
AMD devance définitivement Intel dans les datacenters
Les ventes de processeurs Epyc et de GPU MI300X ont quasiment doublé entre 2023 et 2024, tandis que celles des modèles équivalents chez Intel stagnent. AMD doit désormais s’affirmer face à Nvidia dans l’IA. Intel concentre ses innovations sur le PC.
Un chiffre d’affaires 2024 en progression de 14 % par rapport à 2023. C’est la performance commerciale qu’AMD vient de partager à l’occasion de la publication de ses derniers résultats financiers. Le fabricant de processeurs et GPU, rival d’Intel et de Nvidia, a réalisé un CA annuel de 25,78 milliards de dollars et trimestriel de 7,66 mds $ (+24 % en un an).
La moitié de ces chiffres provient des ventes de puces pour datacenters : il s’est écoulé pour 3,9 mds $ de processeurs Epyc et de GPU MI300X lors du dernier trimestre (+69 % en un an) et pour 12,6 mds $ (+94 %) sur toute l’année.
D’autre part, les processeurs Ryzen pour PC ont réalisé un CA de 2,3 mds $ sur le dernier trimestre (+58 %) et 7,1 mds $ sur l’année (+52 %). Les puces graphiques pour PC et consoles n’ont plus représenté que 563 millions de dollars lors du dernier trimestre (en chute libre de 59 %) et 2,6 mds $ sur l’année (-58 %).
Le segment des puces embarquées s’en sort un peu mieux, avec un dernier CA trimestriel de 929 millions de dollars en progression (+13 %), mais un CA annuel de 3,6 mds $ en baisse (-33 %).
En face, Intel vend globalement deux fois plus de puces, mais on serait tenté de préciser que c’est une contre-performance, car ce facteur se réduit d’année en année. Son dernier CA trimestriel est de 14,3 mds $ (-7 % en un an) et son CA annuel est de 53,1 mds $ (-2 %).
Le point le plus saillant des résultats est qu’Intel vend désormais moins de processeurs et de GPU aux datacenters qu’AMD. Ses Xeon et GPU Gaudi ont réalisé un résultat de 3,4 mds $ lors du dernier trimestre (-3 % par rapport à il y a un an) et de 12,8 mds $ sur l’année (+1 %). Pour mémoire, les ventes d’AMD en data centers ont dépassé celles d’Intel à partir du troisième trimestre 2024.
Chez Intel, ce sont plutôt les processeurs Core pour PC, avec souvent des GPU intégrés, qui se vendent pour l’instant le mieux. Ils ont réalisé un CA de 8 mds $ sur le dernier trimestre (-9 %) et de 30,3 mds $ sur toute l’année (+4 %).
Intel ne parle pas de puces embarquées, mais de processeurs pour les équipements réseau et les appareils connectés. Ce segment a réalisé un CA de 1,6 Md $ lors du dernier trimestre (+10 %) et 5,8 mds $ sur toute l’année (+1 %). Même s’il est le moins important, c’est celui qui progresse le plus.
Intel en quête de rebond
En termes de perspectives, Intel mise logiquement beaucoup sur le développement de son offre pour PC. Au second semestre de cette année, il mettra sur le marché sa nouvelle génération Panther Lake de processeurs Core. Il s’agira des premières puces fabriquées selon le nouveau processus technologique 18 A. Celui-ci est censé mettre les puces d’Intel à égalité avec celles fabriquées dans les usines de TSMC (pour Apple, AMD, Nvidia…) en ce qui concerne l’économie d’énergie et la densité de transistors.
Intel prétend que 18A équivaut à une finesse de gravure de 1,8 nanomètre, alors que TSMC gravera à ce moment-là des semiconducteurs avec une précision de 2 nm. Des experts estiment que la précision des équipements industriels d’Intel se situerait plutôt aux alentours des 5 nanomètres. En revanche, la nouvelle silhouette RibbonFET des transistors, qui permet de superposer leurs connexions plutôt que les aligner, aboutirait de fait à une densité similaire à du 3, voire 2 nanomètres.
De plus, Intel grave à présent ses wafers des deux côtés – une face pour les connexions, l’autre pour l’alimentation. Cette technique, appelée PowerVia, lui permettrait de réduire considérablement les dissipations d’énergie. Grâce à elle, ses circuits gravés en technologie 18A consommeraient effectivement aussi peu que ceux gravés en 2 nm chez TSMC.
Selon diverses sources, les premiers modèles de processeurs Core pour PC seraient livrés avec 16 cœurs répartis en trois types : 4 cœurs performants, 8 cœurs économiques et 4 cœurs très basse consommation. L’ensemble aurait une consommation de 45 Watts.
Côté serveurs, on ignore encore quand les Xeon pour serveurs bénéficieront de cette technologie de gravure. Divers observateurs supposent que cette génération-là, qui s’appellera Clearwater Forest, pourrait être lancée un an plus tard, vers la rentrée 2026. D’ici là, Intel compte promouvoir ses processeurs Xeon 6 et GPU Gaudi 3 dans les serveurs, en mettant en avant leur utilisation de barrettes mémoires MRDIMM, conçues en partenariat avec Micron et 33 % plus rapides que des barrettes conventionnelles.
Plus que véritablement ferrailler contre AMD dans les datacenters, Intel souhaiterait surtout se focaliser sur la rentabilité de ses nouvelles chaînes de production 18A. Il y a quelques jours, le fondeur annonçait avoir trouvé deux clients qui souhaiteraient lui confier la fabrication de leurs semiconducteurs critiques : Trusted Semiconductor Solutions (équipements militaires) et Reliable Microsystems (domaine du nucléaire).
Précisons qu’Intel est actuellement dirigé par deux co-PDG en intérim, depuis que Pat Gelsinger, véritable maître d’œuvre de la réindustrialisation d’Intel, a été mis à la retraite par ses actionnaires, manifestement déçus du faible rendement de leurs actions en bourse. Pat Gelsinger a depuis lancé une startup dans le domaine de la messagerie.
AMD, ou l’enjeu d’accélérer sur les GPU
Du côté d’AMD, si les processeurs Epyc semblent se vendre tous seuls dans les datacenters et auprès des hyperscalers, le fournisseur se démène pour imposer ses MI300X face aux GPU omniprésents de Nvidia. Pour l’heure, il a signé une poignée de beaux contrats : IBM Cloud, le fournisseur de cloud américain Vultr et l’éditeur de LLM personnalisés Aleph Alpha ont choisi le MI300 pour motoriser leurs services d’IA.
Alors qu’AMD commercialise ces jours-ci le modèle MI325X (256 Go de mémoire HBM, 6 To/s de bande passante, contre 192 Go et 5,3 To/s pour le modèle précédent), le fournisseur annonce qu’il ne faudra sans doute pas attendre une année de plus pour acheter son successeur, le MI350X. Des premiers échantillons pourraient être livrés dès ce trimestre aux hyperscalers et aux fabricants de serveurs pour qu’ils les testent. HPE, entre autres, pourrait proposer le MI350X sur ses serveurs de supercalcul dès cet été.
Basé sur de nouveaux cœurs CDNA 4 et contenant 288 Go de mémoire HBMe, le MI350X se veut un GPU taillé pour l’entraînement de LLM face au H200, le modèle de GPU que Nvidia devrait le plus vendre cette année.
AMD reste optimiste quant au lancement en 2026 de la gamme suivante, le MI400X. Celui-ci devra rivaliser face aux GPU Blackwell de Nvidia.