Processeurs : les ventes d’Intel et AMD vont mal

C’est une première : les ventes de puces pour PC ont été inférieures aux ventes de PC elles-mêmes. Quant aux processeurs pour serveurs, ils n’ont sauvé qu’AMD.

Le marché des processeurs est en crise. Alors qu’Intel et AMD se sont lancés dans une course à l’innovation – quitte à mettre ces jours-ci sur le marché des processeurs que les entreprises n’achèteront pas avant fin 2024 –, leurs ventes plongent.

Intel a vu son dernier chiffre d’affaires trimestriel (14 milliards de dollars) s’écrouler de 32 % en un an (20,5 mds $ fin 2021), portant son CA annuel 2022 à 63,3 milliards de dollars, soit 20 % de moins que les 79 mds $ atteints sur 2021. Chez AMD, on pourrait se féliciter au contraire d’un bond de 16 % du CA global pour le dernier trimestre, soit 5,6 mds $ au lieu de 4,83 mds $ il y a un an. Mais Lisa Su, la PDG du fabricant, met en garde contre des résultats en trompe-l’œil : ses meilleures ventes historiques, les processeurs Ryzen pour PC, ont chuté de 51 % en un an, alors que le marché des PC lui-même n’a reculé que de 10 % sur la même période.

Chez Intel aussi, les ventes de processeurs Core i pour PC ont baissé au-delà du marché lui-même : -36 % par rapport à la même période un an plus tôt (et -23 % si l’on compare toute l’année 2022 à 2021). Manifestement, les constructeurs de PC ont poussé en 2022 des modèles de machines équipés de processeurs plus anciens. Principalement pour écouler des stocks qui leur ont été livrés en retard lors de la pandémie, mais aussi pour proposer des prix plus attractifs afin de dynamiser autant que faire se peut une demande en berne. En tout état de cause, le public a boudé les modèles dernier cri, les plus chers.

AMD sauvé par la gamme serveur, mais pas Intel

Concernant AMD, le problème des mauvaises ventes de processeurs sur PC est pondéré par un étonnant retournement de situation : lors du dernier trimestre, le fabricant a vu les revenus de ses processeurs Epyc pour serveurs devenir majoritaires. Ce segment vient ainsi de générer 1,7 milliard de dollars de CA (+42 % en un an), contre 903 millions de dollars pour les Ryzen (-51 %) et 1,6 milliard de dollars pour les cartes graphiques (-7 %).

Intel est plus à la peine. Les ventes de processeurs pour PC sont restées la locomotive de la marque, mais leur revenu trimestriel de 6,6 mds $ fait pâle figure comparativement aux 10,3 mds $ atteints un an plus tôt. Et, contrairement à AMD, les ventes de processeurs Xeon pour serveurs n’ont pas progressé. Au dernier trimestre 2022, elles ont rapporté 4,3 mds $, soit 33 % de moins que l’année précédente à la même période. C’est là aussi le moins bon score d’une année qui, globalement, n’est pas fameuse : sur 2022, les Xeon ont généré un CA total de 19,2 mds $, soit -15 % par rapport à 2021.

L’un dans l’autre, les analystes estiment qu’Intel réalise encore 70 % des ventes de processeurs pour serveurs. Pendant plus de 15 ans, jusqu’en 2017, il avait détenu plus de 90 % de parts sur ce marché.

Quant à l’activité carte graphique/GPU, elle reste accessoire dans le catalogue d’Intel. Elle a rapporté 837 millions de dollars sur toute l’année (+8 % par rapport à 2021), mais, là encore, s’est mise à stagner lors du dernier trimestre, à 247 millions de dollars (+1 %).

La réelle troisième activité d’Intel est plutôt la vente de puces contrôleur (réseau, stockage, Thunderbolt, etc.), lesquelles ont rapporté, sur toute l’année 2022, 8,9 mds $ (+11 % par rapport à 2021). Cette catégorie n’a cependant pas échappé à la malédiction du dernier trimestre : avec un CA de 2,1 mds $, les ventes sont quasiment les mêmes que celles réalisées fin 2021.

Les processeurs les plus puissants ne sont plus des locomotives

Seul point de satisfaction pour Intel : sa nouvelle activité industrielle, qui consiste à louer les usines de fabrication de processeurs à des concurrents sous la marque IFS, a su réaliser un CA de 986 millions de dollars pour sa première année complète d’exploitation. Au dernier trimestre, son CA de 319 millions de dollars est 30 % meilleur que fin 2021. 

« Le fabricant [Intel] paie aujourd’hui pour son manque de vision avant 2021 et son déni de voir AMD comme Nvidia progresser sur les processeurs et accélérateurs des serveurs. »
Jack GoldAnalyste, J.Gold Associates, LLC

C’est aussi une activité toute récente qui donne le sourire aux responsables d’AMD : les puces embarquées Xilinx, rachetées en fin d’année 2020, ont rapporté ce trimestre 1,4 milliard de dollars. En revanche, ce rachat ayant coûté 35 mds $, sa ventilation sur plusieurs années plombe à présent les comptes. AMD affiche au dernier trimestre 2022 une perte de 149 millions de dollars, contre un bénéfice de 1,2 md $ un an plus tôt.

En attendant que ces activités atteignent leur rythme de croisière, les deux rivaux jouent profil bas concernant l’avenir immédiat. Intel, surtout, déclare que l’ensemble de ses revenus pour le premier trimestre 2023 devrait empirer : ce sera entre 11,5 et 10,5 mds $. Les analystes financiers ne s’y attendaient pas : les plus pessimistes avaient tablé sur 13 mds $.

« Franchement, la situation actuelle d’Intel n’est pas la faute de Pat Gelsinger, son actuel PDG. Le fabricant paie aujourd’hui pour son manque de vision avant 2021 et son déni de voir AMD comme Nvidia progresser sur les processeurs et les accélérateurs des serveurs », commente l’analyste Jack Gold, au micro de nos confrères de TechTarget USA.

« Je ne sais pas si cette course aux processeurs les plus performants sera payante. Je pense qu’Intel comme AMD devraient se concentrer sur les modèles que le plus large public peut s’offrir : les processeurs d’entrée de gamme », ajoute-t-il.

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