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SNCF Réseau développe un « métavers industriel » au service de ses métiers

Au travers de l’Immersive Studio, la direction numérique de SNCF Réseau conçoit depuis 2018 des expériences immersives, dites aussi de « métavers industriel ». Les usages portent sur la formation, la simulation et la conduite du changement. L’accès à ces univers est possible aussi bien avec un casque de réalité virtuelle qu’avec un PC.

Cet article est extrait d'un de nos magazines. Téléchargez gratuitement ce numéro de : Applications & Données: Applications et données 17 – RH et IA : les cas d’usages se multiplient

Comme le soulignait récemment Forrester, il n’existe aujourd’hui pas un métavers, mais des métavers, c’est-à-dire plusieurs environnements virtuels immersifs indépendants les uns des autres. Parmi cette diversité de métavers, il commence même à se développer des usages industriels et des déclinaisons corporate. C’est par exemple le cas chez EDF avec VIZACity, ou dans l’industrie automobile, où BMW collabore avec Nvidia autour de sa plateforme Omniverse (lire le numéro précédent de Applications & Données), pour la création de jumeaux numériques de ses usines. C’est aussi le cas chez SNCF Réseau.

SNCF Réseau s’équipe d’une plateforme de conception 3D

Les applications Web3 comme The Sandbox ou Decentraland, ainsi que de Meta (ex-Facebook), ont récemment élargi le périmètre et remis au goût du jour le concept de métavers. Mais des entreprises explorent les usages des univers immersifs persistants depuis déjà quelques années. La SNCF – par l’intermédiaire de SNCF Réseau (54 000 collaborateurs) – a créé son Immersive Studio, rattaché à la division Solutions 4.0 de la Direction Générale du Numérique, en 2018.

« Le point de départ a consisté à trouver le moyen de rendre ces usages accessibles économiquement dans l’entreprise. »
Jérémie FerreiraResponsable offre VR Immersive Studio, SNCF Réseau

Ce studio ne comptait alors que deux collaborateurs. À la demande des métiers de l’entreprise, plusieurs applications ont été développées. L’Immersive Studio emploie désormais près d’une quinzaine de personnes et réunit des compétences expertes des technologies immersives et de l’ingénierie pédagogique.

Il a cependant fallu lever quelques barrières, à commencer par celle du coût de ces solutions, souligne Jérémie Ferreira, le responsable de l’offre VR de l’Immersive Studio. « Le point de départ a consisté à trouver le moyen de rendre ces usages accessibles économiquement dans l’entreprise », se souvient-il.

Le moyen : « internaliser la réalisation des contenus [proposés] via une plateforme qui permette un format collaboratif généraliste. » Pour atteindre ce but, SNCF Réseau a élargi l’équipe, mais dans un souci permanent de rentabilité.

Capture d'écran de l'Immersive Studio de SNCF Réseaux
L'Immersive Studio de SNCF Réseaux

La maîtrise de la chaîne de production et l’industrialisation du delivery en mode agile ont permis à cette startup interne de continuer à innover tout en délivrant dans les temps les projets internes et externes à l’entreprise.

Des expériences immersives pour casques de VR et PC

La plateforme Immersive Studio est centrée autour d’un outil de réalité virtuelle collaboratif qui permet de mettre à disposition d’utilisateurs à distance « des environnements et des expériences apprenantes. » Une plateforme Web permet quant à elle un déploiement rapide des contenus auprès des utilisateurs.

Celle-ci stocke l’ensemble des médias utiles, comme des salles virtuelles, des modèles 3D et des vidéos.

« Nous pouvons, par l’intermédiaire de cette plateforme, les distribuer facilement auprès de nos utilisateurs sur casques de VR et sur PC », ou encore sur tablette et smartphone, pour une consommation à la demande.

Pour des raisons de coûts et également afin de toucher une large audience en interne, les contenus immersifs développés par le Studio ne sont en effet pas réservés exclusivement à des casques de réalité virtuelle.

De multiples usages du métavers industriel

En matière d’usages, les projets ciblent d’abord la formation. Cependant, d’autres champs d’application sont couverts, parmi lesquels la collaboration.

« Certains de nos métiers sont liés à l’infrastructure et très proches du BTP. Nous avons ainsi des produits orientés briefing de chantier dans lesquels nous proposons des maquettes plus proches du réel afin de visualiser les opérations à conduire », détaille Jérémie Ferreira.

Capture d'écran de l'Immersive Studio de SNCF Réseaux
L'Immersive Studio de SNCF Réseaux

Sur la formation, les solutions développées interviennent pour présenter à l’échelle les équipements et les gestes métier.

Le métavers industriel de SNCF Réseau répond aussi à des besoins dans le secteur de la conduite du changement, un « gros sujet » (sic). La création de contenus 3D permet dans ce cadre de visiter des lieux encore à construire, qui introduisent « des changements de paradigmes pour les métiers. »

Enfin, de nombreux cas d’usage réalisés par l’Immersive Studio répondent à des enjeux de sensibilisation à la sécurité.

Les réglementations sont nombreuses dans le secteur du ferroviaire et les risques importants. « Immerger les utilisateurs dans des situations à risque permet d’illustrer les conséquences de mauvaises décisions et de rappeler les raisons des règles en place. »

Le métavers favorise l’ancrage mémoriel (et donc l’efficacité)

La 3D favoriserait dans tous ces cas la conception de modules de formation « très efficaces » et dont « l’ancrage mémoriel est fort », assure l’expert de SNCF Réseau.

Le catalogue de l’Immersive Studio comprend à ce jour une trentaine d’usages. Et le « portefeuille de projets explose », confie son responsable, qui explique cette progression par le besoin de disposer de formations plus « impactantes et participatives. »

Les solutions de formation réalisées par le Studio ont aujourd’hui permis de toucher plusieurs milliers de collaborateurs de l’entreprise. Un projet de sensibilisation à la sécurité a par exemple concerné 5 000 agents. Dans le cadre de l’application du décret SECUFER, c’est l’intégralité des agents se déplaçant dans les emprises [Espace au sol occupé par un projet, N.D.R.] qui devra être formée, soit plus de 30 000 agents.

« Au-delà de 30 minutes, un casque génère une fatigue pour les utilisateurs. »
Jérémie FerreiraSNCF Réseau

On comprend encore mieux – avec une telle population à embarquer – qu’il est impossible de ne recourir qu’à des casques de réalité virtuelle. En outre, souligne Jérémie Ferreira, tous les cas d’usage ne s’y prêtent pas. Et « au-delà de 30 minutes, un casque génère une fatigue pour les utilisateurs ». Les projets pensés pour la VR doivent donc tenir compte de ce paramètre.

L’Immersive Studio, qui traite les projets de l’idéation jusqu’au déploiement, compte des spécialistes de la numérisation et de la captation du réel (via notamment des caméras 360, des drones et de la motion capture), un développeur 3D et des infographistes 3D, dont trois leads issus du monde du jeu vidéo, « chevronnés dans les technologies 3D temps réel. » Ils sont complétés par des profils « plus juniors » en charge de la production de contenu 3D en masse, et d’un ingénieur pédagogique.

Le chantier RER E

En 2022, l’Immersive Studio a pour objectif de finaliser 14 projets, dont certains portent sur l’événementiel et la communication, sur la formation (au sujet d’aspects « très techniques »), et sur la conduite du changement, notamment dans le cadre du prolongement du RER E.

Ces projets ciblent des besoins internes, majoritairement. Mais le Studio développe aussi des projets en collaboration avec la RATP. « Nous nous ouvrons aussi à l’extérieur », fait savoir le responsable.

Quid des synergies avec les développements en matière de jumeaux numériques ? Certains projets ont permis aux équipes de l’Immersive Studio d’accéder à des Digital Twins, une donnée d’entrée riche.

Ces solutions 3D sont soumises à des contraintes en termes d’optimisation, afin de permettre une diffusion sur des casques (principalement Oculus Quest) et les postes de travail existants, non prévus pour la 3D.

« La modélisation d’un siège de TGV représente à lui seul quelques gigas de données. Une emprise ferroviaire, telle que nous la développons en 3D, pèse 400 à 500 Mo », chiffre Jérémie Ferreira.

En revanche, une convergence avec les métavers ouverts, comme The Sandbox, et les technologies blockchain et les NFT, n’est pas d’actualité.

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