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ERP : Mark Moffat, le CEO qui veut faire entrer IFS dans la cour des très grands

Mark Moffat, le nouveau président écossais de l’éditeur suédois s’est confié au MagIT sur son parcours et sa méthode pour amener IFS à croître vite et bien. La recette de « ce travailleur acharné » mélange proximité, optimisme, accessibilité, et une pointe de foot US.

Portrait – Mark Moffat est Ă©cossais. La mĂ©tĂ©o sur Paris semble s’être mise au diapason ce jour-lĂ . Des giboulĂ©es brutales s’abattent sur les baies vitrĂ©es de l’atrium oĂą se dĂ©roule l’évènement d’IFS, suivies de temps calmes, plus sereins. Serein et calme, le nouveau PDG d’IFS l’est face aux clients français qu’il est venu visiter. DĂ©contractĂ© aussi, avec un pull beige, sobre, et une paire de baskets.

Mais derrière ce tempérament au premier abord réservé, c’est un manager tout sauf mitigé qui se confie en aparté au MagIT.

Portrait et secrets de celui qui s’est fixé comme mission de faire passer l’éditeur d’origine suédoise du statut de challenger à celui de leader, capable de jouer dans la même catégorie que des géants américains comme Salesforce et Workday.

L’homme aux dix carrières

ArrivĂ© en 2022 en provenance de PwC comme directeur commercial, Mark Moffat n’aura mis que deux ans Ă  prendre les rĂŞnes de l’éditeur d’ERP, de FSM et d’EAM. DĂ©but 2024, il est adoubĂ© par son prĂ©dĂ©cesseur au poste de CEO, Darren Roos.

Un commercial Ă  la tĂŞte d’IFS – plutĂ´t qu’un financier â€“ est un signe clair sur la philosophie qui sera appliquĂ©e dans les mois qui viennent. La rapiditĂ© de la promotion, et le profil de celui qui se dĂ©crit comme ayant dĂ©jĂ  eu « dix carrières Â», aussi.

« Je me sens incroyablement chanceux d’être passĂ© chez PwC. J’ai pu y travailler en Ă©troite collaboration avec des dizaines d’entreprises de premier plan. Â»
Mark MoffatCEO d'IFS

« Je me sens incroyablement chanceux d’être passĂ© chez PwC Â», lance-t-il. « J’ai pu y travailler en Ă©troite collaboration avec des dizaines d’entreprises de premier plan comme Vodafone, Shell, AstraZeneca ou GlaxoSmithKline. Je suis entrĂ© dans le fonctionnement intime de ces organisations Â», raconte-t-il.

Auditeur de formation, Mark Moffat a commencĂ© comme expert-comptable. Le fait d’avoir passĂ© « beaucoup de temps dans diffĂ©rentes salles de conseil d’administration de multinationales Â» lui aura donnĂ© une tout autre envergure. « J’ai l’impression d’avoir eu dix carrières […] J’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une formation et d’un environnement très riches qui m’ont mis, je le crois, en situation de diriger IFS aujourd’hui Â», avance-t-il sans forfanterie.

L’Écossais a en tout cas amenĂ© avec lui une autre manière de penser « en plus grand Â». Lui ne le dira pas, mais d’autres le disent sans dĂ©tour. IFS est Ă  un croisement. Certains en interne se voyaient encore comme un « petit Ă©diteur Â» (sic) par rapport Ă  SAP ou Ă  Oracle. « Parfois on se demandait jusqu’oĂą on pouvait aller. Pouvait-on vraiment faire cela, parce qu’on Ă©tait petit ? Â», se souvient une collaboratrice. Mark Moffat a clos le dĂ©bat. IFS dĂ©passe le milliard et demi de revenus et vise beaucoup plus. « La question ne pose plus avec le nouvel Ă©tat d’esprit [qu’il a insufflĂ©] Â».

La « Mark’s touch Â» : proximitĂ© client et collectif

Quand on lui pose la question de sa « patte Â», Mark Moffat rĂ©flĂ©chit, mais il n’hĂ©site pas longtemps. Sa mĂ©thode, dit-il, repose principalement sur deux piliers : la proximitĂ© avec les clients, et le collectif.

Mark Moffat, CEO d’IFS, à Paris le 04 avril 2024
Mark Moffat, CEO d’IFS, à Paris le 04 avril 2024

Des rĂ©ponses « bateau Â» ? Oui et non. Car Mark Moffat les applique.

« MĂŞme quand j’avais des fonctions de direction chez PWC, j’insistais pour passer 50 % de mon temps sur le terrain Â», souligne-t-il. « Je crois fondamentalement que si l’on est très proche des clients, qu’on Ă©coute ce qu’ils ont Ă  dire (ce qu’ils aiment et ce qu’ils ne veulent pas) et qu’on leur rĂ©pond, alors on ne peut pas se tromper. […] C’est assez simple comme recette Â».

« Ă‰couter, rĂ©pondre, engager, impliquer Â», rĂ©sume-t-il. Encore faut-il le faire, en Ă©tant par exemple perpĂ©tuellement sur la route pour rencontrer 100 clients en 100 jours – un dĂ©fi lancĂ© Ă  Mark Moffat par Darren Ross.

Mais le PDG n’entend pas ĂŞtre le seul Ă  faire le VRP. S’il passera 50 % de son temps Ă  Ă©changer avec les entreprises chez IFS, comme chez PwC, il attend « la mĂŞme chose de l’équipe de direction et de l’organisation dans son ensemble Â».

La raison en est simple. En grossissant, le lien de proximitĂ© devient de plus en plus dur Ă  garder. Il faut donc redoubler d’efforts. « Les clients que j’ai rencontrĂ©s m’ont dit que c’était une de leurs inquiĂ©tudes […] C’est une chose que nous devons farouchement prĂ©server en grandissant Â».

« Je suis un travailleur acharnĂ©. Â»
Mark MoffatCEO d'IFS

A priori, Mark Moffat n’aura pas trop Ă  se forcer. « C’est dans mon caractère. C’est dans les relations avec les clients que je puise mon Ă©nergie. […] J’ai souvent envie de gĂ©rer moi-mĂŞme le projet… c’est tellement excitant !... mais il faut que je me rĂ©frène Â», rigole-t-il.

Ce qu’il entend faire en revanche, et qui fait partie de sa « signature Â» (« a feature of me Â», dit-il) c’est construire de nouvelles « Ă©quipes hautement performantes Â» et « une communautĂ© de personnes, avec un esprit commun, qui agissent d’une manière conjointe et cohĂ©rente Â».

En clair : faire entrer de nouvelles compĂ©tences chez IFS, tout en prĂ©servant l’expĂ©rience interne. Trouver un juste Ă©quilibre entre ceux qui ont fait l’éditeur jusqu’ici et ceux qui – avec des capacitĂ©s et des aptitudes qui peuvent ĂŞtre très diffĂ©rentes â€“ doivent l’amener au niveau supĂ©rieur. Et amalgamer le tout.

Au fil de la conversation, un autre Ă©lĂ©ment clef apparaĂ®t : le travail. « Je suis un travailleur acharnĂ© Â», concède-t-il. « Je crois dans l’honnĂŞtetĂ©, dans la transparence, et dans la valeur de l’exemple. Je ne demanderais Ă  personne de faire quelque chose que je ne pourrais pas faire moi-mĂŞme Â». Mais la rĂ©ciproque indique aussi, en creux, une exigence Ă©levĂ©e.

Foot américain à l’écossaise

Mark Moffat est fan de sports. Mais plutĂ´t que du rugby, c’est du foot amĂ©ricain qu’il tire une forme d’inspiration pour son management, mĂŞme s’il insiste sur le fait qu’il n’a pas connu « un mentor, mais une trentaine de personnes Â» qui ont eu une influence sur sa carrière et avec qui il a gardĂ© contact.

« Je prends les conseils de tous ceux qui m’en donnent. Je les Ă©coute toujours et je les utilise de la manière qui me semble la plus appropriĂ©e. Je suis très attachĂ© aux Ă©changes Â», explique-t-il. Reste que « l’une des personnes qui m’ont le plus marquĂ© Â», et qu’il utilise comme exemple en interne, est un entraĂ®neur de football universitaire amĂ©ricain, Jim Harbaugh. « C’est quelqu’un que je trouve vraiment remarquable Â», souffle Mark Moffat.

« Who's got it better than us?... NOBODY! Â»
Jim HarbaughCoach de football américain universitaire

Inconnu en Europe, Jim Harbaugh a la rĂ©putation d’être un coach qui travaille très dur, un homme « simple Â», qui met le groupe au-dessus des individualitĂ©s. Et passĂ© expert dans les formules chocs.

Une de ses tirades les plus cĂ©lèbres aux États-Unis est une question « Qui a plus que nous ?!? Â» (« Who's got it better than us? Â») Ă  laquelle la rĂ©ponse est inlassablement « PERSONNE !!! Â».

« Cela a l’air basique. Mais il y a beaucoup de choses lĂ -dedans Â», explique le CEO. « Il dit “Soyez positifs. Soyez heureux. Soyez reconnaissants de ce que vous avez plutĂ´t que regretter ce que vous n’avez pas” Â». Mark Moffat a clĂ´turĂ© son « sales kickoff Â» en s’en inspirant. « Regardez-nous. On a fait +30 % en un an. Nous avons une communautĂ© très engagĂ©e. On dĂ©passe le milliard. On gagne (notre taux de rĂ©ussite face Ă  la concurrence est de 60 % Ă  70 %). Nous sommes des challengers. C’est un dur labeur qui nous attend. Mais, hĂ© ! “who's got it better than us ?!?!” Â».

Une autre expression de Jim Harbuck a marquĂ© Mark Moffat : « attaquez chaque journĂ©e avec un enthousiasme sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire de l’humanitĂ© Â». (« Attack every single day with an enthusiasm unknown to mankind Â»).

Un hyper optimisme, volontaire, qui rappelle aussi que « chaque jour est un nouveau dĂ©part. Hier n’est plus lĂ . Alors, regardez devant Â», martèle le CEO d’IFS.

Viser la Lune, avec les pieds sur Terre

Volontaire et optimiste. Ces deux autres mots émergent au fil de la discussion pour décrire l’homme et sa méthode.

« Il faut viser la lune, mais il faut aussi donner aux gens les moyens d’y parvenir. Â»
Mark MoffatCEO d'IFS

« Vous me faites rĂ©flĂ©chir… personne ne m’avait posĂ© ces questions-lĂ . Du coup je pense Ă  quelqu’un, il y a longtemps, Tom… le père d’un amour de jeunesse. C’était un homme incroyablement positif. Il Ă©tait fermement persuadĂ© qu’il n’y avait rien que l’on ne puisse faire. Rien n’est impossible, disait-il. Je me souviens encore très bien de conversations que j’ai eues avec lui. Il m’a inculquĂ© ce sentiment qu’il n’y a rien que je ne puisse faire non plus Â».

« Et lorsque vous voyez le monde en vous disant que tout est possible.... eh bien, tout devient possible Â», sourit Mark Moffat. « Chaque problème, chaque dĂ©fi a une solution Â».

RĂ©sultat, le CEO d’IFS « vise systĂ©matiquement la Lune Â», selon sa propre expression. Mais en gardant les pieds sur terre. « Au fil des ans, j’ai aussi appris Ă  ĂŞtre pragmatique. Car il faut viser la Lune, mais il faut aussi donner aux gens les moyens d’y parvenir. Il faut s’assurer qu’il y a du concret et qu’il y a une discipline et une rigueur financières qui vont avec Â», ajoute-t-il.

ĂŠtre accessible aux Ă©quipes

Mark Moffat revient aussi, systĂ©matiquement, sur les notions de groupes, d’appartenance (« si les gens sentent qu’ils se dĂ©veloppent, ils vous donnent le meilleur d’eux-mĂŞmes Â»), d’exemplaritĂ© et d’accessibilitĂ© d’un dirigeant.

« Je suis sincère. Je veux que chaque personne chez IFS sente qu’elle contribue au développement et à la stratégie. Et si quelqu’un a l’impression de ne pas y être associé, je veux personnellement le savoir. Cette personne n’est pas seule. Elle peut me joindre », assure-t-il.

Vraiment ? « Oui, vraiment. Par WhatsApp, par e-mail, sur Teams. Je rĂ©ponds. Ce qui me rĂ©conforte, c’est que des gens le font. Cela veut dire qu’ils m’ont entendu et qu’ils ont confiance dans ce que je dis Â».

« Maintenant vous avez mon e-mail. Â»
Mark MoffatCEO d'IFS

Mark Moffat y tient. Il veut ĂŞtre accessible. « Il le faut ! On me demande souvent “mais comment tu vas faire ?”. Pour moi, cela fait partie du poste, il faut trouver le temps… Après, si je reçois 200 messages par jour, c’est qu’il y a un problème quelque part qui doit ĂŞtre rĂ©glĂ© Â», nuance le CEO. « C’est qu’il y aurait des managers qui ne feraient pas leurs jobs correctement Â».

L’horloge tourne. L’entretien se termine. La pluie s’est Ă©clipsĂ©e. Mark Moffat ne va pas tarder Ă  faire de mĂŞme. Toujours calme et posĂ©, il conclut sur le fait qu’il se sent « incroyablement chanceux [d’être Ă  la tĂŞte d’IFS] et reconnaissant Â» et qu’il veut un succès d’équipe, pas personnel.

Nous nous levons. Le CEO pose sa carte de visite sur la table. « Maintenant vous avez mon e-mail. Si vous avez d’autres questions, n’hĂ©sitez pas, vous non plus Â», glisse-t-il doucement dans un hochement de tĂŞte.

Propos recueillis lors d’une entrevue Ă  Paris le 04 avril 2024.

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