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IA générative : IBM et Salesforce renforcent leur alliance

En matière d’IA générative, IBM et Salesforce entendent convaincre les clients qui exploitent déjà le CRM et Watson de concert. Ceux-ci sont invités à intégrer la plateforme Watsonx et les modèles LLM rattachés à Einstein, ne serait-ce que pour tester les possibilités de la technologie émergente.

Souvenir, souvenir. En 2017, Salesforce et IBM annonçaient un partenariat visant à coupler les capacités des modules Einstein (la marque ombrelle de l’IA chez Salesforce) à Watson (la plateforme d’IA consacré au NLP d’IBM).

Six ans plus tard, rebelote. Cette fois-ci le géant du CRM et Big Blue s’associent autour de l’IA générative. Ce partenariat a une double vocation. D’une part, IBM Consulting se prépare à mener des missions d’acculturation et de déploiement des services Salesforce propulsés à l’IA générative, ceux placés sous la marque ombrelle GPT. De l’autre, IBM intégrera sa plateforme Watsonx, consacrée à cette technologie, avec les « clouds » Salesforce.

« Cela peut être l’un ou l’autre, et l’un et l’autre », précise Alexandra Ruez, vice-présidente & Senior Partner Business Transformation Services Leader d’IBM Consulting. Cela permet davantage de services aux collaborateurs, mais aussi aux clients finaux d’une entreprise », assure-t-elle.

IBM entend par ailleurs (surtout ?) capitaliser sur les cas d’usage existant de Watson chez certains clients.

« Nous avons déjà couplé le CRM Salesforce avec Watson, mais nous pouvons ajouter une couche d’IA générative avec Watsonx.ai », avance Alexandra Ruez.

Pour preuve, la vice-présidente chez IBM Consulting a montré au MagIT une démonstration réalisée pour le compte d’une grande banque française. Celle-ci utilise Watson pour analyser les sujets des mails, identifier les questions, le ton et l’urgence de ses clients avant d’injecter ces informations dans le CRM Salesforce. Elle produit ensuite des résumés des contenus des mails et des appels, à l’aide d’une brique speech to text. C’est là que l’IA générative pourrait entrer en jeu pour générer les brouillons des réponses qui seront envoyés aux clients finaux.

« Ce n’est un cas d’usage réel, mais cela donne une idée des possibilités », précise Alexandra Ruez. « Grâce à l’IA générative, l’on pourrait aller plus loin avec les résumés d’e-mails, les transcriptions, l’omnicanalité, etc. Nous sommes confiants sur le fait que ce ne soit pas si compliqué que cela à mettre en place ».

Cette offre cible en partie une catégorie spécifique de clients qui ont adopté les produits Salesforce, Watson et qui souhaiteraient se mettre à l’IA générative, même à petite échelle.

« Il ne faut pas se voiler la face. Il faut pouvoir mieux servir les clients, mais le contexte économique impose une meilleure intégration des nouveaux systèmes avec l’existant ».
Alexandra Ruezvice-présidente & Senior Partner Business Transformation Services Leader d’IBM Consulting

« Il ne faut pas se voiler la face. Il faut pouvoir mieux servir les clients, mais le contexte économique impose une meilleure intégration des nouveaux systèmes avec l’existant. Il s’agit de prolonger les possibilités à partir d’investissements majeurs déjà réalisés », avance Alexandra Ruez.

« Les pilotes consacrés à l’IA générative que nous lançons actuellement sont principalement consacrés à Sales Cloud, dans les départements commerciaux, et à Service Cloud, dans les centres d’appels », ajoute Kheira Boulhila, SVP Solutions Engineering EMEA chez Salesforce.

La responsable rappelle que ce sont les deux solutions les plus utilisées par les clients de Salesforce.

« Nous regardons également dans quels domaines les clients exploitent Watson et nous faisons la jonction des deux. Et nous allons étudier avec les clients où l’intervention de l’IA générative est la plus intéressante au service du client final », confirme-t-elle.

Les banques prennent de l’avance

Les sondages consacrés à l’IA générative dénotent des avis divergents, parfois contradictoires. Il y a pourtant un intérêt certain des entreprises, selon les deux porte-parole.

« Tous les secteurs sont réceptifs, mais nous observons une plus grande attention dans le monde bancaire », indique Alexandra Ruez. « Les banques ont les moyens, nous les accompagnons depuis plusieurs semaines et elles attendent de déployer les premiers pilotes. Pour certaines d’entre elles, il s’agit de passer à l’échelle d’ici la fin de l’année ».

La responsable chez IBM ne livrera pas de noms, avantage concurrentiel oblige.

Les modalités d’hébergement des modèles LLM seraient multiples. « Cela dépend des banques. Certaines d’entre elles demandent des déploiements on-premise. Cela sera possible avec Wastonx en début d’année prochaine », annonce Alexandra Ruez. « D’autres sont plus ouvertes aux modèles open source et aux déploiements dans le cloud ».

Un intérêt prudent, mais un intérêt tout de même

Pour Kheira Boulhila, Dreamforce, la grand-messe de Salesforce, est l’occasion pour les entreprises qui font le déplacement de mieux cerner les possibilités de cette technologie.

« Les banques, les retailers, les acteurs de l’énergie, de la supply chain, etc. ne veulent pas rater le train [de l’IA générative] », renchérit Kheira Boulhila. « Quand elles viennent à Dreamforce, les dirigeants ont peut-être quelques cas d’usage en tête, mais beaucoup cherchent de l’inspiration et veulent observer ce que font les autres ».

Pour autant, et comme souvent dans l’IT, les directions informatiques et métiers semblent faire preuve de prudence.

« Personne n’a la vérité, mais tout le monde sait qu’il faut lancer des pilotes et que c’est en pratiquant que l’on va voir de nouvelles idées, de nouveaux cas d’usage émergés », note-t-elle.

Il y aurait toutefois moins de contraintes qu’auparavant, note la vice-présidente chez IBM Consulting.

Alexandra Ruez a vécu les débuts de l’IA dans les grandes banques françaises il y a sept ans. « Le marché a mis beaucoup de temps à démarrer. Cela représentait de gros investissements, l’on n’avait pas l’expertise, les clients se posaient des questions, il fallait organiser tout cela. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas », assure-t-elle. « Les clients sont rassurés par la technologie et tout le monde a intégré de l’IA dans ses produits ».

Des défis connus à surmonter

Il y a toutefois des défis, notamment la mise en qualité des données. « Tant que les données ne sont pas à jour, les résultats seront mitigés », reconnaît Kheira Boulhila

« Il faut pouvoir brasser beaucoup de données, les mettre en qualité, les sortir de leurs silos. Chez Salesforce, MuleSoft permet de gérer ces intégrations, y compris quand elles sont en dehors de nos produits ».

Alexandra Ruez se veut rassurante. « Les clients ont les données, mais il faut pouvoir les organiser en corpus. Chez IBM, nous avons l’expertise pour le faire ».

La responsable chez IBM évoque Watsonx Data, un outil pour récupérer les corpus, les nettoyer et les injecter ailleurs. « Nous, les consultants IBM, avons développé des actifs : par exemple, nous avons des Data Classifiers pour accélérer cette préparation », complète-t-elle.

Ces applications dissimulent des modèles d’IA spécifiques à des domaines industriels. En la matière, Dreamforce est l’occasion pour IBM et Salesforce d’évaluer les efforts à fournir en matière d’intégration avec Watsonx, d’accélérateurs de déploiements ou encore de besoins.

Outre cette synchronisation nécessaire qui prendra quelque temps, les sujets autour de l’éthique et des compétences sont cruciaux, selon les interlocutrices du MagIT.

« Il faut savoir s’assurer de l’éthique, qu’il n’y ait pas de biais, et ce, dès la conception », note Alexandra Ruez. « Aussi, nous passons les clés de la solution déployée aux clients, nous pouvons rester en maintenance, mais le client est en général autonome. Il faut s’assurer que le client ait bien les équipes compétentes disponibles. Avec l’IA, si vous ne continuez pas à injecter des données, si vous ne cherchez pas à éviter les dérives, ça n’a rapidement plus de valeur ».

« Pour lancer un pilote, il faut un minimum de compétences chez les clients que ce soit sur la plateforme Salesforce ou sur les technologies d’IA générative. C’est fondamental », confirme Kheira Boulhila.

C’est pour cette raison que Salesforce, IBM et leurs clients font preuve de prudence.

« Comme c’est une technologie naissante, nous commençons en général par la conception et le déploiement de pilotes chez nos clients ».
Kheira BoulhilaSVP Solutions Engineering EMEA, Salesforce.

« Comme c’est une technologie naissante, nous commençons en général par la conception et le déploiement de pilotes chez nos clients. En huit semaines, nous pouvons avoir des retours, relever ce qui fonctionne bien ou non. Nous ne rentrons pas dans des projets big bang », défend-elle.

En outre, les éditeurs, IBM et Salesforce compris doivent se pencher sur le sujet de la localisation des grands modèles de langage et des applications y afférentes en français.

Ce sera le cas dans les prochains mois pour certains modules d’IA générative Salesforce, promet Kheira Boulhila.

Chez IBM, deux modèles LLM sur sept disponibles depuis Watsonsx.ai peuvent générer des contenus en français, annonce Alexandra Ruez.

Enfin, la question de l’AI Act, qui devrait être signé d’ici la fin de l’année 2023, doit encore être prise en compte.

Les équipes en charge des affaires publiques chez IBM et Salesforce suivent le dossier. « Il faut trouver un juste équilibre entre innovation et garde-fous », espère Alexandra Ruez.

Pour l’heure, à la fois pour les raisons de localisation et de législation, les premiers clients à adopter l’IA générative chez Salesforce sont des acteurs internationaux, même quand ils sont d’origine française, note Kheira Boulhila.

Les forces vives d’IBM pour déployer les produits Salesforce

Comme pour d’autres plateformes, IBM dispose d’un bon nombre de consultants spécialisés dans le conseil et le déploiement de solutions Salesforce. En 2016, IBM a racheté Bluewolf, mais aussi Waeg en 2021, un spécialiste de l’intégration de solutions e-commerce Salesforce. Au total, sur AppExchange, IBM revendique plus de 5 900 experts certifiés Salesforce dans le monde (plus de 20 000 certifications passées), Waeg étant majoritairement présent en Europe et surtout en France.

« En France, nous avons plus de cent personnes qui travaillent sur les sujets Salesforce de deux manières. Certaines équipes sont expertes des produits, d’autres se concentrent sur les pratiques des industries spécifiques », relate Alexandra Ruez.

« Cette expertise par industrie est importante », renchérit Kheira Boulhila. IBM est aussi l’un des plus grands clients de Salesforce : ils utilisent a minima notre CRM et Slack à l’échelle mondiale ».

Enfin, IBM affirme avoir réuni plus de 1 000 consultants dans son centre d’excellence consacré à l’intelligence artificielle générative.

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