles graphes permettant de mapper, de visualiser et de rechercher des actifs d’une entreprise ou d’un site industriel. Les sorties de ce modèle graphe peuvent être ensuite transmises à des outils analytiques pour effectuer des simulations. Dernièrement, Microsoft a fait deux choses : il s’est rapproché de Cosmo Tech, spécialiste lyonnais du « jumeau numérique simulable » et a présenté la préversion d’une couche de visualisation en trois dimensions des données ingérées dans Azure Digital Twins.

Dans ce domaine, certains n’ont pas attendu Microsoft. Par exemple, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a participé au développement de la technologie de Cosmo Tech pour simuler la corrosion des pylônes et, in fine, planifier leur ravalement ou leur remplacement à l’échelle du territoire français.

Les organisateurs de Microsoft Envision France ont d’ailleurs présenté une liste des « pionniers du métavers industriel en France ». L’on y retrouve les grands noms de l’industrie automobile (Renault et sa filiale Alpine, Audi, Mercedes-Benz, Ford, Faurecia, Toyota, Michelin, BMW, Porsche, Stellantis), les avionneurs (Airbus, Safran, Dassault Aviation), les énergéticiens (Total Énergies, Enedis, EDF, Orano, Engie, Framatome, RTE), quelques spécialistes des domaines pharmaceutiques et médicaux (GE Healthcare, Sanofi, Essilor), les acteurs du bâtiment et des infrastructures (Vinci, Colas, Saint-Gobain, Bouygues construction) ou encore les fabricants et équipementiers IT (STMicroelectronics, Intel, HP).

L’avènement de la réalité mixte, ou la VDI augmentée

Pionniers du métavers industriel
Les pionniers du métavers industriel identifiés par Microsoft.

Cette liste ne reflète évidemment pas ce que font ces industriels et leur niveau de maturité concernant l’adoption d’un métavers industriel à l’échelle de leurs organisations. Même si Judson Althoff les invite à s’y intéresser, chez les clients de Microsoft, il n’y a pas de déploiements massifs de la réalité augmentée et des jumeaux numériques, et encore moins de combinaison des deux technologies.

En réalité, la grande majorité des grands noms cités ci-dessus ont déployé des cas d’usage limités de formation ou de téléassistance. En effet, l’HoloLens et les services Azure y afférent ont permis aux partenaires de Microsoft et à ses clients de développer des outils d’assistance et des programmes d’entraînement à distance, une sorte de VDI augmentée.

Lors d’un point presse, Othman Chiheb, responsable marketing produit réalité mixte et HoloLens chez Microsoft France, évoque l’exemple de Renault Académie. L’organisme de formation du constructeur automobile, localisé au Plessis-Robinson, utilise le casque HoloLens pour former des opérateurs, répartis en Europe, à la réparation d’une trentaine de batteries électriques différentes. « Au lieu de faire voyager le formateur-expert dans les différentes usines européennes de Renault, l’opérateur partage son champ de vision avec HoloLens avec l’expert via Teams », explique-t-il. « Depuis son ordinateur, le formateur a accès à une sorte de tour de contrôle pour visionner ce que fait l’opérateur et lui donner des indications visuelles afin de faciliter la tâche à réaliser : des flèches, des schémas, des photos, des vidéos, etc. ».

Renault aurait ainsi « réduit les coûts réels de cette formation qui sont estimés à plus de 300 000 euros » sur un an en diminuant les déplacements des formateurs. Qui plus est, il aurait réduit l’impact carbone de cette activité de 80 %.

La même méthodologie est utilisée par Saint-Gobain pour aider les opérateurs à redémarrer les machines à distance en cas d’arrêt inopiné. De son côté, SNCF Réseau (qui développe aussi son Immersive Studio pour la VR) utilise les casques de réalité augmentée dans le but de favoriser la collaboration des ingénieurs dans le cadre de la conception de la ligne de tramway T13. Il s’agit moins de cas d’usage d’un métavers industriel que de l’utilisation de la réalité mixte.

Microsoft voit le (méta) verre à moitié plein

« C’est un premier pas vers le métavers industriel », affirme Othman Chiheb. « L’on commence à exploiter le plein potentiel du métavers industriel lorsque l’on connecte HoloLens au cloud Azure et à l’IoT. Nous pouvons alors faire apparaître dans le champ de vision de l’opérateur des données captées en temps réel ; par exemple, signaler une zone dangereuse à un opérateur en train de se former à l’utilisation d’une machine ».

Autre exemple, en déployant des algorithmes de vision par ordinateur pour traiter les flux vidéo en provenance des caméras de l’HoloLens, il serait possible de simplifier des contrôles qualité.

Les freins ne sont pas inconnus des DSI. « Aujourd’hui, les entreprises qui les ont testées ne doutent plus de l’intérêt de ces technologies », assure Othman Chiheb. « Le véritable enjeu désormais est de savoir comment déployer 200 casques de réalité mixte et comment les synchroniser avec le SI existant. C’est le même frein que l’on constate lorsqu’il s’agit de déployer massivement des ordinateurs ou des smartphones », ajoute-t-il.

De fait, un HoloLens est un ordinateur équipé d’un OS compatible avec Microsoft Intune, le service de déploiement et de gestion de mise à jour Windows. Précisons qu’un HoLolens 2 coûte 3 849 euros HT et que l’édition industrielle certifiée ISO 14644-4 est vendue 5 049 euros HT l’unité. À cela, il faut ajouter le coût des développements des applications, des modèles 3D en interne, ou plus probablement à l’externe, auprès des partenaires de Microsoft.

Les plus avancés, comme Airbus, sont en train de préparer une plateforme pour favoriser le développement de plusieurs dizaines de cas d’usage de réalité augmentée à l’échelle de l’entreprise.

Pour ceux qui voudraient déployer des jumeaux numériques comme Nexans ou RTE, les obstacles sont plus importants encore.

« Les technologies sont disponibles, mais comme avec le passage au cloud, il y a des freins liés aux manques de compétences, d’appropriation, de collecte de données », résume Xavier Perret, directeur Azure & Support chez Microsoft France. « Nous en sommes là aujourd’hui ».

En attendant l’avènement du métavers industriel, Microsoft préfère se concentrer sur « la valeur » générée par ces « petits » cas d’usage, de manière à prouver que cela fonctionne. Et en même temps, il a bien conscience que le début de l’année 2023 ne sera pas forcément propice aux investissements massifs.

« Déterminer les bons résultats commerciaux et fournir la technologie pour les obtenir n’a jamais été aussi difficile », admet Judson Althoff. « Les compromis qui doivent être faits sur chaque point de décision auquel nous sommes confrontés aujourd’hui font franchement partie de nos exercices quotidiens de priorisation, en tant que professionnels dans tous les secteurs ».

Mais, tout comme Gartner, Judson Althoff insiste sur le fait que « l’innovation – le fait de continuer à innover et à accélérer l’innovation malgré l’incertitude – est la voie à suivre, en fait, la seule voie à suivre ».

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