Stockage : Iodyne invente la baie de SSD portable
Le Pro Data tient dans le boîtier d’un PC portable de 17 pouces et offre à quatre machines un stockage de 12 ou 24 To avec un débit maximal de 5 Go/s. Il est notamment conçu pour être emporté sur les tournages.
La startup Iodyne a concrétisé le fantasme de nombreux créatifs : une baie de disques portable. Dans un boîtier pas beaucoup plus épais et moins large que celui d’un portable 17 pouces, l’engin baptisé Pro Data, offre 12 ou 24 To de SSD NVMe accessibles en 3 Go/s par quatre ordinateurs simultanément ou en 5 Go/s si on branche les connecteurs par paires sur deux machines.
Les scénarios d’usage sont d’avoir une baie de stockage que l’on emmène sur le tournage d’une vidéo, que l’on installe sur scène lors d’un concert, que l’on branche dans un musée pour une exposition d’œuvres numériques en deux clics de souris, ou que l’on transporte en avion entre deux succursales d’un studio d’animation.
« Nous sommes une startup qui réunit des experts des systèmes d’exploitation, de l’électronique et du stockage. À nous tous, nous avons déposé une centaine de brevets technologiques dans notre carrière. Nous avons voulu mettre au point le nec plus ultra des équipements qui réunit ces trois disciplines », raconte Mike Shapiro, le PDG d’Iodyne, que LeMagIT a rencontré lors de l’IT Press Tour, un événement qui consiste à présenter à la presse les startups les plus innovantes de la Silicon Valley en matière de stockage de données.
Une baie de SSD NVMe Thunderbolt 4
Extérieurement, la machine ressemble à un MacBook Pro fermé, une grille de ventilation en plus sur un côté du capot. Mike Shapiro confirme que c’est fait exprès : dans cette première version, le Pro Data ne fonctionne qu’avec des Mac dernier cri. La machine comporte huit ports Thunderbolt 4 individuellement capables d’offrir une bande passante de 3 Go/s à un Mac M1, ou 5 Go/s si on branche deux câbles Thunderport entre le Mac et le Pro Data ; un montage qu’Apple appelle « Multipath ». À terme, Mike Shapiro le promet, le Pro Data sera compatible Windows et Linux.
Les machines clientes ne peuvent se brancher que sur les quatre premiers ports Thunderbolt (soit quatre Mac avec 3 Go/s chacun ou deux avec 5 Go/s). Les quatre autres ports servent à enchaîner des périphériques tiers : on peut y connecter un autre Pro Data pour étendre la capacité et/ou des équipements de studio comme des caméras, des écrans, des imprimantes, des instruments de musique, etc.
Rappelons que le Thunderbolt dans sa dernière génération dispose d’un connecteur de type USB-C et qu’il reconnaît les périphériques USB jusqu’à l’USB 3.2 en 10 Gbit/s. Un port Thunderbolt 4 peut transporter un trafic cumulé entre plusieurs périphériques de 40 Gbit/s, dont jusqu’à 32 Gbit/s pour un périphérique en particulier (d’où les 3 Go/s de débit entre un Mac et son stockage sur le Data Pro).
Le Data Pro est une mini baie SAN : chaque Mac qui s’y connecte accède en mode bloc aux SSD, lesquels sont vus comme un seul disque. Le scénario d’usage est de commencer par y créer des volumes logiques qui seront à tour de rôle accessibles aux machines clientes. En effet, il n’y a aucune notion de NAS, les volumes ne sont pas partagés, ils ne sont accessibles qu’à une machine à la fois. Si un Mac accède à un volume, il faut qu’il l’éjecte pour qu’un autre Mac puisse le monter à son tour.
Pour l’heure, chaque volume est un « container », à savoir une partition virtuelle dans la nouvelle nomenclature de macOS depuis la version 11 du système d’Apple. Cette nouvelle façon très propriétaire de gérer les volumes empêche pour l’heure n’importe quel logiciel – à part ceux d’Apple – d’accéder à un disque en mode bloc. Il est probable que les futures déclinaisons du Pro Data pour Windows et Linux soient des versions non utilisables sur Mac.
Un débit qui reste constant pendant toute l’utilisation
À l’intérieur, une carte mère sert de support à deux rangées de six SSD NVMe au format U.2. Mike Shapiro insiste sur le fait que la machine est facilement personnalisable : quatre vis simples tiennent le capot fermé et chaque SSD est facilement remplaçable. À l’heure actuelle, la machine est livrée avec des SSD de 2 ou 4 To, mais elle pourrait accueillir des modèles plus capacitifs lorsqu’ils seront disponibles.
Les SSD fonctionnent ensemble par un dispositif Raid 0 ou RAID 6 qu’Iodyne se vante d’avoir mis au point à partir du système Open source ZFS. Ce développement permettrait de maintenir un haut niveau de performances tout au long de l’usage. Pour prouver ses dires, Mike Shapiro exhibe les résultats d’un benchmark qui aurait été réalisé par le site spécialisé en tests AnandTech, et qui compare le Pro Data à d’autres SSD NVMe.
Selon ce test, le Pro Data connecté par un seul port Thunderbolt 4 supporte un débit constant de 2,2 Go/s en mode RAID 0 (les douze SSDs lisent/écrivent chacun un fragment de données) et de 1,7 Go/s en mode RAID 6 (deux jeux de codes de parité sont calculés à la volée pour générer des copies de secours en cas de panne). Ces débits sont maintenus pendant les 30 minutes que dure le test.
En face, un SSD NVMe interne Firecuda de Seagate supporte un débit de plus de 1,9 Go/s pendant environ une minute, puis s’écroule à 1 Go/s jusqu’à la neuvième minute, pour finir à 500 Mo/s pendant les 21 minutes restantes du test.
Un SSD Samsung X5, une unité de stockage externe qui se connecte en Thunderbolt 3 (soit avec un débit théorique maximum de 16 Gbit/s, c’est-à-dire environ 1,5 Go/s) affiche un débit qui s’écroule de 1,8 Go/s à un peu plus de 150 Mo/s en une minute, puis stagne à environ 50 Mo/s à partir de la troisième minute jusqu’à la fin du test.
Un SSD Samsung T7 Touch, une unité externe en USB 3.2 théoriquement capable d’atteindre un débit de 10 Gbit/s (soit un peu moins de 1 Go/s), a un débit qui s’écroule de 1 Go/s à 200 Mo/s en une minute. En revanche, ce Samsung-là maintient son débit de 200 Mo/s jusqu’à la fin du test.
« Ce que disent ces tests est que les performances annoncées par les vendeurs de SSD sont celles de leur mémoire cache. En revanche, dès que leur mémoire cache est pleine, les débits s’écroulent », avance Mike Shapiro qui met en avant l’importance de maintenir le même débit tout au long d’un tournage ou d’un concert.
Le benchmark d’AnandTech teste aussi un LaCie Rugged, une unité externe en USB 3.2 qui se veut un SSD tout-terrain, à la fois dans son boîtier antichoc, mais aussi dans son électronique. Celle-ci s’efforce de paralléliser au maximum les accès sur la mémoire NAND interne pour maintenir un débit constant. Et c’est un succès : son débit reste bien le même tout au long des trente minutes que dure le test. En revanche, il n’est que de 1 Go/s et la capacité, constituée d’une seule unité NVMe, est limitée à 4 To.
À titre comparatif, un LaCie Rugged de 4 To est commercialisé 1 130 €, tantôt qu’un Data Pro est annoncé à 3 950 $ en 12 To et 7 500 $ en 24 To.
En partant du principe que ces chiffres soient vérifiés, LeMagIT suspecte que, dans ce comparatif, seuls le Pro Data et le LaCie Rugged communiquent véritablement en NVMe avec leurs SSD. Le NVMe est le seul moyen de paralléliser les canaux de lecture/écriture. Dans le cas des SSD externes de Samsung, il semble que la NAND soit reliée à son contrôleur interne via une connexion SATA bien plus économique, qui n’autorise qu’un seul accès série avec un débit maximal de 6 Gbit/s (soit un plafond de moins de 600 Mo/s).
Quant au SSD « NVMe » de Seagate, il serait possible que seule la mémoire cache embarquée profite du parallélisme du bus PCIe, mais qu’au-delà de ce cache on retombe sur un contrôleur SATA économique.