Processeurs : AMD affiche les meilleures ventes de son histoire

Les ventes de processeurs Epyc pour serveurs ont augmenté de 75 % en un an et celles des Ryzen pour PC de 32 %. AMD entend encore battre ces records cette année.

Le fabricant de microprocesseurs AMD vient de réaliser le meilleur chiffre d’affaires trimestriel de toute son histoire : 4,8 milliards de dollars sur la période qui va d’octobre à décembre 2021, soit une progression de 49 % des ventes en un an.

Son chiffre d’affaires annuel de 16,4 milliards de dollars pour 2021, soit 68 % de ventes en plus par rapport à 2020, bat aussi tous ses précédents records. Les analystes ne s’attendaient pas à autant ; en milieu d’année dernière, les plus optimistes prédisaient sur un dernier CA trimestriel d’environ 4,4 mds $ et annuel de 16,1 mds $.

« 2021 fut une année exceptionnelle pour AMD. Chacune de nos activités a enregistré des résultats remarquables – le revenu des datacenters ayant notamment doublé depuis l’année dernière – soutenus par l’adoption croissante des processeurs AMD Epyc par les clients du cloud et les entreprises », a déclaré Lisa Su, la PDG d’AMD, dans un communiqué.

« Chacune de nos activités a enregistré des résultats remarquables […] soutenus par l’adoption croissante des processeurs AMD Epyc par les clients du cloud et les entreprises. »
Lisa SuPDG, AMD

En l’occurrence, les ventes de produits pour PC restent encore majoritaires dans l’activité d’AMD. Les processeurs Ryzen et les cartes graphiques Radeon ont ensemble réalisé un CA trimestriel de 2,6 mds $, contre 2,2 mds $ pour les produits « entreprises » qui comprennent essentiellement les processeurs Epyc pour serveurs. Cependant, les ventes de ces derniers ont connu une progression spectaculaire de 75 % en un an, alors que celles des Ryzen et Radeon ont augmenté de 32 % sur la même période.

Dans les deux cas, ces progressions sont supérieures à celles de leurs marchés respectifs. Selon le bureau d’études Canalys, les ventes de PC ont augmenté de 14,6 % en 2021. Celles des serveurs n’ont pas encore été calculées par les analystes, mais les différentes prédictions s’accordent sur un taux inférieur à 20 %.

Moins cher, moins énergivore et plus doté en cœurs qu’Intel

Les bons résultats du processeur Epyc s’expliquent notamment par son adoption en hausse chez les géants du cloud public. En 2021, ceux-ci auraient proposé près de 130 nouveaux services de machines virtuelles motorisés par des Epyc.

Capable de gérer une plus grande quantité de mémoire que son concurrent Intel Xeon, le processeur Epyc a notamment servi à bâtir de nouvelles offres de supercalculateurs virtuels chez AWS et Google Cloud, souvent destinées à entraîner des moteurs de Machine Learning. IBM s’est servi de la puce d’AMD pour lancer une gamme d’infrastructures pour applications critiques dans ses offres de cloud privé. Azure l’a choisie pour concrétiser une gamme de machines virtuelles plus sécurisées, avec un contenu chiffré.

On trouve aussi à présent l’Epyc au cœur de 73 supercalculateurs dans le palmarès Top500, soit trois fois plus qu’il y a un an. Enfin, une centaine de nouveaux modèles de serveurs seraient arrivés sur le marché en 2021, équipés de processeurs Epyc.

Les ventes observées cette année sont basées sur des processeurs lancés il y a un an, à savoir les AMD Epyc 7003. Gravés avec une finesse 7 nm, ils offrent jusqu’à 64 cœurs « Zen 3 » et 256 Mo de cache interne. Ils gèrent 4 To de RAM et 128 canaux PCIe 4.0. Le modèle 7713 à 2 GHz coûte 7 000 dollars et consomme 225W.

En face, Intel a aussi mis à jour sa gamme de Xeon il y a un an, avec la génération Ice Lake. Ils sont gravés en 10 nm, ont jusqu’à 40 cœurs et 60 Mo de cache. Ils supportent aussi 4 To de RAM – voire 6 To en utilisant des barrettes dédiées, les Intel Optane PMM – et 64 liens PCIe 4.0. Le modèle haut de gamme 8380, à 2,3 GHz, consomme 270 watts et coûte 8 000 dollars. Le modèle équivalent chez AMD, l’Epyc 7643, avec 48 cœurs à 2,3 GHz, ne consomme que 240 watts et coûte 5 000 dollars.

Reconquête du marché

Selon le cabinet d’études Omdia, AMD gagnerait en ce moment 2 % de parts marché par trimestre sur le segment des processeurs x86. En décembre dernier, ses analystes estimaient que la part de serveurs vendus avec un processeur Epyc était ainsi passée de 10 % à 18 % entre septembre 2020 et septembre 2021. Plus réservé, le cabinet Mercury Research calculait en novembre une progression de 6,6 à 10,2 % pour le processeur Epyc sur la même période. Il est probable que le premier compte les unités vendues et le second les revenus.

Concurrent de la première heure d’Intel sur le marché des processeurs x86, AMD est sorti d’une longue période de léthargie en 2017, lorsqu’il a décidé de faire fabriquer ses nouvelles générations de puces par le Taiwanais TSMC. Ce dernier, principal producteur des composants pour smartphones, s’est alors enrichi au point de pouvoir moderniser plus rapidement ses usines que celles de l’Américain Intel. AMD en profite : ses nouveaux processeurs bénéficient d’une finesse de gravure en avance de deux générations par rapport à ceux d’Intel. Les Ryzen et Epyc d’AMD intègrent plus de cœurs, c’est-à-dire plus de puissance de calcul, consomment moins d’énergie et coûtent moins cher que les Core et les Xeon d’Intel.

AMD grignote ensuite rapidement des parts de marché à son concurrent. Essentiellement sur les produits grand public, car, en entreprise, il faudra attendre que les contrats de maintenance d’environ cinq ans arrivent à leur terme. Autre facteur, les entreprises ne peuvent pas étendre leurs clusters existants de machines Intel avec des briques AMD, les systèmes de virtualisation (VMware, Nutanix, OpenStack...) ne sachant pas coordonner les deux architectures pour qu’elles exécutent ensemble un même lot de VMs. En 2021, en revanche, suffisamment de temps s’était écoulé pour que les entreprises puissent remplacer des baies entières de serveurs Xeon par des serveurs Epyc.

Trois nouveaux Epyc d’ici à un an

Pariant que cette progression va perdurer, Lisa Su prédit qu’AMD réalisera un CA de 21,5 milliards de dollars en 2022, avec un premier CA trimestriel d’environ 5 mds $, soit 45 % de ventes en plus, en un an. Dans ses cartons, trois nouveaux modèles d’Epyc devraient soutenir le rythme des ventes.

L’actuelle famille 7003, qui correspond à la troisième génération d’Epyc, est censée s’agrandir d’ici à cet été avec des versions 7003X plus puissantes pour les supercalculateurs. Ces processeurs haut de gamme seront équipés d’un cache supplémentaire de 512 Mo, assemblé sous les circuits actuels pour une connexion sans latence aux cœurs. AMD nomme cette architecture 3D V-Cache. Selon ses dires, ce cache permettrait au processeur Epyc d’exécuter 66 % de tâches en plus en un temps donné. Notons que, dans le grand public, AMD vient de présenter un processeur Ryzen 7 5800x3D déjà doté d’un tel cache.

Pour mémoire, AMD grave actuellement sur ces wafers des circuits de 8 cœurs Zen3 et 32 Mo de cache. Il vend ensuite ses processeurs grand public Ryzen avec un ou deux circuits, tandis qu’il en assemble 4 ou 8 dans les Epyc. De la même manière, le 3D V-Cache correspond à des circuits supplémentaires de 64 Mo chacun. Un circuit 3D V-Cache sera présent dans le 5800x3D et huit seront fournis dans les futurs Epyc haut de gamme. À ce stade, on ignore si AMD compte aussi doter ses Epyc de milieu de gamme d’un tel cache.

Dans un second temps, une nouvelle génération d’Epyc, appelée Genoa et sans doute numérotée 7004, sera dotée de nouveaux cœurs « Zen 4 ». Pour autant, ces Epyc-là ne devraient pas voir le jour avant la fin de l’année 2022, voire plus probablement d’ici à un an. Les cœurs Zen 4 doivent en effet débuter leur carrière au second semestre 2022 dans les processeurs Ryzen (série 7000), lesquels bénéficient toujours d’une nouvelle technologie avec quatre à six mois d’avance sur les Epyc.

Les cœurs Zen 4 seront gravés avec une finesse de 5 nm, ce qui devrait leur permettre de fonctionner à de plus hautes fréquences – les cœurs pourraient individuellement grimper au-delà de 4 GHz – sans pour autant consommer plus d’énergie. On sait également que les cœurs Zen 4 supporteront les prochaines mémoires DDR5 et les nouveaux bus PCIe 5.0, garantissant deux fois plus de bande passante pour exécuter les applications, communiquer avec des GPUs et lire/écrire leurs données sur SSD NVMe.

A priori, AMD poursuivra sa stratégie de graver des circuits de 8 cœurs. Néanmoins, des rumeurs persistantes avancent qu’il pourrait assembler jusqu’à 12 circuits dans les futurs Epyc Genoa, portant leur nombre de cœurs à 96.

Peu après le lancement des Epyc 7004, une autre famille de processeurs, peut-être appelée 7004 c, mais en tout cas connue sous le nom de code Bergamo, devrait arriver pour couvrir plus précisément les besoins des hébergeurs de cloud. On sait peu de choses sur leurs cœurs Zen 4c, si ce n’est qu’ils doivent permettre à AMD de fabriquer des circuits comprenant cette fois-ci 16 cœurs. Les Epyc Bergamo devraient ainsi totaliser 128 cœurs grâce à l’assemblage de 8 circuits.

Pendant ce temps, Intel doit lancer de nouveaux Xeon Sapphire Rapids qui, à l’instar des processeurs M1 d’Apple, intégreront en même temps des cœurs performants et des cœurs économiques en énergie. On ignore si cette formule sera gagnante : censé disposer de 56 cœurs, le Xeon Sapphire Rapids n’en utilisera qu’une partie pour les applications nécessitant de la performance, tandis que l’autre sera plutôt destinée aux applications courantes du cloud. En théorie, cette architecture pourrait entraîner des économies d’électricité. En pratique, Intel vient de nouveau de repousser la sortie de ce modèle. Il ne devrait pas être disponible avant la rentrée prochaine.

Le véritable adversaire : Nvidia

Pour autant, ce n’est pas tellement en alternative à Intel qu’AMD pourrait se présenter tout au long de 2022, mais en solution de rechange pour Nvidia. Les deux constructeurs poursuivent la même stratégie : proposer des puces accélérées pour toutes les infrastructures du datacenter, du processeur au réseau, en passant par les GPUs et les contrôleurs du stockage.

Nvidia, No 1 des GPUs qui accélèrent les calculs et l’IA, est devenu un incontournable des contrôleurs réseau depuis qu’il a racheté Mellanox, puis mis au point les puces DPU Bluefield pour filtrer à la volée les entrées/sorties. D’ici à 2023, il devrait compléter son offre en proposant son propre processeur, le Grace, basé sur une architecture ARM. Pour autant, le constructeur connaît des déboires, à commencer par son projet de racheter ARM, qui lui a attiré l’animosité de ses partenaires constructeurs d’infrastructures et la méfiance des autorités de la concurrence. Au point de suggérer depuis dix jours qu’il renoncera bientôt à cette fusion.

En face, AMD sait que la diversification de son offre est la clé pour maintenir la progression de ses ventes dans les équipements pour datacenter. Ses cartes graphiques Radeon pour PC se muent à présent en véritables accélérateurs pour tous les algorithmes basés sur des fonctions mathématiques, dans le supercalcul, la simulation ou le Machine Learning. Un modèle inventé par Nvidia.

Censé arriver cette année, le GPUs MI200 d’AMD intégrera deux circuits, contenant chacun 110 unités électroniques, individuellement capables d’appliquer une opération à 64 flux de données simultanés. La puissance serait de 383 TFLOPs. Comparativement au GPU A100 de Nvidia, le MI200 supporterait 128 Go de mémoire HBM2e, contre 80 Go, et aurait un débit global de 3,2 Tbit/s, contre 2 Tbit/s.

AMD avance qu’Infinity Fabric – son protocole réseau au niveau du bus PCie – permet de construire des supercalculateurs dont la performance va croître de manière linéaire à chaque fois que l’on y ajoutera des processeurs Epyc ou des GPU MI200.

Surtout, AMD devrait concrétiser en 2022 le rachat de Xilinx, l’un des principaux fabricants de FPGAs. Les FPGA sont des processeurs reprogrammables en puces spécialisées pour accélérer les équipements réseau, ceux du stockage et même les serveurs. Récemment, une startup de la Silicon Valley, Numenta, démontrait qu’un FPGA Xilinx personnalisé par ses soins pouvait retranscrire des conversations orales 100 fois plus rapidement qu’un GPU Nvidia.

Contrairement à l’échec qu’essuie Nvidia avec ARM, AMD se targue d’avoir récemment obtenu la validation des autorités chinoises, bien plus difficile à soutirer dans ce contexte que celle des gendarmes occidentaux de la concurrence.

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