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Ces startups qui mettent fin au bruit quantique

Le bruit ralentit l’évolution de l’informatique quantique. Différentes startups planchent sur des solutions pour faire baisser le volume.

L’ère actuelle est aux ordinateurs quantiques « bruités par échelle intermédiaire », ou NISQ (Noisy Intermediate Scale Quantum). Car, oui, les ordinateurs quantiques sont « bruités », c’est-à-dire que les bits quantiques (qubits) nécessaires pour exécuter un calcul défaillent à cause d’infimes soubresauts dans leurs conditions environnementales. Et c’est un problème qui pénalise ceux qui s’acharnent à prouver que les ordinateurs quantiques auraient un réel avantage sur les supercalculateurs ordinaires.

Au Royaume-Uni, plusieurs startups planchent sur des moyens de contourner ce problème de bruit. ComputerWeekly, le média local partenaire du MagIT, est allé à leur rencontre.

Filtrer le bruit sur un ordinateur classique

La société Algorithmiq a récemment reçu un financement initial de 4 millions de dollars pour fournir ce qu’elle revendique comme des « algorithmes quantiques réellement résistants au bruit ». Sa solution est en l’occurrence de demander à un ordinateur classique de trier les résultats quantiques qui restent trop nombreux.

Algorithmiq cible un domaine d’application spécifique – la recherche pharmaceutique. Elle espère travailler avec les principaux laboratoires au développement de simulations moléculaires à la précision inédite.

« Mon principal domaine de recherche concerne l'extraction du bruit. Les informations quantiques sont très fragiles. »
Sabrina ManiscalcoCofondatrice d'Algorithmiq

Dans le cas des recherches pharmaceutiques sur lesquelles planche Algorithmiq, il s’agit de simuler des molécules en tenant compte de l’état des électrons. Ici, un état particulier envoyé au départ à 40 qbit peut découler sur 240 solutions différentes (au lieu d’une seule), ce qui se traduit par 130 Go d’informations qu’il reste à trier sur un ordinateur classique. La quantité peut paraître énorme, mais, en définitive, ce tri est cent fois plus rapide à faire qu’une même simulation exécutée entièrement sur un ordinateur classique.

Professeur d’informatique et de logique quantiques à l’Université d’Helsinki, et cofondatrice d’Algorithmiq, Sabrina Maniscalco étudie le bruit inhérent aux ordinateurs quantiques depuis 20 ans. « Mon principal domaine de recherche concerne l’extraction du bruit », explique-t-elle. « Les informations quantiques sont très fragiles ».

Selon elle, parvenir à éliminer le bruit qui pénalise le fonctionnement des qbit va nécessiter d’importantes avancées technologiques dans la fabrication des ordinateurs quantiques. Et cela passera sans doute par la découverte de principes fondamentaux dans un domaine scientifique qui n’existe pas encore. Elle ajoute cependant : « l’exploitation d’équipements bruyants est néanmoins possible au cas par cas. »

Au cas par cas, car, plus le nombre de qbit impliqués dans un calcul est grand, plus le filtrage des solutions possibles est lent… au point de devenir plus lent que la simulation effectuée intégralement sur un supercalculateur classique. En définitive, les algorithmes d’Algorithmiq ne fonctionnent bien que pour les recherches pharmaceutiques qu’ils servent.

Passer à température ambiante

« Dans notre dispositif, le qbit est un atome présentant des effets quantiques […] définis par des ions gravitant au-dessus de la surface de la puce. [Ainsi] il n’est pas nécessaire de refroidir la puce où sont injectés tous les calculs. »
Winfried HensingerCofondateur d'Universal Quantum

L’un des problèmes de bruit dont souffrent les ordinateurs quantiques est dû à la température. Nombre des systèmes informatiques quantiques actuels s’appuient sur le sur-refroidissement – quelques degrés à peine au-dessus du zéro absolu – pour créer des qubits supraconducteurs. Cependant, il suffit de quelques photons à peine pour élever la température au point de perdre la supraconductivité.

En novembre 2021, un consortium piloté par Universal Quantum, une société dérivée de la University of Sussex, s’est vu décerner une subvention de 7,5 millions de livres sterling pour construire un ordinateur quantique qui ne souffre pas de ce problème de température. La technologie d’Universal Quantum repose sur le principe des ions piégés.

Cofondateur d’Universal Quantum et responsable scientifique, Winfried Hensinger explique pourquoi cette technologie ne nécessite pas de sur-refroidissement : « Dans un qubit supraconducteur, le circuit est installé sur la puce. Il est donc bien plus difficile à isoler de l’environnement et s’expose donc à davantage de bruit. Dans notre dispositif, le qbit est un atome qui présente des effets quantiques, lesquels sont définis par des ions qui gravitent au-dessus de la surface de la puce. Ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de refroidir la puce où sont injectés tous les calculs. »

À l’instar d’un microprocesseur capable de fonctionner à 150 watts et à température ambiante, l’ordinateur quantique que construit Universal Quantum n’a pas besoin de plus qu’une salle de serveurs standard pour son refroidissement. C’est un atout supplémentaire dans l’évolution des ordinateurs quantiques, car le refroidissement nécessaire aux qubits supraconducteurs est d’autant plus énergivore que le nombre de qbit augmente.

Mais penser à l’échelle industrielle

Autre startup dérivée de la University College London (UCL), Quantum Motion est d’un avis contraire : selon elle, le sur-refroidissement est au contraire la clé à l’industrialisation de l’informatique quantique. L’entreprise pilote un projet sur trois ans baptisé Altnaharra et qui a pour objet d’utiliser comme matériau quantique des puces fabriquées de manière traditionnelle.

« Nous cherchons comment faire produire des propriétés quantiques à une puce en silicium. »
John MortonCofondateur Quantum Motion

Cofondateur de Quantum Motion et professeur de nanoélectronique à l’UCL, John Morton explique : « nous cherchons comment faire produire des propriétés quantiques à une puce en silicium. » En avril dernier, Quantum Motion et les chercheurs de l’UCL sont parvenus à isoler et mesurer l’état quantique d’un seul et unique électron (le qubit) dans un transistor en silicium fabriqué en utilisant une technologie CMOS (Complementary Metal Oxide Semiconductor) similaire à celle utilisée pour fabriquer les puces des processeurs.

« Notre approche consiste à prendre les blocs constituants de l’informatique – les puces de silicium – et à démontrer qu’ils constituent le moyen le plus stable, fiable et évolutif de fabriquer en masse des puces de silicium quantiques », ajoute John Morton, en expliquant qu’il serait in fine plus rentable de sur-refroidir des puces classiques, plutôt que ne pas refroidir des systèmes quantiques dont la fabrication serait très difficile et plus énergivore.

Ces startups témoignent des efforts qui seront nécessaires pour donner à l’informatique quantique un avantage significatif par rapport aux supercalculateurs. Contrairement à l’informatique classique, qui a opté pour une architecture de programme stocké, décrite par le mathématicien John von Neumann dans les années 40, l’informatique quantique ne présentera probablement aucune architecture standard de facto.

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